mardi 8 décembre 2009 - par Youssef Girard
Principal espace d’opposition à la conquête française, le monde rural algérien a été particulièrement touché par la répression et la politique coloniale. La violence de la conquête et l’ampleur des expropriations, conçues comme des instruments de désagrégation des structures fondamentales de la société et de l’économie, provoquèrent une paupérisation quasi-générale de la population rurale. Cette politique, dont les colons étaient les premiers bénéficiaires, créa un important prolétariat rural constituant une réserve de main-d’œuvre disponible pour les grands propriétaires européens. Jeté hors des campagnes par la misère, cette politique provoqua une « urbanisation pathologique des ruraux »[1].
Au-delà de l’exode rural, cette déstructuration du monde rural entraîna une émigration vers la France de travailleurs algériens. Toutefois, jusqu’en 1905, les législations en vigueur empêchaient l’émigration des Algériens. Il fallut attendre une circulaire du gouverneur général, daté du 28 janvier 1905, pour rendre possible l’installation en France de travailleurs algériens. Malgré l’opposition des colons, qui craignaient l’exode massif d’une main-d’œuvre bon marché, l’émigration commença à se développer. Elle était encouragée par le gouvernement et les employeurs français qui souhaitant accueillir ces travailleurs. Le mouvement migratoire s’accéléra avec la guerre de 1914-1918 du fait des besoins de main-d’œuvre de la France.
A la fin de la guerre, les besoins de la reconstruction, de l’industrie française et les conditions sociales du peuple algérien entraînèrent une arrivée massive de travailleurs algériens. Au début des années 1920, le nombre d’immigrés algériens en France était évalué entre 100 000 et 120 000 personnes[2] vivants, pour la majorité, dans des conditions très difficiles. Déracinés, exploités économiquement, victimes du racisme, les émigrés se regroupaient dans les premiers cafés et restaurants maghrébins où se développaient des solidarités communautaires.
Percevant l’arrivée de ces nouveaux prolétaires, les organisations ouvrières françaises, toutes tendances confondues, commencèrent à s’intéresser à eux. Sous l’impulsion de l’Internationale Communiste[3], après le Congrès de Tours, les communistes français prirent des positions anticolonialistes et commencèrent à s’adresser aux travailleurs immigrés issus des territoires colonisés par la France.
En juillet 1921, fut fondé le Comité de l’Union Inter coloniale, qui avait pour but de regrouper les travailleurs immigrés originaires de toutes les colonies. Dans le même temps, la centrale syndicale communiste, la CGTU, créée en 1921, s’intéressait particulièrement aux travailleurs originaires des colonies qu’elle cherchait à encadrer. Toutefois, ces travailleurs posaient des questions nouvelles auxquelles la CGTU n’était pas préparée.
Réceptifs aux positions anticolonialistes du mouvement communiste, et voulant défendre leurs droits en tant qu’ouvriers, les travailleurs immigrés maghrébins commencèrent à s’engager au sein de la CGTU. Cet engagement était facilité par la présence au sein du syndicat de cadres algériens, tels que Abdelkader Hadj Ali, Mohammed Marouf ou Mohammed Saïd Si Djilani, qui militaient activement au sein de l’immigration pour que les travailleurs maghrébins adhèrent à la CGTU.
En décembre 1923, l’organe de l’Union Intercoloniale, Le Paria, publiait un « Appel aux ouvriers algériens » qui les enjoignait à l’action : « Dans les usines de France, vous avez appris que votre situation matérielle ne différait en rien de celle de vos frères ouvriers français. Vous avez vu que le prolétaire de n’importe quelle race était accablé sous le poids de la même exploitation, réduit à la même misère […]. Il est temps de vous réveiller de votre torpeur, ne soyez plus indifférents aux attaques du patronat, n’acceptez plus ses coups en fatalistes. Organisez-vous avec vos camarades ouvriers français ; adhérez en masse au syndicalisme pour défendre vos salaires, pour revendiquer vos droits »[4].
Dans l’action en faveur de la syndicalisation des travailleurs immigrés maghrébins, les militants algériens de la CGTU furent aidés par l’Emir Khaled. Au cours d’une série de conférences organisées par l’Union Inter coloniale, le petit-fils de l’Emir Abdelkader encouragea les travailleurs algériens à se syndiquer. Dans son discours, prononcé lors du meeting du 19 juillet 1924, Abdelkader Hadj Ali invita les travailleurs algériens à adhérer aux syndicats. Lui succédant à la tribune, l’Emir Khaled fit de même en demandant à ses compatriotes d’entrer dans les syndicats. Au cours du meeting du 14 septembre 1924, Abdelkader Hadj Ali lut une lettre de l’Emir où il réitéra son invitation faite aux travailleurs algériens à s’engager dans les syndicats[5].
Ces meetings créaient un lien entre les luttes de libération nationale des peuples colonisés et l’action syndicale des travailleurs immigrés en France. En soutien à la résistance des troupes d’Abdelkrim el-Khattabi, un meeting fut organisé le 27 septembre 1924 à Paris où « travailleurs coloniaux et Français (célébrèrent) l’écrasement des impérialistes espagnols au Maroc ».
Selon l’Humanité, Abdelkader Hadj Ali et Mahmoud Ben Lekhal cinglèrent « de mots ardents et émouvants les requins coloniaux et les soudards galonnés qui dévastent économiquement et militairement les colonies »[6].
Principal espace d’opposition à la conquête française, le monde rural algérien a été particulièrement touché par la répression et la politique coloniale. La violence de la conquête et l’ampleur des expropriations, conçues comme des instruments de désagrégation des structures fondamentales de la société et de l’économie, provoquèrent une paupérisation quasi-générale de la population rurale. Cette politique, dont les colons étaient les premiers bénéficiaires, créa un important prolétariat rural constituant une réserve de main-d’œuvre disponible pour les grands propriétaires européens. Jeté hors des campagnes par la misère, cette politique provoqua une « urbanisation pathologique des ruraux »[1].
Au-delà de l’exode rural, cette déstructuration du monde rural entraîna une émigration vers la France de travailleurs algériens. Toutefois, jusqu’en 1905, les législations en vigueur empêchaient l’émigration des Algériens. Il fallut attendre une circulaire du gouverneur général, daté du 28 janvier 1905, pour rendre possible l’installation en France de travailleurs algériens. Malgré l’opposition des colons, qui craignaient l’exode massif d’une main-d’œuvre bon marché, l’émigration commença à se développer. Elle était encouragée par le gouvernement et les employeurs français qui souhaitant accueillir ces travailleurs. Le mouvement migratoire s’accéléra avec la guerre de 1914-1918 du fait des besoins de main-d’œuvre de la France.
A la fin de la guerre, les besoins de la reconstruction, de l’industrie française et les conditions sociales du peuple algérien entraînèrent une arrivée massive de travailleurs algériens. Au début des années 1920, le nombre d’immigrés algériens en France était évalué entre 100 000 et 120 000 personnes[2] vivants, pour la majorité, dans des conditions très difficiles. Déracinés, exploités économiquement, victimes du racisme, les émigrés se regroupaient dans les premiers cafés et restaurants maghrébins où se développaient des solidarités communautaires.
Percevant l’arrivée de ces nouveaux prolétaires, les organisations ouvrières françaises, toutes tendances confondues, commencèrent à s’intéresser à eux. Sous l’impulsion de l’Internationale Communiste[3], après le Congrès de Tours, les communistes français prirent des positions anticolonialistes et commencèrent à s’adresser aux travailleurs immigrés issus des territoires colonisés par la France.
En juillet 1921, fut fondé le Comité de l’Union Inter coloniale, qui avait pour but de regrouper les travailleurs immigrés originaires de toutes les colonies. Dans le même temps, la centrale syndicale communiste, la CGTU, créée en 1921, s’intéressait particulièrement aux travailleurs originaires des colonies qu’elle cherchait à encadrer. Toutefois, ces travailleurs posaient des questions nouvelles auxquelles la CGTU n’était pas préparée.
Réceptifs aux positions anticolonialistes du mouvement communiste, et voulant défendre leurs droits en tant qu’ouvriers, les travailleurs immigrés maghrébins commencèrent à s’engager au sein de la CGTU. Cet engagement était facilité par la présence au sein du syndicat de cadres algériens, tels que Abdelkader Hadj Ali, Mohammed Marouf ou Mohammed Saïd Si Djilani, qui militaient activement au sein de l’immigration pour que les travailleurs maghrébins adhèrent à la CGTU.
En décembre 1923, l’organe de l’Union Intercoloniale, Le Paria, publiait un « Appel aux ouvriers algériens » qui les enjoignait à l’action : « Dans les usines de France, vous avez appris que votre situation matérielle ne différait en rien de celle de vos frères ouvriers français. Vous avez vu que le prolétaire de n’importe quelle race était accablé sous le poids de la même exploitation, réduit à la même misère […]. Il est temps de vous réveiller de votre torpeur, ne soyez plus indifférents aux attaques du patronat, n’acceptez plus ses coups en fatalistes. Organisez-vous avec vos camarades ouvriers français ; adhérez en masse au syndicalisme pour défendre vos salaires, pour revendiquer vos droits »[4].
Dans l’action en faveur de la syndicalisation des travailleurs immigrés maghrébins, les militants algériens de la CGTU furent aidés par l’Emir Khaled. Au cours d’une série de conférences organisées par l’Union Inter coloniale, le petit-fils de l’Emir Abdelkader encouragea les travailleurs algériens à se syndiquer. Dans son discours, prononcé lors du meeting du 19 juillet 1924, Abdelkader Hadj Ali invita les travailleurs algériens à adhérer aux syndicats. Lui succédant à la tribune, l’Emir Khaled fit de même en demandant à ses compatriotes d’entrer dans les syndicats. Au cours du meeting du 14 septembre 1924, Abdelkader Hadj Ali lut une lettre de l’Emir où il réitéra son invitation faite aux travailleurs algériens à s’engager dans les syndicats[5].
Ces meetings créaient un lien entre les luttes de libération nationale des peuples colonisés et l’action syndicale des travailleurs immigrés en France. En soutien à la résistance des troupes d’Abdelkrim el-Khattabi, un meeting fut organisé le 27 septembre 1924 à Paris où « travailleurs coloniaux et Français (célébrèrent) l’écrasement des impérialistes espagnols au Maroc ».
Selon l’Humanité, Abdelkader Hadj Ali et Mahmoud Ben Lekhal cinglèrent « de mots ardents et émouvants les requins coloniaux et les soudards galonnés qui dévastent économiquement et militairement les colonies »[6].
Commentaire