Le déchaînement médiatique du Caire
Une campagne révélatrice d’un désarroi
Depuis la qualification de notre équipe nationale de football à la prochaine Coupe du monde 2010, l’arsenal médiatique égyptien s’est déchaîné contre notre pays, alignant tout au long d’une dizaine de jours, chaînes satellitaires privées et publiques, sites électroniques, radio et presse écrite.
L’objectif recherché semble bien précis : ternir l’image du football algérien dans le monde et nous empêcher de savourer pleinement cette joie indescriptible qui s’est emparée de notre peuple au-delà même de nos frontières nationales et qui, de mémoire, n’a d’égale que la célébration du recouvrement de l’Indépendance nationale le 5 juillet 1962. Tout est permis dans la mise en condition des foules pour gâcher cette liesse populaire : déni de notre histoire, mépris de notre identité, outrage à nos martyrs, dénigrement de nos symboles, montage d’images dévalorisantes, incitation au lynchage, et parfois au meurtre de nos compatriotes dans cette ancienne province ottomane.
Des termes d’une rare vulgarité inspirés de l’anthropologie coloniale, des mensonges à la Goebbels révélateurs d’un niveau culturel lamentable, et des qualificatifs indécents ont été rabâchés nuit et jour pour crier vengeance contre l’Algérie accusée à tort d’avoir monté de toutes pièces le coup du bus au Caire, et malmené les supporters égyptiens à Khartoum. Décidément, c’est l’agresseur qui crie à l’agressé !
À travers le petit écran, une irruption de haine
Qui de nous n’a pas été choqué par ce déluge d’insultes déversées à travers le petit écran d’une dizaine de chaînes TV, par des femmes et des hommes dont des acteurs et des actrices de cinéma, de théâtre, des stars de la chanson, tous aimés du public algérien, des ministres en exercice, des députés, des journalistes, des avocats, des syndicalistes ... ? Qui de nous ne s’est pas posé la question sur le pourquoi de cette soudaine irruption de haine alors que rien dans notre passé commun, proche ou lointain, à y regarder de plus près, ne la justifie ? L’Algérie a-t-elle un jour nui à l’Egypte en dehors des différends d’ailleurs circonscrits au domaine politique qui naissent de l’impératif de soutien à la lutte du peuple palestinien frère chaque fois que celui-ci se déclare lésé par la position du Caire dans le conflit israélo-arabe ? C’était vrai même du vivant du président Nasser.
Boumédiène l’a bien rappelé quelques mois seulement avant sa mort au congrès de l’UGTA : « Nous avons dit au président Sadate, en toute fraternité, que lorsqu’il ne sera pas d’accord avec les Palestiniens, nous nous opposerons à lui, et c’est ce qui est arrivé effectivement ». Allusion à la création du Front de la fermeté et de la résistance à la fin de 1977 (Algérie, Syrie, Libye, Yémen du Sud et l’OLP) pour regrouper les forces hostiles aux accords de paix égypto-israéliens dits accords de Camp-David. Les Algériens ont-ils failli à leur devoir de solidarité dans les deux guerres israélo-arabes de 1967 et 1973 ? Le sang de leurs moujahidine fraîchement descendus des maquis, a-t-il séché si vite sur la rive de Suez ?
Jamais notre presse nationale ne s’est permis de porter atteinte au peuple égyptien qui nous a soutenus au même titre que beaucoup d’autres frères et amis durant notre guerre de Libération nationale. Bien au contraire, Alger a accueilli avec tous les honneurs, le général Saad-Eddine Chadli, chef d’état-major des forces armées égyptiennes, héros de la traversée du canal de Suez en octobre 1973, destitué par Sadate pour avoir contesté la gestion politique des acquis militaires de cette guerre .
Il y passa des années en tant que réfugié politique jusqu’au jour où il décida, de son propre gré, de regagner son pays. Si cette campagne de presse hystérique avait ciblé uniquement les dirigeants politiques, on l’aurait peut-être expliqué par un règlement de comptes ou une lutte d’influence, dont on ignore les tenants et les aboutissants entre les deux capitales, à la faveur d’une compétition sportive. Mais qu’elle se focalise sur le peuple, il y a là, à l’évidence, un enjeu qui dépasse le simple stade d’échauffourées entre des supporters.
Qui donc a intérêt à cette vague d’hostilité pathologique parce qu’inspirant un discours irrationnel et non structuré ? A première vue, trois parties en tirent profit : D’abord, le régime égyptien vieillissant qui cherche une échappatoire à ses difficultés internes croissantes, en transformant l’élimination de son équipe de la Coupe du monde en une affaire de dignité nationale : le Haut-Conseil de la Sécurité nationale est réuni par le chef de l’Etat, des menaces sont brandies contre le Soudan accusé de laxisme, l’ambassadeur accrédité à Alger est rappelé officiellement pour « consultation », Alaa Moubarek appelle « à frapper l’Algérie à la tête », un terrorisme intellectuel et psychologique étouffe les voix de ceux qui, dans l’élite égyptienne, peinent à se faire entendre pour exprimer leur refus de voir leur pays s’enfoncer dans le ridicule, ou d’être entraîné dans des combats marginaux.
Par manque d’habileté politique qui frise la maladresse d’un néophyte, le régime a entièrement misé sur la qualification sûre et certaine de son équipe nationale au prochain Mondial pour ouvrir la voie à la transmission du pouvoir du père au fils en 2011.
Projet fortement contesté dès sa naissance par des segments de l’opinion publique et par l’opposition qui anime depuis le 14 octobre dernier une campagne contre « le retour au pouvoir héréditaire ». Ensuite, le courant néo-isolationniste qui juge l’intérêt de l’Egypte dans le renoncement volontaire à sa mission historique de panarabisme, sous prétexte que le concept de la « Oumma » fait désormais partie des séquelles du passé. Celle rejetée notamment par les Nassériens mais appréciée à Tel-Aviv, occupe des positions influentes dans le « secrétariat des politiques », structure que préside le fils du président Moubarak au sein du parti au pouvoir.
L’isolement du peuple égyptien
Il est en outre, en relation avec le courant isolationniste traditionnel protégé par l’église et bien introduit dans certaines capitales occidentales et notamment à Washington. A noter que ce courant actif depuis plus de cent ans ne retient de l’histoire de l’Egypte que les trois siècles de la domination hellénique à l’ère des Ptolémées.
Enfin, cette lutte disproportionnée entre le courant isolationniste et le courant panarabe, en raison d’un rapport de forces défavorable à l’opposition, se traduit sur le plan interne par un repli identitaire, et à l’extérieur par la réduction de la capacité d’agir de l’Egypte dans le règlement des crises intra ou interétatiques dans son voisinage. Ce qui facilite l’exécution des plans de Tel-Aviv axés sur la judaïsation de la Palestine, la reconfiguration d’un nouveau Moyen-Orient sur des bases ethnico-confessionnelles et la neutralisation du potentiel nucléaire iranien.
Force est de reconnaître ici que les accords de Camp David ont réussi dans une première étape à isoler l’Etat égyptien, en tant qu’entité, de son environnement naturel, puisqu’il s’est désengagé de la cause palestinienne en négociant séparément avec Israël.
A l’heure actuelle, l’entame de la deuxième étape dont la finalité sera l’isolement du peuple égyptien lui-même, est en cours. Ainsi, l’Egypte, jadis cœur palpitant de l’arabisme, aujourd’hui inoffensif et vassalisé, deviendra l’Etat-tampon séparant les uns des autres, et veillant à la balkanisation du monde arabe. La preuve en est que sa campagne de presse ouvertement inspirée et orientée, a ciblé au départ pêle- mêle tous les Arabes en réitérant la question : pourquoi n’aiment-ils pas les Egyptiens ? le Soudan compris. Pourtant, ce n’est pas l’Algérie qui a choisi pour le match d’appui Khartoum que chacun se doit de féliciter pour la qualité de l’accueil et du déroulement de la manifestation sportive.
C’est bien l’Egypte. Et au Caire. Ce n’est que 48 heures plus tard que cette offensive médiatique a été recentrée sur notre pays. Qui d’entre nous n’aurait pas souhaité voir les manifestants qui se sont regroupés devant l’ambassade d’Algérie au Caire, dirigés contre l’ambassade d’Israël au moment où l’artillerie et l’aviation sionistes pilonnaient Ghaza, achevant à coups de bombes phosphoriques d’usage international interdit, la population palestinienne sans distinction d’âge et de sexe après l’avoir affamé par un blocus hermétique que « le grand voisin » a, au plus, observé passivement ?
à suivre...
Une campagne révélatrice d’un désarroi
Depuis la qualification de notre équipe nationale de football à la prochaine Coupe du monde 2010, l’arsenal médiatique égyptien s’est déchaîné contre notre pays, alignant tout au long d’une dizaine de jours, chaînes satellitaires privées et publiques, sites électroniques, radio et presse écrite.
L’objectif recherché semble bien précis : ternir l’image du football algérien dans le monde et nous empêcher de savourer pleinement cette joie indescriptible qui s’est emparée de notre peuple au-delà même de nos frontières nationales et qui, de mémoire, n’a d’égale que la célébration du recouvrement de l’Indépendance nationale le 5 juillet 1962. Tout est permis dans la mise en condition des foules pour gâcher cette liesse populaire : déni de notre histoire, mépris de notre identité, outrage à nos martyrs, dénigrement de nos symboles, montage d’images dévalorisantes, incitation au lynchage, et parfois au meurtre de nos compatriotes dans cette ancienne province ottomane.
Des termes d’une rare vulgarité inspirés de l’anthropologie coloniale, des mensonges à la Goebbels révélateurs d’un niveau culturel lamentable, et des qualificatifs indécents ont été rabâchés nuit et jour pour crier vengeance contre l’Algérie accusée à tort d’avoir monté de toutes pièces le coup du bus au Caire, et malmené les supporters égyptiens à Khartoum. Décidément, c’est l’agresseur qui crie à l’agressé !
À travers le petit écran, une irruption de haine
Qui de nous n’a pas été choqué par ce déluge d’insultes déversées à travers le petit écran d’une dizaine de chaînes TV, par des femmes et des hommes dont des acteurs et des actrices de cinéma, de théâtre, des stars de la chanson, tous aimés du public algérien, des ministres en exercice, des députés, des journalistes, des avocats, des syndicalistes ... ? Qui de nous ne s’est pas posé la question sur le pourquoi de cette soudaine irruption de haine alors que rien dans notre passé commun, proche ou lointain, à y regarder de plus près, ne la justifie ? L’Algérie a-t-elle un jour nui à l’Egypte en dehors des différends d’ailleurs circonscrits au domaine politique qui naissent de l’impératif de soutien à la lutte du peuple palestinien frère chaque fois que celui-ci se déclare lésé par la position du Caire dans le conflit israélo-arabe ? C’était vrai même du vivant du président Nasser.
Boumédiène l’a bien rappelé quelques mois seulement avant sa mort au congrès de l’UGTA : « Nous avons dit au président Sadate, en toute fraternité, que lorsqu’il ne sera pas d’accord avec les Palestiniens, nous nous opposerons à lui, et c’est ce qui est arrivé effectivement ». Allusion à la création du Front de la fermeté et de la résistance à la fin de 1977 (Algérie, Syrie, Libye, Yémen du Sud et l’OLP) pour regrouper les forces hostiles aux accords de paix égypto-israéliens dits accords de Camp-David. Les Algériens ont-ils failli à leur devoir de solidarité dans les deux guerres israélo-arabes de 1967 et 1973 ? Le sang de leurs moujahidine fraîchement descendus des maquis, a-t-il séché si vite sur la rive de Suez ?
Jamais notre presse nationale ne s’est permis de porter atteinte au peuple égyptien qui nous a soutenus au même titre que beaucoup d’autres frères et amis durant notre guerre de Libération nationale. Bien au contraire, Alger a accueilli avec tous les honneurs, le général Saad-Eddine Chadli, chef d’état-major des forces armées égyptiennes, héros de la traversée du canal de Suez en octobre 1973, destitué par Sadate pour avoir contesté la gestion politique des acquis militaires de cette guerre .
Il y passa des années en tant que réfugié politique jusqu’au jour où il décida, de son propre gré, de regagner son pays. Si cette campagne de presse hystérique avait ciblé uniquement les dirigeants politiques, on l’aurait peut-être expliqué par un règlement de comptes ou une lutte d’influence, dont on ignore les tenants et les aboutissants entre les deux capitales, à la faveur d’une compétition sportive. Mais qu’elle se focalise sur le peuple, il y a là, à l’évidence, un enjeu qui dépasse le simple stade d’échauffourées entre des supporters.
Qui donc a intérêt à cette vague d’hostilité pathologique parce qu’inspirant un discours irrationnel et non structuré ? A première vue, trois parties en tirent profit : D’abord, le régime égyptien vieillissant qui cherche une échappatoire à ses difficultés internes croissantes, en transformant l’élimination de son équipe de la Coupe du monde en une affaire de dignité nationale : le Haut-Conseil de la Sécurité nationale est réuni par le chef de l’Etat, des menaces sont brandies contre le Soudan accusé de laxisme, l’ambassadeur accrédité à Alger est rappelé officiellement pour « consultation », Alaa Moubarek appelle « à frapper l’Algérie à la tête », un terrorisme intellectuel et psychologique étouffe les voix de ceux qui, dans l’élite égyptienne, peinent à se faire entendre pour exprimer leur refus de voir leur pays s’enfoncer dans le ridicule, ou d’être entraîné dans des combats marginaux.
Par manque d’habileté politique qui frise la maladresse d’un néophyte, le régime a entièrement misé sur la qualification sûre et certaine de son équipe nationale au prochain Mondial pour ouvrir la voie à la transmission du pouvoir du père au fils en 2011.
Projet fortement contesté dès sa naissance par des segments de l’opinion publique et par l’opposition qui anime depuis le 14 octobre dernier une campagne contre « le retour au pouvoir héréditaire ». Ensuite, le courant néo-isolationniste qui juge l’intérêt de l’Egypte dans le renoncement volontaire à sa mission historique de panarabisme, sous prétexte que le concept de la « Oumma » fait désormais partie des séquelles du passé. Celle rejetée notamment par les Nassériens mais appréciée à Tel-Aviv, occupe des positions influentes dans le « secrétariat des politiques », structure que préside le fils du président Moubarak au sein du parti au pouvoir.
L’isolement du peuple égyptien
Il est en outre, en relation avec le courant isolationniste traditionnel protégé par l’église et bien introduit dans certaines capitales occidentales et notamment à Washington. A noter que ce courant actif depuis plus de cent ans ne retient de l’histoire de l’Egypte que les trois siècles de la domination hellénique à l’ère des Ptolémées.
Enfin, cette lutte disproportionnée entre le courant isolationniste et le courant panarabe, en raison d’un rapport de forces défavorable à l’opposition, se traduit sur le plan interne par un repli identitaire, et à l’extérieur par la réduction de la capacité d’agir de l’Egypte dans le règlement des crises intra ou interétatiques dans son voisinage. Ce qui facilite l’exécution des plans de Tel-Aviv axés sur la judaïsation de la Palestine, la reconfiguration d’un nouveau Moyen-Orient sur des bases ethnico-confessionnelles et la neutralisation du potentiel nucléaire iranien.
Force est de reconnaître ici que les accords de Camp David ont réussi dans une première étape à isoler l’Etat égyptien, en tant qu’entité, de son environnement naturel, puisqu’il s’est désengagé de la cause palestinienne en négociant séparément avec Israël.
A l’heure actuelle, l’entame de la deuxième étape dont la finalité sera l’isolement du peuple égyptien lui-même, est en cours. Ainsi, l’Egypte, jadis cœur palpitant de l’arabisme, aujourd’hui inoffensif et vassalisé, deviendra l’Etat-tampon séparant les uns des autres, et veillant à la balkanisation du monde arabe. La preuve en est que sa campagne de presse ouvertement inspirée et orientée, a ciblé au départ pêle- mêle tous les Arabes en réitérant la question : pourquoi n’aiment-ils pas les Egyptiens ? le Soudan compris. Pourtant, ce n’est pas l’Algérie qui a choisi pour le match d’appui Khartoum que chacun se doit de féliciter pour la qualité de l’accueil et du déroulement de la manifestation sportive.
C’est bien l’Egypte. Et au Caire. Ce n’est que 48 heures plus tard que cette offensive médiatique a été recentrée sur notre pays. Qui d’entre nous n’aurait pas souhaité voir les manifestants qui se sont regroupés devant l’ambassade d’Algérie au Caire, dirigés contre l’ambassade d’Israël au moment où l’artillerie et l’aviation sionistes pilonnaient Ghaza, achevant à coups de bombes phosphoriques d’usage international interdit, la population palestinienne sans distinction d’âge et de sexe après l’avoir affamé par un blocus hermétique que « le grand voisin » a, au plus, observé passivement ?
à suivre...
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