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Nessma ou la «guérison» possible
par Kamel Daoud
par Kamel Daoud
On a longtemps cru que le parti unique était le parti unique. C'est-à-dire le FLN. Non, il n'en est rien. L'Algérie est le seul pays où l'épisode du « mur de Berlin local », à l'époque du socialisme policier face à la foule des Aswak El-Fellah, a été réduit à une crise de semoule avec un arrivage de banane. C'est le seul pays où la « chute » et la Révolte ne se sont pas accompagnées du pluralisme médiatique, syndical et de la « fin » et des réformes des « Moukhabarate ». Aujourd'hui donc, si vous subissez un parti unique pluraliste (FLN/RND/MSP) c'est parce que vous subissez aussi une RTA sous forme de trois « canaux » terrestres et satellitaire. C'est une mode ou une rime. L'essentiel n'est donc pas dans ce constat d'un pays hyperpluraliste, avec dix langues, mille cultures, deux cents histoires nationales et une seule ENTV, mais dans la conséquence. Aujourd'hui, comme depuis la dernière fièvre nationalo-footbalistique, on n'a pas été les seuls à comprendre que le Maghreb peut s'entendre, se voir mais aussi se manger et nourrir. La chaine tunisienne à vocation maghrébine, Nessma TV, l'a bien compris : le Maghreb est un gisement d'annonceurs et de publicité de consommation qu'il ne faut pas laisser ni au Moyen-orientaux, ni aux Télévisions d'Etat grandes lectrices des communiqués de la présidence. Pour ce faire, les frères « Nessma » n'ont pas fait comme certains éditeurs de journaux algériens, créateurs de journaux-prétexte pour décrocher des pages de pub, mais ont réinventé l'eau tiède : mettre en scène le Maghreb tel qu'il existe. Avec sa langue mêlée d'îles, de colons, de caves et de mosquées et d'histoires, ses costumes, ses acteurs, ses chanteurs et son pluralisme de fait et d'actes. C'est sur les plateaux de Nessma que les acteurs et stars du Maghreb et de l'Algérie surtout «respirent», parlent sans complexe selon la langue du désir, rient sans rictus, ne cherchent pas les mots mais l'émotion, osent le tabou, ont l'air d'être chez eux et pas chez l'Etat. Et le filon va être un cerf-volant selon le flair des propriétaires de cette chaine : ils ont été les premiers à investir sur le foot algérien et son immense vague, et continuer de creuser la brèche. A la fin ? On se met à rêver d'un Maghreb comme celui-là ou d'une Algérie décomplexée de la sorte, heureuse de sa pluralité et pas angoissée par ses origines, réconciliée avec ses langues, parlant si couramment qu'on dirait que c'est de l'eau et pas des traductions malheureuses, dansant sur des musiques et pas sur des discours. Il y a du plaisir à regarder cette possibilité de « guérison » médiatique de la Maghrébinité malgré les adversités des régimes. Le Quotidien d'Oran
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