5 mois après le lancement: hôtels, restaurants et golfs fermés
· Des acquéreurs anglais exigent la restitution de leur argent
· Les écolos dénoncent la dégradation accélérée de la plage
LA station balnéaire de Saïdia n’en finit pas de faire parler d’elle! Cinq mois à peine après son lancement en juin, le site pilote du Plan Azur suscite des remous.
Toujours pas de plaques signalétiques pour trouver son chemin. Les parcours golfiques (124 ha) sont inexploités. Les deux hôtels de 5 étoiles, la médina d’une vingtaine de magasins et les restaurants fermés, zéro animation… «La station est morte depuis septembre», témoignent plusieurs sources sur place.
Après deux mois d’exercice (juillet et août), les deux hôtels Barcelo et Iberostar -respectivement de 614 et 485 chambres- ont fermé leurs portes en attendant des jours meilleurs! Les deux établissements devraient rouvrir en mars ou avril 2010. «Deux mois d’exercice par an sont-ils suffisants pour rentabiliser des investissements aussi lourds?», s’interrogent des opérateurs. Faute de clients, plusieurs artisans et commerçants, ayant loué des magasins dans la médina de la station, se plaignent car ils doivent coûte que coûte s’acquitter d’un loyer mensuel.
Depuis septembre, d’aucuns parlent de station fantôme: «De nombreux efforts ont été entrepris à la veille et pendant les Assises. Mais juste après la visite royale, le site a été déserté».
L’ire des écologistes reprend aussi. Le mouvement Esco Esco (Espace de solidarité et de coopération de l’Oriental) revient à la charge. Il dénonce la face cachée d’une offre balnéaire d’apparence séduisante, le non-respect de «la nature, l’environnement, les écosystèmes, la faune et la flore».
Les écolos de l’Oriental parlent déjà d’une dégradation avancée du site. En plus de la déforestation, de la rupture du cordon dunaire, de la destruction du littoral et autre désertification…, une régression accélérée de la plage de Saïdia a été constatée ces derniers mois. «L’érosion de la côte se fait à une vitesse plus accélérée que prévu», fustige le mouvement. «Le retrait de la ligne de côte se fait inexorablement au détriment de la plage», ajoute-t-il. De l’avis même des promoteurs du projet, «pour les besoins de développement des composantes de la station, des impacts ont eu lieu sur la faune et la flore du site». A ce titre, il a été décidé de mettre en place un observatoire de la nature et de la biodiversité, la construction d’un centre d’éducation environnementale ou encore la plantation des zones rasées.
D’ailleurs, un collectif d’associations écolo baptisé «L’écoloplateforme du Nord» vient de mettre une vidéo sur Youtube qui dénonce les dégâts écologiques irréversibles in situ en présence d’une délégation de députés verts français, dont la sénatrice Alima Thierry Boumediane. Un dossier exhaustif qui démontre l’impact écologique des aménagements touristiques sur cette partie a été remis à la sénatrice concernant la dégradation du littoral. La députée a promis de faire tout son possible pour porter cette affaire au Parlement européen.
Pour éviter l’ensablement du site, des évacuations en quantités importantes de sable sont effectuées au vu et au su de tous. De leur part, les riverains dénoncent des opérations de pillage de sable dans la zone.
Plus encore, ils pointent du doigt l’installation d’une vingtaine de cafétérias en béton qui, pourtant, «ont obtenu des autorisations pour occupation temporaire» au centre-ville. Mais depuis quand les constructions en béton relèvent-elles de l’occupation temporaire?
Le comble, «le conseil communal de Saïdia n’a jamais autorisé ces constructions», signalent plusieurs sources ayant requis l’anonymat. Mais qui se cache alors derrière ces autorisations?
Autre problème et non des moindres, une vingtaine d’acquéreurs anglais se plaignent toujours des retards de livraison de leurs villas. Aujourd’hui, et suite à la crise internationale, ils exigent carrément la restitution de leur argent auprès de la SAS (Société d’aménagement de Saïdia, filiale de Fadesa). Des plaintes ont été déposées à ce sujet auprès du Tribunal d’Oujda. Le dossier est entre les mains de Me Salima Faraji, avocate à Oujda. «Aujourd’hui, les villas sont prêtes ainsi que les permis d’habiter. Mais suite à la crise internationale, une vingtaine d’acquéreurs anglais exigent la restitution de leur apport qui est de 900.000 DH», confirme l’avocate.
Plus grave encore, l’épineux problème des eaux usées. De sources concordantes, la station d’épuration n’est pas opérationnelle. Du coup, les rejets menacent considérablement le SIBE (site d’intérêt écologique et biologique) de la Moulouya. Sur site, l’on se plaint d’odeurs pestilentielles en plus des formations de flaques importantes d’eaux dès qu’il commence à pleuvoir.
Pour rappel, L’Economiste avait déjà sollicité l’avis des autorités locales sur l’impact d’un tel projet sur l’environnement. Réponse: la probabilité d’une menace écologique n’est pas rejetée en bloc par les autorités et le promoteur, mais elle est contrebalancée par l’argument développement économique: «Avoir un souci écologique est un signe de bonne santé. Il est évident qu’il y a des déséquilibres lorsqu’on privilégie le béton à la nature. Mais il faut faire des choix», avait précisé le wali d’Oujda qui se disait sensible au discours écologiste. En revanche, «entre la préservation d’une tortue et la création d’une dynamique économique dans la région avec, à la carte, pas moins de 50.000 nouveaux emplois, et une recette de quelque 5 milliards de DH», le choix est vite fait.
A l’origine, avait rappellé le wali, le site en question n’a jamais focalisé l’attention de qui que ce soit. «C’était il y a quelques années une zone marécageuse qui rapportait zéro dirham à l’Etat». Les autorités ne rejettent pas l’argument écolo mais demandent aux «détracteurs d’étayer leurs critiques par des arguments qui ont une rigueur scientifique».
Marina et jerricans algériens
Invraisemblable! Toute une marina de 800 anneaux, qui plus est considérée parmi les 3 premiers ports de plaisance de la Méditerranée, ne dispose pas de station d’approvisionnement en carburant. Du coup, plusieurs yachts, bateaux de plaisance anglais et espagnols d’une valeur de 20 à 30 millions de DH ne trouvent pas le gasoil spécial à la marina, encore moins une station-service dédiée. Pour éviter la panne sèche, pas beaucoup de choix. Ce sont les bidons de 5 litres et jerricans remplis de carburant de contrebande en provenance d’Algérie qui sauvent la mise, témoignent plusieurs personnes. «Cela n’existe nulle part au monde. On ne s’amuse pas à ouvrir une marina sans la station de fuel», fustige le propriétaire d’un yacht.
Allergiques aux médias!
Depuis le reportage diffusé par France 5 sur les déboires de la station balnéaire en juin dernier, les journalistes seraient devenus persona non grata à Saïdia. De sources concordantes, «les autorités sont devenues allergiques aux médias». Pour faire correctement son reportage, désormais le journaliste doit se munir d’une autorisation spéciale ! Une consoeur hollandaise a même fait, le 19 novembre, les frais d’un contrôle musclé des autorités pour avoir pris des photos autour du SIBE. Ses photos ont été entièrement détruites.
A. R.
L'economiste
· Des acquéreurs anglais exigent la restitution de leur argent
· Les écolos dénoncent la dégradation accélérée de la plage
LA station balnéaire de Saïdia n’en finit pas de faire parler d’elle! Cinq mois à peine après son lancement en juin, le site pilote du Plan Azur suscite des remous.
Toujours pas de plaques signalétiques pour trouver son chemin. Les parcours golfiques (124 ha) sont inexploités. Les deux hôtels de 5 étoiles, la médina d’une vingtaine de magasins et les restaurants fermés, zéro animation… «La station est morte depuis septembre», témoignent plusieurs sources sur place.
Après deux mois d’exercice (juillet et août), les deux hôtels Barcelo et Iberostar -respectivement de 614 et 485 chambres- ont fermé leurs portes en attendant des jours meilleurs! Les deux établissements devraient rouvrir en mars ou avril 2010. «Deux mois d’exercice par an sont-ils suffisants pour rentabiliser des investissements aussi lourds?», s’interrogent des opérateurs. Faute de clients, plusieurs artisans et commerçants, ayant loué des magasins dans la médina de la station, se plaignent car ils doivent coûte que coûte s’acquitter d’un loyer mensuel.
Depuis septembre, d’aucuns parlent de station fantôme: «De nombreux efforts ont été entrepris à la veille et pendant les Assises. Mais juste après la visite royale, le site a été déserté».
L’ire des écologistes reprend aussi. Le mouvement Esco Esco (Espace de solidarité et de coopération de l’Oriental) revient à la charge. Il dénonce la face cachée d’une offre balnéaire d’apparence séduisante, le non-respect de «la nature, l’environnement, les écosystèmes, la faune et la flore».
Les écolos de l’Oriental parlent déjà d’une dégradation avancée du site. En plus de la déforestation, de la rupture du cordon dunaire, de la destruction du littoral et autre désertification…, une régression accélérée de la plage de Saïdia a été constatée ces derniers mois. «L’érosion de la côte se fait à une vitesse plus accélérée que prévu», fustige le mouvement. «Le retrait de la ligne de côte se fait inexorablement au détriment de la plage», ajoute-t-il. De l’avis même des promoteurs du projet, «pour les besoins de développement des composantes de la station, des impacts ont eu lieu sur la faune et la flore du site». A ce titre, il a été décidé de mettre en place un observatoire de la nature et de la biodiversité, la construction d’un centre d’éducation environnementale ou encore la plantation des zones rasées.
D’ailleurs, un collectif d’associations écolo baptisé «L’écoloplateforme du Nord» vient de mettre une vidéo sur Youtube qui dénonce les dégâts écologiques irréversibles in situ en présence d’une délégation de députés verts français, dont la sénatrice Alima Thierry Boumediane. Un dossier exhaustif qui démontre l’impact écologique des aménagements touristiques sur cette partie a été remis à la sénatrice concernant la dégradation du littoral. La députée a promis de faire tout son possible pour porter cette affaire au Parlement européen.
Pour éviter l’ensablement du site, des évacuations en quantités importantes de sable sont effectuées au vu et au su de tous. De leur part, les riverains dénoncent des opérations de pillage de sable dans la zone.
Plus encore, ils pointent du doigt l’installation d’une vingtaine de cafétérias en béton qui, pourtant, «ont obtenu des autorisations pour occupation temporaire» au centre-ville. Mais depuis quand les constructions en béton relèvent-elles de l’occupation temporaire?
Le comble, «le conseil communal de Saïdia n’a jamais autorisé ces constructions», signalent plusieurs sources ayant requis l’anonymat. Mais qui se cache alors derrière ces autorisations?
Autre problème et non des moindres, une vingtaine d’acquéreurs anglais se plaignent toujours des retards de livraison de leurs villas. Aujourd’hui, et suite à la crise internationale, ils exigent carrément la restitution de leur argent auprès de la SAS (Société d’aménagement de Saïdia, filiale de Fadesa). Des plaintes ont été déposées à ce sujet auprès du Tribunal d’Oujda. Le dossier est entre les mains de Me Salima Faraji, avocate à Oujda. «Aujourd’hui, les villas sont prêtes ainsi que les permis d’habiter. Mais suite à la crise internationale, une vingtaine d’acquéreurs anglais exigent la restitution de leur apport qui est de 900.000 DH», confirme l’avocate.
Plus grave encore, l’épineux problème des eaux usées. De sources concordantes, la station d’épuration n’est pas opérationnelle. Du coup, les rejets menacent considérablement le SIBE (site d’intérêt écologique et biologique) de la Moulouya. Sur site, l’on se plaint d’odeurs pestilentielles en plus des formations de flaques importantes d’eaux dès qu’il commence à pleuvoir.
Pour rappel, L’Economiste avait déjà sollicité l’avis des autorités locales sur l’impact d’un tel projet sur l’environnement. Réponse: la probabilité d’une menace écologique n’est pas rejetée en bloc par les autorités et le promoteur, mais elle est contrebalancée par l’argument développement économique: «Avoir un souci écologique est un signe de bonne santé. Il est évident qu’il y a des déséquilibres lorsqu’on privilégie le béton à la nature. Mais il faut faire des choix», avait précisé le wali d’Oujda qui se disait sensible au discours écologiste. En revanche, «entre la préservation d’une tortue et la création d’une dynamique économique dans la région avec, à la carte, pas moins de 50.000 nouveaux emplois, et une recette de quelque 5 milliards de DH», le choix est vite fait.
A l’origine, avait rappellé le wali, le site en question n’a jamais focalisé l’attention de qui que ce soit. «C’était il y a quelques années une zone marécageuse qui rapportait zéro dirham à l’Etat». Les autorités ne rejettent pas l’argument écolo mais demandent aux «détracteurs d’étayer leurs critiques par des arguments qui ont une rigueur scientifique».
Marina et jerricans algériens
Invraisemblable! Toute une marina de 800 anneaux, qui plus est considérée parmi les 3 premiers ports de plaisance de la Méditerranée, ne dispose pas de station d’approvisionnement en carburant. Du coup, plusieurs yachts, bateaux de plaisance anglais et espagnols d’une valeur de 20 à 30 millions de DH ne trouvent pas le gasoil spécial à la marina, encore moins une station-service dédiée. Pour éviter la panne sèche, pas beaucoup de choix. Ce sont les bidons de 5 litres et jerricans remplis de carburant de contrebande en provenance d’Algérie qui sauvent la mise, témoignent plusieurs personnes. «Cela n’existe nulle part au monde. On ne s’amuse pas à ouvrir une marina sans la station de fuel», fustige le propriétaire d’un yacht.
Allergiques aux médias!
Depuis le reportage diffusé par France 5 sur les déboires de la station balnéaire en juin dernier, les journalistes seraient devenus persona non grata à Saïdia. De sources concordantes, «les autorités sont devenues allergiques aux médias». Pour faire correctement son reportage, désormais le journaliste doit se munir d’une autorisation spéciale ! Une consoeur hollandaise a même fait, le 19 novembre, les frais d’un contrôle musclé des autorités pour avoir pris des photos autour du SIBE. Ses photos ont été entièrement détruites.
A. R.
L'economiste
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