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Farid Ferragui, les couleurs et le cœur

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  • Farid Ferragui, les couleurs et le cœur

    Paris, dimanche. Pause qui invite aux invasions régénératrices. Aux rencontres qui réchauffent l’existence. Un tant soit peu. L’équipe nationale a gagné. Tout le peuple s’honore d’une victoire sur lui-même.

    C’est cet état d’esprit que partage le peuple de France venu célébrer la rencontre thérapeutique, annuelle, avec Farid Ferragui son ‘’guérisseur’’. Le porte-voix des cœurs. De l’identité. L’étendard multi générationnel.

    Farid Ferragui nous convie au monde du rêve. Pour réhabiliter les valeurs des liens nécessaires et vitaux des peuples. L’Espace Reuilly est envahi !

    16h 30. La salle est archicomble. On se parle. Les couleurs nationales, identitaires, sont sur toutes les langues. Il y a de la chaleur. Humaine. Des visages de tout âge : des passionnés éternels, d’incompris anonymes et des fans créateurs tourmentés. La scène est résolument à l’ancienne : le gout du diaprée, haut en couleur, sentant mielleux l’olivier et le fard du sable chaud. Le vacarme des instruments électriques prohibé. Un luth, un bendir, une derbouka suffisent à égayer un public venu des quatre coins de l’Hexagone.

    Farid Ferragui , animateur en herbe qui a tout d’ un professionnel, sonne le tocsin du parfum du jour, le bal, à l’ouverture du rideau rouge, géant. C’est le moment de quitter un monde enseveli par le doute, la crise et les agressions stratégiques du pouvoir de Moubarek, têtu à cracher du mépris.

    Abane peut s’en remettre : l’Algérie redevient ce qu’elle devait être : Algérienne. La lumière laisse place au verbe. Aux espaces féeriques. A l’hypnose des mots de Farid. On s’y livre mains et poings liés. Rabah Hamel, jeune chanteur de Draâ El Mizan, aura droit à une reconnaissance. Deux opus purs, dans la lignée de Farid.

    Accueil des géants

    La vedette de Berbère Télévision, l’incontournable Kamal Tarwiht dédie un poème au Rossignol. Il y décrit un ‘’amorologue ‘’ assermenté. Farid, “Cheikh Tayri’’. Le voici ! Jovial, mine sportive, cœur de lion. Emu à l’infini. La salle est en délire. La scène envahie. Des photos : on arrache l’immortalité de l’instant. L’artiste s’interdit de se prendre au messie. “Je peux chanter devant une seule personne !’’. Humilité légendaire. Que rien ne désappointe. Respect. Pudeur millénaire des montagnards. Des youyous, des applaudissements. Accueil des géants ! A la percussion un nom, un grand : Rabah Khalfa, percussionniste majuscule.Ca rassure. Le luth ne manquera pas de faire des dégâts sensationnels…

    A peine la première note entonnée, un silence religieux s’installa. Les fans ne sont plus eux-mêmes. Ils se livrent. Ecoutent. Remercient. Consacrent. Envoûtés et charmés par un show à la magie singulière. Premières larmes. Des ‘’piqures’’ de… bienvenue..

    ‘’ A zigh sruyagh kun’’. Puis hommage immanquable aux compagnons : le public saisi par une indescriptible communion. Pour Ferragui, le public est ami. A telle enseigne que l’union est scellée’’ jusqu’ à la mort’’. La voix cajole. Câline à souhait… Des vibrations intimes…. Libres.

    “Je vous ai conjuré de ne plus jamais m’écouter… Et vous y voilà fidèles’’, taquine l’artiste. Réponse unanime, en chœur : “C’est plus fort !”. Des larmes indiscrètes : évocations sismiques. Parade impossible : se remémorer nos prestigieuses filiations. Au même temps recenser nos trahisons, nos saveurs entretenues. Et les cassures qu’inflige l’époque ingrate.

    Farid en chantre avisé sait entraîner l’auditoire. L’entraîner, enveloppé — dépossède de ses instants de doute et d’égarements — par les envoûtements suaves, vers des territoires où le passé et le devenir se font face. “Ay ahbib ur id tmeslay’’, ami de l’amour ne parle plus, telle un arrangement nécessaire. Point de nom retour. Définitif. ..

    Les couleurs et le cœur : terre d’angoisses, Eden d’aspirations

    Farid a-t-il omis de festoyer la résurrection de l’équipe algérienne? M’hamed doute. Visiblement non remis de l’historique victoire de Khartoum, il demande au Maitre d’en dire un mot. Farid n’esquive guère. Mu par la chaleur patriotique qu’on lui connait, la réplique est immédiate. Le public est gratifié par “Nebgha ad tseguem”. Une Algérie nouvelle. Une autre. “Et que les Verts gagnent la Coupe du monde !”

    Au fond, on y compulse l’histoire de la mère nourricière, l’Algérie. Pays où la malédiction d’une destinée détournée et l’omniscience des vizirs semblent la violenter. Avec ferveur. Déphasage abyssal entre le peuple et son destin : voilà l’épine dorsale du malheur. Qui l’étouffe. Le désenchantement est visible. Autant les offrandes printanières, libres, qui s’échappent.

    La salle est électrifiée. Le percussionniste, Ammi Rabah manœuvre des rythmes effrénés . C’est le feu. De la danse ! Surprise… La salle est embrasée.

    “Prenons garde, nous avons un seul pays”. L’Algérie : culmine tout amour, aveu du poète. Et des youyous chaleureux, de toute part, des Françaises et des Algériennes, planent et se posent au-dessus de la " mêlée " des sons.

    ‘’Une rencontre avec nous même’’

    Pour les fans des hanchements, Farid leur dédie quelques instants électriques. Pas longtemps.’’ Retour au récital. Le vrai. On réécoute, On contemple…

    Pause. Au hall de l’accueil, chacun s’affaire à repérer une connaissance de là bas. Les livres de la production amazighe s’arrachent. Des CD. Et des souvenirs. La culture respire. Shamy, autre géant du combat amazigh acquise : le sang, la sueur payent !

    Seconde partie. Autre surprise. Moh Tafarka, très sage poète de Berbère Télévision surgit arborant le drapeau amazighe. Symbole d’authenticité. De bravoure. D’innocence.

    L’Algérie est amazighe. Depuis toujours. Et pour toujours. Dans un kabyle maitrisé à la perfection, dédie des refrains en l’honneur à Farid. Applaudissements stridents. Des youyous… Djamel amazigh venu spécialement du pays chantera deux formidables chansons, dont une nouvelle, en cadeau. Copieusement ovationné.

    Farid est déjà là. Toujours en forme. ‘’Aguni n Tayri’’, fait plus de fureur, hissée au panthéon des requiem éternelles : les sentiments vénérés. Sacrés. Des youyous, encore et encore... Et des larmes. Chaudes et belles. Sincères. Qui en disent long sur des trajectoires indélébiles. Des balafres sur la peau.

    Comment s’en sortir des nuits du passé sans forcer les portes des traversées chaotiques de nos regrets? La clé ? Plutôt des leçons : “A baba’’, “A yelli’’ , “Ferhi semi’’, “Khdem lkhir i lwaldin’’, tant de titres chargés de symboliques. Succession de tableaux expressifs, vivants.

    De la pédagogie : les parents, transmetteurs de mémoire. Et de douleurs. Le premier enfant, l’Evénement de la vie. Le public est définitivement époummoné. Que des vies qui défilent dans un imaginaire en alerte ! Des regrets. Des résolutions à rattraper le sale temps…Des réminiscences de souvenirs vivaces. Des obstinations inaccomplies. Oui, il y a de cela. Ici l’émotion est plurielle. Libératrice et souveraine.

    Suivant un rythme en apothéose avec la demande incessante du public de davantage de Tayri , Farid tâchera de satisfaire les invocations les plus profondes. Il est le maitre de ces cœurs bousculés. Il possède des secrets de ces patients de Tayri. Chose faite : Une septuagénaire du fond de la salle suggérera la chanson “Atta tresbed”. Un retour lointain. A quoi pense cette veille que l’âge semble avoir raison du corps mais aucunement du cœur …De telles sollicitations ne fuseront nulle part.

    L’événement est rehaussé par la présence de grands noms de la chanson kabyle, Kamal Hammadi, Djaffar Aït Menguellet… et bien d’autres. Dernière surprise : un gagnant aura droit à deux places vers l’Algérie avec la compagnie Aigle Azur. Des voyages en guise de thérapie dans la lutte contre l’exil. Qui absorbe…

    A la fin du récital, devant la porte de sortie, écoutant Farid remercier affectueusement le ‘’ public ami’’, Katia, la trentaine, s’avoue meurtrie par la charge ferragienne. Mais elle repart sur une note d’espoir. Et d’espérance. Avec Farid, ses fans ont appris à succomber à leurs rebondissements intérieurs. Toute résistance devient dérisoire. Ils se laissent aller avec réjouissance au piège que tendent les affres du temps. Sans rien perdre de leur âme. Avec Farid, comble du plaisir, on apprend beaucoup sur nous-mêmes…. Une jouvence délicieuse : On ouvre le livre de nos empreintes toujours vivaces : nos passions inassouvies. Portés par l’audace d’ouvrir d’autres forts infranchissables. Par l’arme du verbe…

    Par La Dépêche de Kabylie
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