Hier à l'occasion de l'Aïd, Bouteflika est apparu en public mais en raison de son inactivité politique et malgré les propos rassurants de Belkhadem quant à sa reprise de la scène politique et gouvernemental , les spéculations vont bon train et les successeurs se bousculent.
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Le revoilà. La rumeur le disait en pèlerinage à La Mecque, il se manifeste à la grande mosquée d'Alger. Agenouillé, Abdelaziz Bouteflika se prosterne à l'occasion . Entouré des membres de son gouvernement, le président se recueille les épaules voûtées, les yeux mi-clos, le visage grave. Puis, à la fin de la cérémonie, il embrasse l'un après l'autre les participants qui lui rendent un salut empreint de compassion.
En dépit de cette nouvelle apparition, le président n'a pas repris ses activités politiques. Sur les hauteurs d'Alger, la présidence d'el-Mouradia somnole. Les gardes en faction à l'accueil bavardent, les emplacements de parking sont inoccupés et les couloirs plutôt déserts. Selon le site Internet de la présidence, l'agenda présidentiel pour les prochaines semaines est vide. «Aucune activité prévue ce mois», précise el-mouradia.dz.
Officiellement, le chef de l'Etat est convalescent et devrait reprendre progressivement un rythme de travail normal. «Le président est là, il dirige le pays et gère ses affaires», répète le secrétaire général du Front de libération nationale (FLN) et ministre spécial, Abdelaziz Belkhadem. Il est question d'un prochain Conseil des ministres qui ne s'est pas réuni depuis près de deux mois et d'un possible déplacement fin janvier à Khartoum, au Soudan, pour le sommet de l'Union africaine.
Militaires «faiseurs de rois»
Cet effacement tranche avec le déferlement médiatique auquel Abdelaziz Bouteflika a habitué les Algériens. Depuis sa première élection, en 1999, le président pouvait parler pendant des heures à la télévision publique tandis que le moindre de ses déplacements était mis en exergue. La mobilisation de ses partisans lors de son retour du 31 décembre et son bain de foule devaient lever les inquiétudes. Mais le silence présidentiel attise les rumeurs. Selon l'une d'elles, Abdelaziz Bouteflika devrait être à terme «remplacé» par le haut fonctionnaire des Nations unies Lakdhar Brahimi. C'est ce dont seraient convenus les «décideurs», ces généraux plus ou moins à la retraite censés faire la pluie et le beau temps.
Distillée dans le tout-Hydra, le quartier résidentiel de la capitale où vivent les hauts responsables algériens, la rumeur était tellement insistante qu'elle a contraint Lakhdar Brahimi à un démenti. Une autre évoque une improbable rencontre à Rabat entre les militaires «faiseurs de roi» : le général Larbi Belgheit, ambassadeur au Maroc, le général Lamari, ex-chef d'Etat major des armées mis à la retraite par le président et le général Nezzar, la bête noire de Bouteflika. «Les clans se réunissent pour essayer de connaître la vérité, mais, en dehors de l'entourage personnel du président, seul le général Mediène, dit Tewfik, le patron des «services» lui a rendu visite à Paris», croit savoir Me Ali Yahia, l'ancien président de la Ligue des droits de l'homme algérienne.
«Bouteflika est affaibli, mais il s'accroche», commente Omar Belhouchet, le patron d'el-Watan, l'un des principaux journaux privés francophones. «C'est très subjectif, mais nous avons le sentiment d'un début de fin de règne. Plus de trois mois après le référendum sur la réconciliation censé tourner la page de l'insurrection islamiste, nous attendons toujours les textes qui doivent concrétiser cette politique alors que d'autres grandes réformes sont en suspens», ajoute-t-il. «Bouteflika n'a plus la capacité de faire taire les querelles internes et de donner le cap. C'est avant tout en cela qu'une nouvelle phase s'ouvre.»
«Ce n'est pas une dictature, mais une pagaille»
Voici quelques jours, les députés de la majorité présidentielle ont fait preuve d'une indiscipline inhabituelle en repoussant un article de la loi sur la lutte contre la corruption. Les parlementaires du FLN et du Mouvement de la société pour la paix (MSP), un parti islamiste modéré de l'alliance présidentielle, ont refusé de déclarer leur patrimoine comme le demandait le chef de l'Etat pour aligner l'Algérie sur les normes internationales. Dans le même temps, l'opposition critique la gestion de la maladie du président. «Bouteflika revendique un bilan positif, mais il dirige un pays qui semble incapable de soigner dans ses hôpitaux un ulcère hémorragique. Puis, quand il rentre, le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) paralyse la capitale avec des manifestations populaires sous prétexte que le président va bien et remercie Dieu. A trop vouloir rassurer, on organise l'au-delà, pas le présent», affirme le docteur Saïd Sadi, le chef du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD).
Ce psychiatre d'origine kabyle stigmatise un «système en bout de course». «On est avec la Corée du Nord ou la Syrie l'un des derniers pays au monde congelé. Chez nous, ceux qui décident ne gèrent pas et ceux qui gèrent ne décident pas. L'Algérie de Bouteflika n'est pas une dictature, mais une immense pagaille. Résultat : une fois de plus en cas de vacance de pouvoir, la machine infernale des décisions occultes va se mettre en place», insiste-t-il. C'est que la peur du vide politique réveille un questionnement sur la nature du régime tout en relançant les ambitions des hommes du sérail.
Personnalisé à l'extrême dans ses apparences, le pouvoir appartient-il vraiment au président ? Ou gouverne-t-il avec le DRS, le bras politique de l'armée ? Qui tient vraiment le pays ? Avec quel projet politique ? «Cela fait bien longtemps que nous n'avons plus de vision pour l'Algérie. Nous ne savons pas dans quelle direction aller», répond un ancien responsable militaire reconverti, à l'instar de nombre de ses collègues, dans le privé. «Il y a un paradoxe apparent. On assiste à une déliquescence du pouvoir légal alors que nous sommes dans un régime autoritaire qui brutalise la société», analyse, sous couvert d'anonymat, un ex-dirigeant qui, comme beaucoup, n'a, semble-t-il, pas abandonné l'espoir de revenir un jour aux affaires.
Source: Le Figaro
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Le revoilà. La rumeur le disait en pèlerinage à La Mecque, il se manifeste à la grande mosquée d'Alger. Agenouillé, Abdelaziz Bouteflika se prosterne à l'occasion . Entouré des membres de son gouvernement, le président se recueille les épaules voûtées, les yeux mi-clos, le visage grave. Puis, à la fin de la cérémonie, il embrasse l'un après l'autre les participants qui lui rendent un salut empreint de compassion.
En dépit de cette nouvelle apparition, le président n'a pas repris ses activités politiques. Sur les hauteurs d'Alger, la présidence d'el-Mouradia somnole. Les gardes en faction à l'accueil bavardent, les emplacements de parking sont inoccupés et les couloirs plutôt déserts. Selon le site Internet de la présidence, l'agenda présidentiel pour les prochaines semaines est vide. «Aucune activité prévue ce mois», précise el-mouradia.dz.
Officiellement, le chef de l'Etat est convalescent et devrait reprendre progressivement un rythme de travail normal. «Le président est là, il dirige le pays et gère ses affaires», répète le secrétaire général du Front de libération nationale (FLN) et ministre spécial, Abdelaziz Belkhadem. Il est question d'un prochain Conseil des ministres qui ne s'est pas réuni depuis près de deux mois et d'un possible déplacement fin janvier à Khartoum, au Soudan, pour le sommet de l'Union africaine.
Militaires «faiseurs de rois»
Cet effacement tranche avec le déferlement médiatique auquel Abdelaziz Bouteflika a habitué les Algériens. Depuis sa première élection, en 1999, le président pouvait parler pendant des heures à la télévision publique tandis que le moindre de ses déplacements était mis en exergue. La mobilisation de ses partisans lors de son retour du 31 décembre et son bain de foule devaient lever les inquiétudes. Mais le silence présidentiel attise les rumeurs. Selon l'une d'elles, Abdelaziz Bouteflika devrait être à terme «remplacé» par le haut fonctionnaire des Nations unies Lakdhar Brahimi. C'est ce dont seraient convenus les «décideurs», ces généraux plus ou moins à la retraite censés faire la pluie et le beau temps.
Distillée dans le tout-Hydra, le quartier résidentiel de la capitale où vivent les hauts responsables algériens, la rumeur était tellement insistante qu'elle a contraint Lakhdar Brahimi à un démenti. Une autre évoque une improbable rencontre à Rabat entre les militaires «faiseurs de roi» : le général Larbi Belgheit, ambassadeur au Maroc, le général Lamari, ex-chef d'Etat major des armées mis à la retraite par le président et le général Nezzar, la bête noire de Bouteflika. «Les clans se réunissent pour essayer de connaître la vérité, mais, en dehors de l'entourage personnel du président, seul le général Mediène, dit Tewfik, le patron des «services» lui a rendu visite à Paris», croit savoir Me Ali Yahia, l'ancien président de la Ligue des droits de l'homme algérienne.
«Bouteflika est affaibli, mais il s'accroche», commente Omar Belhouchet, le patron d'el-Watan, l'un des principaux journaux privés francophones. «C'est très subjectif, mais nous avons le sentiment d'un début de fin de règne. Plus de trois mois après le référendum sur la réconciliation censé tourner la page de l'insurrection islamiste, nous attendons toujours les textes qui doivent concrétiser cette politique alors que d'autres grandes réformes sont en suspens», ajoute-t-il. «Bouteflika n'a plus la capacité de faire taire les querelles internes et de donner le cap. C'est avant tout en cela qu'une nouvelle phase s'ouvre.»
«Ce n'est pas une dictature, mais une pagaille»
Voici quelques jours, les députés de la majorité présidentielle ont fait preuve d'une indiscipline inhabituelle en repoussant un article de la loi sur la lutte contre la corruption. Les parlementaires du FLN et du Mouvement de la société pour la paix (MSP), un parti islamiste modéré de l'alliance présidentielle, ont refusé de déclarer leur patrimoine comme le demandait le chef de l'Etat pour aligner l'Algérie sur les normes internationales. Dans le même temps, l'opposition critique la gestion de la maladie du président. «Bouteflika revendique un bilan positif, mais il dirige un pays qui semble incapable de soigner dans ses hôpitaux un ulcère hémorragique. Puis, quand il rentre, le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) paralyse la capitale avec des manifestations populaires sous prétexte que le président va bien et remercie Dieu. A trop vouloir rassurer, on organise l'au-delà, pas le présent», affirme le docteur Saïd Sadi, le chef du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD).
Ce psychiatre d'origine kabyle stigmatise un «système en bout de course». «On est avec la Corée du Nord ou la Syrie l'un des derniers pays au monde congelé. Chez nous, ceux qui décident ne gèrent pas et ceux qui gèrent ne décident pas. L'Algérie de Bouteflika n'est pas une dictature, mais une immense pagaille. Résultat : une fois de plus en cas de vacance de pouvoir, la machine infernale des décisions occultes va se mettre en place», insiste-t-il. C'est que la peur du vide politique réveille un questionnement sur la nature du régime tout en relançant les ambitions des hommes du sérail.
Personnalisé à l'extrême dans ses apparences, le pouvoir appartient-il vraiment au président ? Ou gouverne-t-il avec le DRS, le bras politique de l'armée ? Qui tient vraiment le pays ? Avec quel projet politique ? «Cela fait bien longtemps que nous n'avons plus de vision pour l'Algérie. Nous ne savons pas dans quelle direction aller», répond un ancien responsable militaire reconverti, à l'instar de nombre de ses collègues, dans le privé. «Il y a un paradoxe apparent. On assiste à une déliquescence du pouvoir légal alors que nous sommes dans un régime autoritaire qui brutalise la société», analyse, sous couvert d'anonymat, un ex-dirigeant qui, comme beaucoup, n'a, semble-t-il, pas abandonné l'espoir de revenir un jour aux affaires.
Source: Le Figaro
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