Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Le moudjahid érudit qui a écrit 101 livres !

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Le moudjahid érudit qui a écrit 101 livres !

    Mohamed Salah Sedik. Ancien moudjahid, écrivain, historien, poète
    Le moudjahid érudit qui a écrit 101 livres !


    « La liberté ne se conquiert jamais qu’au détriment de celle des autres. Etre libre, c’est dominer. Dans le dernier cas, la liberté n’est acquise qu’au détriment de soi. »
    Pierre Reverdy


    Sa maison qui ne désemplit pas est en partie dominée par une impressionnante bibliothèque où même les ouvrages anciens ont leur place. On ne peut détourner le regard, sans croiser un livre. Il affirme qu’une journée sans écrire est une journée perdue. Ecrivain torrentiel et prolifique, il déborde d’une curiosité qui l’a porté de la poésie à la nouvelle, à la critique, à la théologie, à l’histoire, aux questionnements posés sur le sens de la vie.
    Inlassable scrutateur de l’âme humaine, il ne cesse d’écrire. De sa quête de témoigner sont nés plus de 100 livres tous genres confondus. Il a bien voulu nous ouvrir sa porte et son cœur. La mémoire en bandoulière, il nous conte sa vie. De son vrai nom Aït Sedik Mohamed Salah, mais tout le monde l’appelle Mohamed Salah Sedik, parce qu’un jour de l’année 1947, alors qu’il étudiait à la Zitouna de Tunis, son professeur Ahmed Ledjridi lui avait conseillé, lors d’un cours de rhétorique, d’adopter cette appellation.
    Depuis, il n’est connu que sous ce patronyme. Mohamed Salah est né le 19 décembre 1925 au village Abizar près d’Azazga. Ses parents sont originaires d’Ibiskrien. Son père, Cheikh Bachir, a’lem, fkih et imam était un personnage fort connu dans la région. « C’est lui qui m’a tracé la trajectoire. Lorsque j’ai appris par cœur le Coran à 8 ans et quatre mois, il en était fier. Lui qui était réservé et pudique m’avait surpris lorsqu’il ordonna à ma mère d’exécuter un youyou pour célébrer l’événement. Alors pour me récompenser, il m’offrit deux choix : m’acheter une petite voiture ou visiter Alger. J’ai opté pour le voyage dans la capitale. Là avec mon oncle, le cheikh Tahar Aït Aïssa, et après la prière du dhor à la grande mosquée, on a déambulé à la rue Bab Azzoun où on a rencontré un homme peu ordinaire avec son burnous et sa barbe. C’était Cheikh Ben Badis qui avait posé sa main sur ma tête, en montrant sa fierté lorsqu’il apprit que j’était le fils de Cheikh El Bachir. Je me rappelle qu’il avait cité une sourate. Cette image, je ne l’oublierai jamais. »

    L’enfant d’Azazga
    De retour au bled, Mohamed Salah se mit à apprendre la poésie arabe. « Cela m’a beaucoup aidé lorsque je rejoignis à 14 ans la zaouïa d’El Illouli, où officiait le célèbre Cheikh Arezki Cherfaoui, diplômé de la non moins célèbre université d’El Azhar. » Le virus de la connaissance ne le quittera plus et il lorgnera du côté de la Zitouna, malgré l’avis contraire de l’administration coloniale. Il racontera avec beaucoup de nostalgie et de colère contenue, ses péripéties en compagnie de son ami Mohamed Necib pour rallier à pied la capitale tunisienne. Il contera, avec humour, ses démêlés avec le commissaire de Tébessa et la tentative de le refouler.
    Il passera 19 jours à l’ombre. Il finira par joindre la Zitouna où un autre interrogatoire l’attendait. Celui de 3 examinateurs résolus qui le malmenèrent durant 5 heures avant de l’accepter à accéder en 3e année. Sedik y passera 5 ans tout en s’initiant à la presse, en signant régulièrement une chronique intitulée « Saout etaleb ezitouni » et en participant activement dans la revue L’Inspiration de la jeunesse. Ses talents d’écrivain étaient évidents et à 25 ans il est déjà l’auteur d’un ouvrage de quatre tomes, Les Ecrivains accomplis. En 1951, il passe avec succès le dernier examen et retourne en Kabylie où il enseigne aux 350 élèves de la zaouïa d’El Illouli. « Je donnais une conférence chaque jeudi après la prière du maghreb. » Il évoqua l’Emir Abdelkader, les insurrections et les peuples libres. C’étaient des thèmes qui n’avaient pas du tout cours. « J’y ai ouvert une bibliothèque.
    Les élèves rapportaient la teneur de mes activités à leurs parents, dont la plupart avaient des sympathies pour le PPA. Moi j’ai été approché par les oulemas, mais comme mon temps était consacré à l’enseignement et à l’écriture, je ne pouvais me lancer dans la politique. Cela ne m’intéressait pas vraiment. » L’audience acquise dans la région kabyle a fait de Sedik un homme incontournable, contacté quelques semaines avant le déclenchement de la Révolution par Krim Belkacem, Ali Mellah et Ouamrane. Les premières semaines de la guerre coïncidèrent avec la parution de son ouvrage en 1955, Les Desseins du Coran, préfacé par Ahmed Toufik El Madani. Cette œuvre majeure lui valut les louanges du prince des poètes algériens, Mohamed Laïd Al Khalifa, qui se fendit d’un poème d’une douceur exquise. Même le daï’a Abou Yakdhane y alla de ses éloges. « Cela m’a encouragé à aller de l’avant. A l’heure des bilans, je peux m’estimer heureux avec 101 livres écrits », relève-t-il, non sans fierté.

    La zaouïa d’El D’EL Illouli
    Au déclenchement de la guerre, il est responsable de l’armement et des finances dans la région, tout en poursuivant son enseignement à la zaouïa pour ne pas éveiller les soupçons. Il est arrêté, relâché et contraint d’aller en France en 1956. De là, il rejoint Tunis où il rencontre Bachir El Kadi, responsable FLN, qui sera son chef en Libye. Sedik a été rédacteur à La Résistance, journal du Front animé par Cheriet, Bechichi, El Mili, Malek, Fanon... En Libye, Sedik est commissaire politique à Fezzan sous la direction du commandant Idir. « A Tripoli, j’étais responsable de l’information et c’est à moi qu’échut l’honneur d’inaugurer Saout El Djazaïr, Voix de l’Algérie combattante, le 1er novembre 1958. »
    Sedik y restera jusqu’à l’indépendance, où il est détaché au ministère des Affaires étrangères. Mais Sedik, homme de caractère et esprit libre avait moins le souci de faire carrière que celui de se dédier à sa passion. « Certains comportements ne m’avaient pas plus. Alors, j’ai claqué la porte. J’ai préféré renouer avec mes premières amours : l’enseignement. Je me sentais plus utile dans ce domaine. Je renouais en quelque sorte avec ma vocation. »

    Retour à l’enseignement
    Il est professeur d’arabe au lycée Abane Ramdane d’El Harrach, au lycée Ibn Khaldûn et au lycée des frères Hamia à Kouba. Son destin croisera, en 1980, celui de son ami Abderahmane Chibane, promu ministre des Affaires religieuses, qui le nommera dans son staff. « J’étais chargé du patrimoine et de la restauration des vestiges. J’ai effectué de nombreux déplacements à l’étranger qui ont conforté mes connaissances, notamment en URSS où j’ai pu visiter les Républiques musulmanes. »
    En 1997, Sedik se retire du ministère pour se consacrer à l’écriture. Chez l’écrivain, la vie vécue se double d’une vie écrite. Et celle-ci n’est pas seulement la transcription de celle-là, avoue-t-il pour décrire sa passion livresque. « Ecrire, notait Faulkner, ce n’est pas se détourner de la vie, c’est la vivre autrement, c’est accéder dans et par l’écriture à une autre vie. » Si l’on se réfère à son parcours, Sedik a eu plusieurs vies avec un seul dénominateur, l’amour du pays, l’amour des autres, développés dans une piété exemplaire. Pour lui, il n’y a pas plusieurs Islam comme prôné par les faux prophètes, à l’origine de catastrophes passées et à venir.
    « Tout ce qui en dehors du Coran et de la Sunna s’apparente à du charlatanisme qui sacrifie l’essentiel pour l’accessoire, se fixant sur le virtuel et non sur le réel, sur le prosélytisme, sur des données déformées, sur des impostures. Cette manière de voir est heureusement rejetée par la quasi-majorité des musulmans, qui savent distinguer le bien du mal. L’Islam des apparences et de la violence n’est pas le fait de véritables musulmans », tranche-t-il. Ce que pense l’enseignant de l’école algérienne ? Amer, il avance qu’elle n’a pas atteint ses buts. L’école se limite, hélas, à former des hommes obnubilés par le diplôme qu’on veut obtenir par tous les moyens, même en trichant.
    Le diplôme est supposé être la clef qui ouvre les portes. Mais on oublie de construire l’homme en lui inculquant tout le savoir nécessaire pour pouvoir jouer pleinement son rôle dans la société, en sa qualité de citoyen à part entière. Autour de la longue discussion, Sedik exhibe ses livres dont l’un a attiré notre attention et consacré au militant libyen de la cause nationale, El Hadi El Mechirgui, qui avait l’Algérie au cœur et qu’il a aidée de manière désintéressée, mettant en péril sa vie. « C’est un grand homme qui a émis le vœu d’être enterré en Algérie. Il est décédé à 101 ans et est inhumé à El Alia. Ecrire sur ce valeureux personnage est un devoir de mémoire pour moi. La moindre des choses était de l’immortaliser. » La discussion très plaisante se poursuite, mais il se fait tard… A plus tard…

    PARCOURS
    Sedik Mohamed Salah est né en 1925 à Azazga. Après des études à la zaouïa d’El Illouli, il rejoint la prestigieuse université de la Zitouna à Tunis, d’où il en sort diplômé. Sedik retourne en 1951 en Kabylie où il enseigne à la zaouïa fréquentée par 350 élèves. Au déclenchement de la Révolution, il est sollicité par les chefs de l’insurrection et sera chargé de certaines missions qu’il accomplira clandestinement, tout en continuant à exercer à la zaouïa. Démasqué, il est sous surveillance. Il ira en France en 1956 puis ralliera la Tunisie, puis la Libye où il est commissaire politique. Il est rédacteur dans la revue de l’Algérie combattante, résistance algérienne. A l’indépendance, après un court intermède aux Affaires étrangères, il sera enseignant dans différents lycées d’Alger. Auteur prolifique, Sedik a à son actif 101 livres et d’autres ouvrages en chantier.
    El Watan
    Mieux vaut un cauchemar qui finit qu’un rêve inaccessible qui ne finit pas…
Chargement...
X