LA QUESTION EST PLUS QUE JAMAIS D’ACTUALITÉ
Les Algériens et les égyptiens sont-ils des Arabes?
«Lorsque la vérité entrera en lutte avec le mensonge millénaire, nous aurons des ébranlements comme il n’y en eut jamais, une convulsion de tremblements de terre, un déplacement de montagnes et de vallées, tel qu’on n’en a jamais rêvé de pareils. Toutes les combinaisons de puissance de la vieille société auront alors sauté en l’air, car elles sont toutes assises sur le mensonge....» Nietzsche, (Ecce Homo)
On parle souvent de monde arabe pour masquer des errances. Voici l’histoire d’une gigantesque canular, celui de faire croire à un monde arabe composé de «nations frères», démocrates dans leurs rapports et se portant mutuellement assistance à l’extérieur pour la cause sacrée à la fois de ce monde arabe et plus encore de la Oumma musulmane. Cruelle désillusion, mise en évidence par un match où tous les bas instincts de la nature humaine ont donné libre cours à tout ce que la raison réprouve. En effet, avec une rare unanimité transversale, des intellectuels organiques aux courtisans sans épaisseur des Frères musulmans à El Azhar, des partis politiques au petit peuple, tout ce beau monde voulait participer à la curée. Ainsi le pouvoir politique a réussi à attiser une haine qui ne demandait qu’à s’épanouir. Le régime égyptien, qui vit une atmosphère de fin de règne, pensait à tort se ressourcer à la suite de ce match que l’Algérie a eu l’outrecuidance de gagner. A bien des égard, ce but de Antar Yahia a fait plus de dégâts qu’aucune des batailles engagées et régulièrement perdues du pouvoir égyptien et dont l’image la plus humiliante et qui a fait le tour du monde est celle de centaines de chaussures abandonnées par de jeunes Egyptiens dans le désert du Sinaï, du fait de l’incurie des stratèges militaires égyptiens, à l’image de Sadate qui s’affublait indifféremment en militaire rappelant un officier de l’Armée des Indes, en galabia comme un paysan du haut Nil ou encore un gentleman anglais à la Sherlock Holmes avec pipe assortie. C’est dire si l’errance identitaire de l’Egypte d’aujourd’hui explique bien des choses, notamment de vivre sur un passé mythique comme un fonds de commerce.
L’élève et le maître
Sans vouloir refaire un cours d’histoire sur ce que sont ces Berbères, barbares, Kamel Bouchama écrit avec sa verve habituelle: «(...) Nos frères égyptiens sont loin de vouloir s’élever au niveau de leurs ancêtres dont nous avons été, en une période donnée de l’histoire pharaonique - nous les Berbères et non les "barbares", selon leur affabulation-, d’excellents maîtres. J’ai en mémoire d’illustres chefs berbères dont le pharaon Sheshonq 1er, fondateur de la première dynastie berbère d’Egypte, en 945 avant J.-C. et les autres qui lui ont succédé, tel le pharaon Osorkon II qui régna de 874 à 850 av. J.-C. ou Karomama, la reine berbère dont la statuette d’or, aujourd’hui conservée au musée du Louvre, compte parmi les chefs-d’oeuvre de l’art égyptien. Il y avait d’autres souverains assurément aussi célèbres que ceux qui les ont précédés, dont Nitocris qui portait le titre prestigieux d’épouse d’Ammon et fille du pharaon Psammétique 1er qui régna de 664 à 610 avant J.-C. (...)»(1)
Dès le IXe siècle av. J.-C., des textes assyro-babyloniens et hébraïques, mentionnent sous le nom d’Arabes des populations parlant une langue sémitique et venant périodiquement du désert arabique vers la région syro-mésopotamienne. Puis ce nom est donné à toutes les tribus nomades de la péninsule arabique. Par leur langue comme par leurs croyances religieuses, les Arabes font partie du monde sémitique. Au Maghreb, les Berbères - qui auraient une origine chamito-sémitique - apparaissent à l’histoire et les premiers royaumes sont constitués. Du VIIIe au XIe siècle, le monde arabo-musulman se présente désormais comme un ensemble cohérent, dans lequel la foi, les institutions, la langue, la culture, les coutumes sont étroitement liées. Au tournant de l’an mille, l’arabe est parlé et écrit par tous. Toutefois, dans certaines régions, la langue locale est toujours utilisée, par exemple le berbère en Afrique du Nord. En Iran, on assiste à une renaissance de la langue et de la culture perses. L’histoire du monde musulman dépasse alors largement l’histoire du monde arabe, mais, pour le Proche-Orient et le Maghreb (cas de l’Algérie), elle se confond largement avec celle du puissant Empire ottoman. Les conquêtes des souverains ottomans n’entraînèrent pas de changements substantiels en Syrie, en Égypte et au Maghreb, qui tombèrent sous leur coupe. Les Algériens, pas plus ou pas moins que les Egyptiens, furent occupés par l’Empire ottoman. Au XVIIIe siècle, le déclin de la puissance ottomane mina progressivement la sécurité des provinces arabes:
«Ce fonds de commerce» de la civilisation pharaonienne qui vivait pendant des siècles dont l’oubli le plus grand, n’était-ce les pillages des tombes à la recherche de bijoux en or, fut découvert par des archéologues occidentaux, - ce fut en effet Champollion qui arriva à déchiffrer la pierre de Rosette - embelli et transmis au monde comme patrimoine universel. L’Egypte actuelle en retire des milliards de dollars qui font vivre le peuple égyptien. L’Egypte vit aussi sur un second fonds de commerce, la civilisation musulmane qu’elle réduit à la civilisation arabe dont elle se veut, on l’aura compris, le dépositaire, non pas au vu d’un certain magistère moral ou scientifique mais sur des slogans tels que «Misr Oum Eddounia» pour lequel j’ai eu peine à trouver le fondement si ce n’est par un voeu pieux martelé ad nauseam, à la méthode Coué. L’un des points d’orgue de cette campagne d’hystérie, qui décide qui est arabe, qui ne l’est pas, nous relègue comme barbares, l’imprimatur du raïs et de ses courtisans nous apprend que nous ne sommes pas arabes. C’est peut-être la seule chose censée sur laquelle nous sommes d’accord avec eux!
Qu’est-ce qu’être Arabe? Pour le Baâs syrien «tous les pays dont les habitants parlent la langue arabe sont Arabes...» Pour Jacques Berque, grand connaisseur de l’Islam: «Est arabe, à leurs yeux, [les Arabes] tout ce qui apparaît comme antique, comme authentique, comme survivant à toutes les déformations, à toutes les adaptations: bref, un trésor soustrait à l’histoire, et que celle-ci n’a pu que dilapider ou aliéner, qu’il faut donc reconstituer, dès que faire se pourra, et rendre à sa première splendeur. Est arabe, en second lieu, ce qui est unitaire, ce qui correspond ou s’appelle d’un bout à l’autre d’une sorte d’échange planétaire. Cette unité n’est pas un constat. C’est un voeu, un postulat.» S’agissant de la belle langue qu’est l’arabe, Berque explique dans Les Arabes que la fonction de la langue, pour les Arabes, est différente, supérieure à celle qu’elle remplit pour les Occidentaux: Il donne un exemple: ainsi, en arabe, les mots se rapportant à l’écrit dérivent tous de la racine k.t.b.: Maktûb, maktab, maktaba, kâtib, kitâb. En français, ces mêmes mots sont: écrit, bureau, bibliothèque, secrétaire, livre. Les mots français sont tous les cinq arbitraires, mais les mots arabes sont, eux, «soudés, par une transparente logique, à une racine, qui seule est arbitraire». «Le mot arabe reste cramponné à ses origines. Il tire substance de ses quartiers de noblesse.»(2)
.../...
Les Algériens et les égyptiens sont-ils des Arabes?
«Lorsque la vérité entrera en lutte avec le mensonge millénaire, nous aurons des ébranlements comme il n’y en eut jamais, une convulsion de tremblements de terre, un déplacement de montagnes et de vallées, tel qu’on n’en a jamais rêvé de pareils. Toutes les combinaisons de puissance de la vieille société auront alors sauté en l’air, car elles sont toutes assises sur le mensonge....» Nietzsche, (Ecce Homo)
On parle souvent de monde arabe pour masquer des errances. Voici l’histoire d’une gigantesque canular, celui de faire croire à un monde arabe composé de «nations frères», démocrates dans leurs rapports et se portant mutuellement assistance à l’extérieur pour la cause sacrée à la fois de ce monde arabe et plus encore de la Oumma musulmane. Cruelle désillusion, mise en évidence par un match où tous les bas instincts de la nature humaine ont donné libre cours à tout ce que la raison réprouve. En effet, avec une rare unanimité transversale, des intellectuels organiques aux courtisans sans épaisseur des Frères musulmans à El Azhar, des partis politiques au petit peuple, tout ce beau monde voulait participer à la curée. Ainsi le pouvoir politique a réussi à attiser une haine qui ne demandait qu’à s’épanouir. Le régime égyptien, qui vit une atmosphère de fin de règne, pensait à tort se ressourcer à la suite de ce match que l’Algérie a eu l’outrecuidance de gagner. A bien des égard, ce but de Antar Yahia a fait plus de dégâts qu’aucune des batailles engagées et régulièrement perdues du pouvoir égyptien et dont l’image la plus humiliante et qui a fait le tour du monde est celle de centaines de chaussures abandonnées par de jeunes Egyptiens dans le désert du Sinaï, du fait de l’incurie des stratèges militaires égyptiens, à l’image de Sadate qui s’affublait indifféremment en militaire rappelant un officier de l’Armée des Indes, en galabia comme un paysan du haut Nil ou encore un gentleman anglais à la Sherlock Holmes avec pipe assortie. C’est dire si l’errance identitaire de l’Egypte d’aujourd’hui explique bien des choses, notamment de vivre sur un passé mythique comme un fonds de commerce.
L’élève et le maître
Sans vouloir refaire un cours d’histoire sur ce que sont ces Berbères, barbares, Kamel Bouchama écrit avec sa verve habituelle: «(...) Nos frères égyptiens sont loin de vouloir s’élever au niveau de leurs ancêtres dont nous avons été, en une période donnée de l’histoire pharaonique - nous les Berbères et non les "barbares", selon leur affabulation-, d’excellents maîtres. J’ai en mémoire d’illustres chefs berbères dont le pharaon Sheshonq 1er, fondateur de la première dynastie berbère d’Egypte, en 945 avant J.-C. et les autres qui lui ont succédé, tel le pharaon Osorkon II qui régna de 874 à 850 av. J.-C. ou Karomama, la reine berbère dont la statuette d’or, aujourd’hui conservée au musée du Louvre, compte parmi les chefs-d’oeuvre de l’art égyptien. Il y avait d’autres souverains assurément aussi célèbres que ceux qui les ont précédés, dont Nitocris qui portait le titre prestigieux d’épouse d’Ammon et fille du pharaon Psammétique 1er qui régna de 664 à 610 avant J.-C. (...)»(1)
Dès le IXe siècle av. J.-C., des textes assyro-babyloniens et hébraïques, mentionnent sous le nom d’Arabes des populations parlant une langue sémitique et venant périodiquement du désert arabique vers la région syro-mésopotamienne. Puis ce nom est donné à toutes les tribus nomades de la péninsule arabique. Par leur langue comme par leurs croyances religieuses, les Arabes font partie du monde sémitique. Au Maghreb, les Berbères - qui auraient une origine chamito-sémitique - apparaissent à l’histoire et les premiers royaumes sont constitués. Du VIIIe au XIe siècle, le monde arabo-musulman se présente désormais comme un ensemble cohérent, dans lequel la foi, les institutions, la langue, la culture, les coutumes sont étroitement liées. Au tournant de l’an mille, l’arabe est parlé et écrit par tous. Toutefois, dans certaines régions, la langue locale est toujours utilisée, par exemple le berbère en Afrique du Nord. En Iran, on assiste à une renaissance de la langue et de la culture perses. L’histoire du monde musulman dépasse alors largement l’histoire du monde arabe, mais, pour le Proche-Orient et le Maghreb (cas de l’Algérie), elle se confond largement avec celle du puissant Empire ottoman. Les conquêtes des souverains ottomans n’entraînèrent pas de changements substantiels en Syrie, en Égypte et au Maghreb, qui tombèrent sous leur coupe. Les Algériens, pas plus ou pas moins que les Egyptiens, furent occupés par l’Empire ottoman. Au XVIIIe siècle, le déclin de la puissance ottomane mina progressivement la sécurité des provinces arabes:
«Ce fonds de commerce» de la civilisation pharaonienne qui vivait pendant des siècles dont l’oubli le plus grand, n’était-ce les pillages des tombes à la recherche de bijoux en or, fut découvert par des archéologues occidentaux, - ce fut en effet Champollion qui arriva à déchiffrer la pierre de Rosette - embelli et transmis au monde comme patrimoine universel. L’Egypte actuelle en retire des milliards de dollars qui font vivre le peuple égyptien. L’Egypte vit aussi sur un second fonds de commerce, la civilisation musulmane qu’elle réduit à la civilisation arabe dont elle se veut, on l’aura compris, le dépositaire, non pas au vu d’un certain magistère moral ou scientifique mais sur des slogans tels que «Misr Oum Eddounia» pour lequel j’ai eu peine à trouver le fondement si ce n’est par un voeu pieux martelé ad nauseam, à la méthode Coué. L’un des points d’orgue de cette campagne d’hystérie, qui décide qui est arabe, qui ne l’est pas, nous relègue comme barbares, l’imprimatur du raïs et de ses courtisans nous apprend que nous ne sommes pas arabes. C’est peut-être la seule chose censée sur laquelle nous sommes d’accord avec eux!
Qu’est-ce qu’être Arabe? Pour le Baâs syrien «tous les pays dont les habitants parlent la langue arabe sont Arabes...» Pour Jacques Berque, grand connaisseur de l’Islam: «Est arabe, à leurs yeux, [les Arabes] tout ce qui apparaît comme antique, comme authentique, comme survivant à toutes les déformations, à toutes les adaptations: bref, un trésor soustrait à l’histoire, et que celle-ci n’a pu que dilapider ou aliéner, qu’il faut donc reconstituer, dès que faire se pourra, et rendre à sa première splendeur. Est arabe, en second lieu, ce qui est unitaire, ce qui correspond ou s’appelle d’un bout à l’autre d’une sorte d’échange planétaire. Cette unité n’est pas un constat. C’est un voeu, un postulat.» S’agissant de la belle langue qu’est l’arabe, Berque explique dans Les Arabes que la fonction de la langue, pour les Arabes, est différente, supérieure à celle qu’elle remplit pour les Occidentaux: Il donne un exemple: ainsi, en arabe, les mots se rapportant à l’écrit dérivent tous de la racine k.t.b.: Maktûb, maktab, maktaba, kâtib, kitâb. En français, ces mêmes mots sont: écrit, bureau, bibliothèque, secrétaire, livre. Les mots français sont tous les cinq arbitraires, mais les mots arabes sont, eux, «soudés, par une transparente logique, à une racine, qui seule est arbitraire». «Le mot arabe reste cramponné à ses origines. Il tire substance de ses quartiers de noblesse.»(2)
.../...
Commentaire