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Zéro faute - L’orthographe, une passion française

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  • Zéro faute - L’orthographe, une passion française

    François de Closets a fait une enquête approfondie sur notre orthographe. Son dernier ouvrage « Zéro faute – L’orthographe, une passion française » cherche à expliquer pourquoi notre orthographe est si compliquée, pourquoi les tentatives de réforme ont échoué, les conséquences de ces blocages, et finalement pourquoi les technologies de l’information et de la communication auront le dernier mot. C’est passionnant. En voici une courte synthèse.


    Un constat s’impose : nous avons une langue extraordinairement difficile.

    Peut-être la plus difficile au monde. Bien sûr, on pourra objecter que l’écriture chinoise, par exemple, soit certainement plus ardue. Et bien ce n’est pas si sûr. Si apprendre des milliers de caractères n’est certes pas un jeu d’enfants, apprendre des milliers de mots à l’orthographe « illogique », des multiples règles et autant d’exceptions, n’en est pas vraiment un non plus. Comment expliquer que les meilleurs de nos spécialistes ne réussissent pas à faire une dictée sans faute.

    Notre graphie n’est pas logique. La grammaire est venue sur le tard, uniquement pour « justifier » des règles que la pratique avait imposées. Quelques exemples :

    -Retard donne retarder -mais cauchemarder vient de cauchemar, sans d.

    -On écrit millionième avec un n et millionnaire avec deux.

    -Relais et délai.

    -Espace génère spatial avec un t.

    -Faux-fuyant prend un tiret mais pas faux bond.

    -Portemanteau tient en un mot mais pas porte-parapluies.

    François de Closets explore aussi des langues jumelles à la nôtre. Il explique pourquoi les Espagnols ne font pas de faute (comparé aux français). Leur écriture a été très tôt phonétisée. De ce fait, chaque « son » correspond à une seule graphie. Ils ont -si j’ai bonne mémoire- 24 phonèmes (son) pour 29 graphèmes (manière d’écrire le son). Le français comporte pour un nombre à peu près égal de phonèmes quatre fois plus de graphème. Des exemples ?

    L’espagnol écrira « como esta ? » (écriture quasiment phonétique) là où nous amuserons à écrire « comment » (avec un doublement de consonne, et un t muet) vas (avec un s muet) tu ?

    Notre graphie n’a pas évolué car elle a été prisonnière d’objectifs politiques

    L’auteur propose une passionnante analyse historique.

    Notre écriture est le résultat (le produit) d’une évolution qui a commencée avec l’adoption du latin en Gaule. L’auteur rappelle les époques charnières dans l’évolution de la langue, comme par exemple au XIVème siècle quand des lettrés, savants pétris de culture latine et grecque, décident de truffer la graphie de h, y, ph, comme autant de rappels de ses origines. L’écriture était alors l’apanage des savants. Et ces rappels n’étaient pas dommageables dans la mesure où tous connaissaient « leurs classiques ». Le problème est que cette écriture savante est devenue celle du peuple sans pratiquement aucune simplification. Pourquoi ?

    Dès le Grand Siècle, et surtout au sortir de la révolution française, à une époque où seulement 20 pourcent des habitants du pays parlaient le français, l’uniformisation des « parlers » s’est imposée comme un objectif prioritaire. « Le français doit être le ciment de la France nouvelle » (P 161).

    « Le français est donc né de l’oral comme langue populaire et à l’écrit comme langue de scribe. Son destin est tracé : il lui faut évoluer pour que l’écriture savante devienne celle de tous. Mais, à mesure qu’elle s’affirmait comme la graphie d’un grand pays, notre orthographe se figeait inexorablement. L’histoire a mal synchronisé ces évolutions. La simplification aurait dû précéder la généralisation, or elle n’était pas terminée lorsque l’orthographe fut officialisée. Il fallait donc terminer le travail linguistique à contre-courant de l’évolution socioculturelle, changer un outil dans le temps même où tout le monde apprenait à s’en servir. Un exercice particulièrement difficile ». (P 183)

    Cela a sacralisé la langue, et a empêché son évolution ultérieure. De la même manière que faire évoluer l’hymne national, le drapeau, est tabou … faire évoluer notre graphie l’est devenu aussi. « L’administration devient le clergé de ce nouveau culte et valorise l’art du « français sans fautes » qui la distingue » (P165). Les références au sacré sont constantes dans l’ouvrage :

    « Seule la sacralisation permet à une écriture savante de s’imposer comme écriture populaire. Si la ferveur se relâche, si le savoir n’est plus valorisé et la déviance n’est plus stigmatisée, un tel apprentissage devient impossible » (P 271).

    « Pour imposer cette écriture savante à un peuple illettré, il fallait lui conférer une valeur supérieure, la sacraliser. Ainsi la norme orthographique l’a-t-elle emporté sur toutes les autres, et d’abord sur le français ». (P 317)

    « Nous sommes le seul pays qui a sanctifié sa langue. La faute y est considérée comme un sacrilège, comme se moucher dans le drapeau. Pourquoi toute défaillance en orthographe stigmatise celui qui la commet alors que s’avouer nul en maths, sans aucune oreille musicale, imperméable à la science ou incapable d’apprendre une langue étrangère passe comme une lettre à la Poste ? »

    Mais les blocages ne viennent pas uniquement de l’administration. Ils ont été multiples, issus des hautes sphères de notre système mandarinal (l’Académie Française), des garants de son enseignement (les instituteurs), ou de nous-mêmes ! « Les Français qui ont hérité d’un monument historique étrange, craignent qu’à trop vouloir le rénover il ne finisse par leur tomber sur la tête ». (P 205)

    Cette écriture complexe a pénalisé et pénalise toujours la France

    Commençons par une vision géopolitique : Au XVIIIème siècle, notre langue était la langue des cours et des élites. Pourquoi notre « lingua franca » est maintenant reléguée à jouer les outsiders du monde diplomatique et économique. « Non, pas à cause de son orthographe ? » pourriez-vous dire. Et bien si, cela y a contribué. Déjà en 1782, suite à un concours sur « l’origine de l’universalité de la langue française », lancé par l’Université de Berlin, un des co-lauréats expliquait que de toute manière, son orthographe allait tôt ou tard la disqualifier : « la complexité de son orthographe (…) devait lui interdire toute vocation universelle » (P 160)

    Les dégâts sociaux sont bien sûr les plus importants : Notre écriture si complexe, doit être maintenant enseignée à tout le monde. Si elle était appropriée pour des savants du XIVème, elle ne l’est plus aujourd’hui. Le temps passé à apprendre aux jeunes toutes les illogismes de notre orthographe est du temps en moins pour les autres matières (histoire, géographie, mathématique, …). Le corps enseignant confronté à la difficulté de l’apprentissage, après avoir été opposé aux réformes, l’encourage maintenant.

    Sans parler du plaisir d’écrire : "Lorsque j’écris, je vis en état d’alerte permanente. Je vais éviter les mots qui pourraient être piégeux, les formulations qui pourraient m’amener sur des terrains incertains. Au lieu de jouer avec la langue pour me faire plaisir, je me restreins."

    Mais les nouvelles technologies de l’information vont débloquer la situation

    Initialement inventée pour transcrire la parole, notre écriture a fini par se séparer de notre « parler » et n’évolue plus en symbiose avec lui. Nous parlons de plus en plus différemment de notre manière d’écrire.

    Paradoxalement, internet a replacé l’écrit au cœur de toutes nos communications (mails, blogs, texto, …), et a ré-unifié l’écrit de l’oral. On écrit un commentaire dans un blog, de manière spontanée, comme on répondrait oralement l’auteur. François de Closets conclut sur l’influence que ces nouveaux outils auront forcément sur notre manière d’écrire. Et sur cette réforme de l’orthographe, qui se fera inexorablement.

    Passionnant, déculpabilisant (pour ceux qui font des fautes, comme moi), épanouissant, … un ouvrage à mettre en toutes les mains.

    Jérôme Bondu

    http://www.inter-ligere.net/



    NB : par avance, je vous demande une certaine indulgence pour les fotes que j’ai dû laisser trainer.




    Tous les extraits en italique sont issus de livre.

    On trouve quelques articles sur le sujet publiés sur Agoravox

    - Compte rendu d’un forum qui s’est tenue en mars 2009 à Paris.

    - Présentation historique de l’évolution de l’orthographe

    - Deux articles contre la réforme de l’orthographe :

    http://*****************/actualites/...hronique-62723

    http://*****************/tribune-lib...strument-60930
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    merci Solas... dès que je le trouve, je vais le lire...

    j'espère qu'il n'est pas pédant comme un autre livre sur la langue que j'avais lu

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    • #3
      -Retard donne retarder -mais cauchemarder vient de cauchemar, sans d.
      -On écrit millionième avec un n et millionnaire avec deux.
      -Relais et délai.
      -Espace génère spatial avec un t.
      -Faux-fuyant prend un tiret mais pas faux bond.
      -Portemanteau tient en un mot mais pas porte-parapluies.
      Ce n'est que la partie visible de l'iceberg.
      On peut passer sa vie à citer de tels exemples tellement ils sont légion.
      Sur un autre angle, bien que ce ne soit pas ma langue, je me suis toujours demandé pourquoi le son ''s'' doit-il être écrit de façon différente à chaque fois: parfois ''s'', parfois ''c'' parfois ''ç'', parfois ''sse'' etc...
      Pourquoi "Chic'' avec un ''c" et non pas ''k'' et pourquoi "brique" avec ''que''.
      Pourquoi "2r" à pierre; pourquoi "baie" et pas "bé". pourquoi "bise" et pas "bize".
      etc...
      Mieux vaut un cauchemar qui finit qu’un rêve inaccessible qui ne finit pas…

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      • #4
        L’auteur rappelle les époques charnières dans l’évolution de la langue, comme par exemple au XIVème siècle quand des lettrés, savants pétris de culture latine et grecque, décident de truffer la graphie de h, y, ph, comme autant de rappels de ses origines. L’écriture était alors l’apanage des savants.
        peut etre que la reponse est la
        The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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        • #5
          Et qu'ils la gardent ça fait se développer un peu le cerveau qui est très porté sur la fainéantise.
          Le Japonais et le Chinois ont été simplifié et même avec ça on a droit à des milliers de Kanjis pour l'écriture. Autant dire une crise de nerf à chaque fois qu'on essaie de les apprendre...
          Il y a certes des tonnes de règles en Français et personne ne peut écrire parfaitement, mais je préfère ça à me taper une langue sans saveur comme l'allemand. L'Espagnol lui a certes une orthographe plus aisée, mais ça ne veut pas dire que c'est une langue facile non plus au niveau grammatical.

          Pour moi le Français a développé une richesse énorme comme l'arabe qui permette des tournures de phrases inédites qui n'existent même pas dans des langues comme le Japonais.

          Vous saviez que pour dire à ta gauche en Japonais il faut dire à ma droite de là où tu te trouves?

          Rigolo non?
          Faut arrêter de taper sur le Français et l'Arabe et essayer de les simplifier à tout va.
          La guerre, c'est la guerre des hommes ; la paix, c'est la guerre des idées. V. Hugo

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          • #6
            Je trouve que ça rajoute de la beauté à la langue malgré que c'est compliqué à écrire (il ne suffit pas de transcrire ce qu'on entend). Et je la trouve pas dure à apprendre non plus, notre mémoire visuelle est capable de retenir toutes les tournures et exceptions à force de lire le même mot. Il m'est arrivé par exemple, en cas de doute sur l'écriture d'un mot, d'écrire le mot avec deux variantes et de voir quelle est la plus "belle" (celle qui me semble familière par mémoire) pour savoir laquelle est juste. Faut aller lire un peu l'allemand pour se rendre compte qu'il y a cent fois pire :22: mais même dans le cas de l'allemand je pense que c'est une question d'habitude, notre cerveau est capable de gérer tout ça par mémoire.
            Tadjére ouala Hadjére ouala rédjline Madjer...

            Vive Tayri, Vive JSK

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            • #7
              Pareil mimi, la notion de "beau" ou "ça sonne mieux" me guide souvent.
              Mais c'est vrai que notre cerveau s'adapte à tout. Au départ je ne pouvais rien retenir des Kanjis, genre que dalle, nada. Là petit à petit j'ai l'impression que le cerveau commence à comprendre la "logique" alors que je n'en vois aucune, mais au moins ça rentre un peu plus vite, même si devant ma copine je suis une quiche
              Quand on sait qu'il faut connaître vers les 2000 idéogrammes on se dit que les petits japonais se font bien triturer le cerveau étant jeunes
              Alors nous francophones, on ne devrait pas se plaindre.
              La guerre, c'est la guerre des hommes ; la paix, c'est la guerre des idées. V. Hugo

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