Annonce

Réduire
Aucune annonce.

La seconde mort de Oum Kelthoum à Tlemcen .

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • La seconde mort de Oum Kelthoum à Tlemcen .

    La seconde mort de Oum Kelthoum à Tlemcen
    par Kamel Daoud
    Jusqu'où va aller cette histoire avec l'Egypte ? Si on doit se poser la question, c'est parce que la rupture est profonde : avant-hier à Tlemcen, comble des mauvaises concordances, lorsqu'un groupe de jazz français annonça un répertoire « fusion » sur le rythme d'Oum Khaltoum, la Diva, un gros malaise traversa la salle des spectateurs venus nombreux consommer les raretés culturelles en Algérie. Il y a deux mois, si un saxophoniste français avait annoncé son « amour » pour cette chanteuse, il aurait été applaudi comme on applaudit à chaque fois qu'un étranger sur scène prononce quelques mots de notre langue. C'était il y a deux mois. Nous savons depuis que les Egyptiens ne sont pas nous comme ils nous l'ont fait croire avec leurs feuilletons, et que nous nous sommes que nous-mêmes, avec notre drapeau, nos ancêtres et nos enfants. Aujourd'hui, Oum Khaltoum, même morte, avait été et sera encore un immense astre cantique, mais on n'arrive plus à oublier qu'elle est égyptienne. Née dans un pays dont les élites et les râteliers comédiens nous ont insultés jusqu'aux ancêtres, elle a perdu cette universalité que les Algériens lui accordaient avec extase et admiration. L'anecdote révèle que la séparation est presque définitive. Elle est aussi rétrospective. Elle remonte l'histoire. La blessure algérienne mettra du temps à se cicatriser : il faut pour cela que l'Egypte reprenne droit à la parole à la place de son régime. Il faut aussi que chez nous la question de l'algériannité soit assumée et tranchée autrement que par la dénégation. C'est seulement fort et confiants dans notre algériannité que l'on peut reprendre verbe avec les autres.

    A côté de cette nationalité reconquise et de son sentiment d'avoir été insulté par un pays que l'on croyait modèle et garant d'une identité qui n'est finalement pas la nôtre, le pouvoir chez nous semble en retard, lui aussi dans le malaise, cherchant le calme là où il n'y a que des choix à faire et essayant de cacher un compromis là où il n'y a plus que des responsabilité à assumer. D'où l'autre question : que nous reste-t-il lorsqu'on doit enterrer Oum Kelthoum encore plus profond ? La décolonisation « horizontale » avec l'arabité égyptienne ne nous laisse en effet aucun bien vacant, sauf celui immatériel des islamistes ou de Abdelhalim Hafez et des discours de Nasser. Nous sommes enfin seuls, entre nous, presque sur une terre nouvelle. Comment donner suite à notre nationalité redécouverte ? Où trouver ses intellectuels, ses chanteurs, ses défenseurs, ses partis politiques, ses peintres et ses fous capables d'aller sur la lune ? Rêvons donc de ce pays qui est le nôtre, traversé par son propre peuple et pas par le Nil des autres. Un jour ou l'autre, même notre Pouvoir aura à choisir entre des entreprises égyptiennes et notre drapeau retrouvé.



    Le Quotidien d'Oran
    " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "
Chargement...
X