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Dubaï, un empire aux pieds d'argile

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  • Dubaï, un empire aux pieds d'argile

    A Dubaï, les Dubaïotes vont devoir s'y faire : ils risquent de voir un peu plus rarement Kylie Minogue déambuler en robe moulante dans le fastueux hôtel Palm Atlantis, Paris Hilton faire bronzette sur les plages idylliques de Jumeira, ou Naomi Campbell célébrer en grande pompe son anniversaire dans un des hallucinants palaces de la cité-Etat.

    Après quelques heures de panique financière, la semaine dernière, le carrosse de la princesse du désert est redevenu citrouille. En quasi-faillite, Dubaï, un des sept Emirats arabes unis, s'est montré incapable de rembourser les dettes - 59 milliards de dollars - accumulées par son principal conglomérat, Dubai World, qui a demandé un moratoire de six mois à ses créanciers. Plongeon des Bourses européennes, peur d'un effet domino sur les banques prêteuses : durant plusieurs heures, certains opérateurs ont cru revivre le cauchemar de Lehman Brothers, lorsque la planète finance s'est mise à trembler sur ses bases.

    Le crash de l'émirat bling-bling, qui attirait en masse milliardaires russes, people californiens et ouvriers pakistanais, était pourtant prévisible. Le pays a construit une grande part de sa prospérité sur une gigantesque bulle immobilière : 40 % des mégagrues en activité dans le monde se trouvent concentrées dans cette bande de terre grande comme la Corse-du-Sud. Pendant des années, buildings futuristes, parcs d'attractions fantasmagoriques et centres commerciaux gigantesques surgissaient chaque jour des sables.

    Les déboires de Dubaï font craindre d'autres faillites d'Etat

    Comme toujours, le principe de réalité a fini par prendre sa revanche, brutalement. "Le marché immobilier de l'émirat est essentiellement spéculatif, témoigne un expatrié français. A partir de septembre 2008, les ventes sur plan se sont arrêtées, et les prix ont chuté de plus de 50 %." Aujourd'hui, l'émirat offre une image désolée, avec ses immeubles inachevés et ses nuées de grues immobiles.

    Dubaï paie la folie des grandeurs de son émir-démiurge-architecte, le cheikh Mohammed al-Maktoum, qui a voulu que chaque nouvelle construction figure en bonne place dans le Livre des records. A l'image de Burj Dubai, la plus haute tour du monde (près de 1 kilomètre !) ou bien des Palm Islands, des îles artificielles prolongeant la côte de 100 kilomètres. La cité-Etat compte aussi le plus grand centre commercial du monde, le plus grand hôtel international... et même la plus grande station de ski couverte, dans un pays où la température dépasse parfois 50 degrés Celsius ! "Comme Dubaï dispose de ressources pétrolières et gazières limitées, il fallait trouver autre chose pour retenir l'attention du monde, et surtout des investisseurs", justifie ce même expatrié. Telle Schéhérazade, "Cheikh Mo", comme l'appellent les Occidentaux, avait chaque soir une histoire plus extraordinaire que celle de la veille à raconter à ses créanciers.

    Les grandes banques internationales ont longtemps avalé ces contes de fées sans broncher. Au total, ce sont 93 milliards de dollars que les seuls établissements européens auraient prêtés aux Emirats arabes unis. Les plus impliqués sont les britanniques : HSBC est exposé à hauteur de 17 milliards de dollars, Standard Chartered, de 7,8 milliards. BNP Paribas est également concerné, pour 1,1 milliard de dollars. Des montants non négligeables, même si la secousse demeure finalement limitée.

    Pour éviter une catastrophe, sauver le soldat Dubaï se révèle cependant incontournable. "L'émirat est "too big to fail" [trop gros pour qu'on le laisse faire faillite], analyse Razvan Petica, responsable de l'activité pays émergents chez Olympia Capital. On peut compter sur ses grands voisins, qui jouissent de la manne pétrolière, pour éviter une crise régionale." Le grand frère Abou Dhabi a déjà mis la main à la poche, alors que la Banque centrale des Emirats arabes unis a annoncé dimanche 29 novembre la mise à la disposition du pays de liquidités supplémentaires. Mais, en coulisses, palabres et négociations vont bon train. "Il est probable que l'aide apportée se traduise par une mise sous tutelle de Dubaï par Abou Dhabi", poursuit Razvan Petica.

    Le crash ne sera pas non plus sans conséquences sur les économies occidentales : le pays est présent, via ses holdings, dans un grand nombre d'entreprises, des luxueux magasins new-yorkais Barneys au constructeur aéronautique EADS, qui compte également la compagnie aérienne de Dubaï, Emirates, parmi ses principaux clients.

    Les déboires de l'émirat font surtout resurgir le spectre des faillites d'Etat, qui pourraient faire plonger l'économie mondiale dans une nouvelle zone de turbulences. Des pays comme la Grèce, l'Irlande ou l'Ukraine sont ainsi observés avec appréhension. "Après la crise financière et la crise économique, la crise des finances publiques pourrait constituer l'étape suivante, décrypte Pierre Cailleteau, chef économiste de Moody's. Mais les problèmes de Dubaï, qui demeure un cas très particulier, n'en sont pas forcément un signe avant-coureur." La secousse venue du Golfe devrait, selon toute probabilité, demeurer localisée. Pour tous ceux qui rêvaient de tourner la page, la chute de l'empire des sables n'en vient pas moins réveiller une crainte enfouie : et si la sortie de crise, elle aussi, n'avait été qu'un mirage ?

    Par L'Express
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