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Algérie-Egypte et la fin de la "communauté arabo-musulmane"

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  • Algérie-Egypte et la fin de la "communauté arabo-musulmane"

    Point de vue

    Algérie-Egypte et la fin de la "communauté arabo-musulmane", par Azouz Begag et Christian Delorme

    LEMONDE.FR | 04.12.09

    En plein cœur du pseudo-débat électoral sur l'identité nationale, la victoire de l'équipe algérienne de football contre l'Egypte, le 18 novembre dernier, et les bouffées d'enthousiasme qui ont suivi dans la France urbaine résonnent encore dans l'hexagone. Partout où cette communauté est visible, l'espace public a été le lieu d'expressions identitaires qui jusque-là, dans le football, n'avaient jamais connu pareille résonnance et envergure. On a noté pêle-mêle la présence importante de filles, de femmes et de familles, de très jeunes gens aux côtés de seniors, de religieux et de laïcs, de barbus et de rasés, de femmes voilées et découvertes, celle d'innombrables drapeaux algériens aux balcons comme entre les mains des manifestants, un slogan de victoire de l'équipe nationale ‘one, two, three, viva l'Algérie !', en anglais-espagnol-français…

    Ici et là, des journalistes ont parlé de milliers d'Algériens dans les rues : c'est inexact. C'étaient à peu près tous des Français. De nationalité. C'était la France. Une incroyable énergie flottait au-dessus de ces manifestations de joie. Elle exprimait à quel point la question de l'identité nationale est dynamique, vivante, étonnante, voire inquiétante pour les tenants d'une vision conservatrice et fixiste. Il faudrait demander aux Français issus de l'immigration italienne vers quelle équipe a penché leur identification lors du match France-Italie en finale de la coupe du monde de 2006.

    Le match Algérie-Egypte révélait aussi d'autres fulgurances identitaires. En effet, une bonne partie de l'équipe d'Algérie sont des joueurs issus de clubs français et/ou qui évoluent dans des clubs européens ; ils ne parlent pas l'arabe et échangent en français avec les ‘nationaux' et les dirigeants. Ils sont issus de l'immigration. Ironie de l'histoire, ils forment aujourd'hui la force de frappe du retour de l'Algérie sur la scène mondiale sportive. Autre ironie du sort, dans l'équipe de France qui s'est qualifiée contre l'Eire le même soir, le seul joueur né de l'immigration algérienne était le lyonnais Karim Benzema, mais il est resté sur le banc de touche ! D'aucuns de penser qu'il aurait été plus utile dans l'équipe d'Algérie…

    Autre ironie, la victoire algérienne a été unanimement saluée comme celle du panache, de l'énergie, du courage et du fair-play, contrairement à celle de la France pour laquelle un coup de main a été décisif. On peut imaginer, que dans le registre de la double appartenance, les Français issus de l'immigration algérienne disposent ainsi, avec leurs deux équipes qualifiées pour l'Afrique du Sud, d'une alternative identitaire. Cette double appartenance devient ainsi une ressource et non une source de conflits.

    Mais pourquoi donc, ici, chez nous, en France, des dizaines de milliers de jeunes, garçons et filles, sont sortis pour crier leur joie et leur fierté, laisser éclater leurs sentiments pour une équipe nationale étrangère ? Quels sentiments, du reste, on se le demande. Pour certains observateurs, on revivait les moments d'indépendance de l'Algérie en 1962, avec klaxons et drapeaux verts ! Et pourtant, très peu de ces jeunes, nés dans les années quatre-vingt, quatre-vingt-dix, soit pendant les années de plomb, ont dû déjà se rendre dans le pays d'origine de leurs… grands-parents ! Alors sentiments de quoi, au fond ?

    Avec le recul, il apparait qu'une nouvelle libération, émancipation, était en jeu ce soir-là : une indépendance d'un autre type, qui réconciliait plusieurs générations sur le même trottoir, dans un même élan, celui de se mêler après quatre-vingt-dix minutes de suspens à des ‘semblables'. Cette ressemblance, c'est l'histoire commune d'une relégation identitaire, qui perdure peut-être depuis 1830, et qui se réactive dans des circonstances inattendues. Indépendance, libération, émancipation : comment ne pas avoir vu qu'à l'issue du match, le gardien Algérien est symboliquement, monté au dessus de sa cage !, comme ‘déchaîné', en ôtant son maillot comme une camisole. Comment ne pas penser à la fierté, dignité, estime de soi, identification positive… et d'autres mots encore pour légender l'euphorie de ce soir-là.

    Prenons garde, il serait erroné et dangereux d'y voir une manifestation contre la France. Non, c'est autre chose, un ‘aspect positif', de la question. Nous avons assisté à une expression, joviale, de la redoutable énergie que recèle le volcan identitaire, quand pendant des décennies, une minorité nationale avale collectivement un sentiment amer d'être mal aimée, disqualifiée, abandonnée, moquée, insultée, refoulée, humiliée. Utilisée comme bouc-émissaire dans des stratégies électorales. Il est urgent d'utiliser ce type de déclenchement d'énergie identitaire, parti en feu d'artifice, sans direction, ni organisation, pour le canaliser au profit du pacte républicain français. On se souvient, il y a quelques années, du match France Algérie dans lequel jouait Zidane, idole planétaire de deux peuples, mais joueur d'une seule équipe. A cette époque, c'était cet icône de l'entre-deux qui cristallisait les confusions identitaires de ces millions de jeunes en porte-à-faux entre la France et l'Algérie. Ils ont sifflé la Marseillaise, puis envahi la pelouse. Que ce soient de jeunes Arabes qui l'aient fait et qui brandissent des drapeaux algériens nourrit le rejet racial et la thèse du ‘racisme à l'envers'.

    Beaucoup doivent en effet voir dans ces indices la preuve de l'existence d'âmes de destruction massive menaçant notre identité nationale. Et pourtant. Un dernier point mérite d'être relevé. Cette victoire contre l'Egypte casse un mythe : celui de la ‘communauté arabo-musulmane'. Les violences qui ont entaché le match aller au Caire (caillassage du bus de l'équipe d'Algérie, blessés…) ont montré qu'autour du ballon rond, il n'y a plus de ‘frère' qui compte, arabe ou musulman.

    Ne subsiste qu'une seule religion, celle de la victoire : chacun pour soi et Allah pour tous ! Cette confrontation sportive entre deux anciens pays frères qui se sont porté assistance dans des conflits armés par le passé, reconfigure la géographie de ‘l'ancestrale fraternité naturelle' entre ces pays méditerranéens. A tel point qu'on n'ose même pas imaginer ce qui aurait pu se passer si l'Algérie s'était qualifiée au soir du match joué au Caire. L'exacerbation du recours identitaire, chez les uns comme chez les autres, est à prendre avec des pincettes. Sur les stades comme dans l'arène politique.

    Azouz Begag est chercheur CNRS et ancien ministre et Christian Delorme est prêtre
    Le bon sens est la chose la mieux partagée du monde... La connerie aussi - Proverbe shadokien

  • #2
    Le titre de l'article est "presque" sans lien avec l'idée centrale qui y traitée. Azzouz parle plus de la manifestation de signes d'appartenance à une autre nation, le moment ou tous les feux sont focalisés sur ce concept "pâte à modeler" qui est l'identité nationale.

    La fin ou plutôt la remise en cause de cette communauté arabo-musulmane n'a été opéré que d'un seul coté pour la simple raison que les algériens sont et resteront des musulmans dont la plupart sont arabophones sans être pour autant des arabes (l'arabité est un autre sujet. Ce n'est pas l'attitude des egyptiens qui fera changer ce fait.

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    • #3
      tiens, au fait !

      one, two, three, viva l'Algérie
      one, two, three : anglais
      viva : espagnol
      l'algérie : français

      alors où est notre identité nationale ?

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      • #4
        alors où est notre identité nationale ?
        "allah ghaleb"...? dixit Bouteflika

        Je rigole...

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        • #5
          Il s'agit là d'un article Franco-Français, qu'il ne faudrait pas translater vers la rive sud de la méditerrané, puisqu'il n'a aucune prétention de ce côté-là

          Ici et là, des journalistes ont parlé de milliers d'Algériens dans les rues : c'est inexact. C'étaient à peu près tous des Français(souligné par moi). De nationalité. C'était la France. Une incroyable énergie flottait au-dessus de ces manifestations de joie. Elle exprimait à quel point la question de l'identité nationale est dynamique, vivante, étonnante, voire inquiétante pour les tenants d'une vision conservatrice et fixiste.(Idem) Il faudrait demander aux Français issus de l'immigration italienne vers quelle équipe a penché leur identification lors du match France-Italie en finale de la coupe du monde de 2006.
          Le constat est tout à fait pertinant.
          Si tu parles, tu meurs. Si tu te tais, tu meurs. Alors, dis et meurs

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