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Pierre Freha veut la nationalité algérienne

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  • Pierre Freha veut la nationalité algérienne

    Ecrivain Français, Juif né en Algérie, Pierre Freha opte pour la nationalité Algérienne, vu par beaucoup d'écrivains célébrent en France, il se dit lui même Juif Sépharade au retour de ces racines. Il a fait la demande à l'ambassade d'Algérie et au ministère de la Justice à Paris.

    « L’Algérie fait partie de ma vie »

    Un voyage en Algérie, un roman tiré de ce retour et, maintenant, le désir ardent d’acquérir la nationalité algérienne. Après l’arrivée de sa famille en France en 1962, Pierre Freha a étudié au lycée Henri IV de Paris puis à Normale Sup. Il a été enseignant, consultant en marketing, journaliste, animateur d’ateliers d’écriture, conseiller littéraire. Il a écrit une dizaine de livres dont 6 romans et une pièce de théâtre pour la radio qui lui a valu le grand prix Paul Gilson 1989. Son sixième roman, La conquête de l’Oued. L’exil et le retour vers le pays perdu (L’harmattan, Paris, nov. 2008), est un hymne d’amour à l’Algérie. Mêlant fiction, histoire et actualité, il remonte le temps colonial, qu’il croise avec la réalité de 2007.

    Ce voyage en Algérie quarante ans après l’avoir quittée, à l’âge de 9 ans, est-ce par nostalgie ?

    Pas par nostalgie, non. Ce n’était pas grand-chose au départ, mais, dès que je suis arrivé à Alger, tout s’est mêlé, des choses personnelles et le besoin de comprendre ce qu’est ce pays, où il en est depuis que je suis parti, qu’est-ce qui s’est passé, pourquoi ce départ…

    Vous parlez d’un « besoin de justice ». Pour qui ? L’enfant que vous étiez ? Les Algériens ?

    D’abord pour l’enfant qui a sans doute besoin de cette justice là pour construire sa vie. L’Algérie que je voyais en 2007 n’allait pas très bien. Et je me suis demandé s’il n’y avait pas un lien avec la colonisation. Je voulais comprendre comment en 132 ans de colonisation, on était arrivé à un tel désastre. J’ai lu des livres. Je voulais d’abord lire des auteurs algériens. Je suis remonté à 1830 car comment comprendre 1962 sans connaître un peu 1830, le point de départ ?

    Vous mêlez faits historiques et fiction…

    Je voulais de l’émotion, et la fiction est le domaine de l’émotion. Des lecteurs français m’ont souvent dit qu’ils ne savaient pas que cela s’était passé comme je le racontais. J’ai essayé de communiquer avec mes proches. Pour moi, c’était un événement considérable que je sois allé en Algérie sur les traces de nos origines. De la part de mes proches, silence, aucune question, comme s’ils ne voulaient pas savoir. Comme d’autres dans la société française, ils ne voulaient absolument pas qu’on touche à certaines certitudes. J’ai pensé qu’il fallait alors taper fort et parler de Bugeaud, de Saint Arnaud…, finalement, c’était pédagogique. J’ai été assez surpris par la différence de réactions entre les Français et les Algériens. Les réactions que j’ai eues venant de France étaient très gênées, parfois très embarrassées, un peu comme pour me dire : mais pourquoi es-tu allé toucher à tout cela ? Ce n’est pas très propre ce que je montre de la colonisation.

    D’où le déni…

    J’ai fait en sorte d’être équilibré à travers le narrateur, l’histoire de sa famille et de ses tensions, à l’image du reste de la société française. De ce point de vue, mon livre n’est pas manichéen. Pour moi c’est très important de suivre une à une les étapes de la colonisation de l’Algérie. En France, qui s’en souvient ?

    Pour ceux qui veulent savoir, il y a des livres, des récits…

    Vous touchez du doigt un problème politique. Il y a en France un lobby de pieds-noirs irréductibles. D’autres se taisent. Ce qui fait que le pouvoir en place ne peut pas toucher à tout ce qui a trait à la colonisation. Il n’y a pas eu d’homme politique assez courageux pour parler des méfaits de la colonisation en Algérie. Lors de son voyage en Algérie, Sarkozy a eu une phrase qui, par sa brièveté, signifiait qu’il ne voulait pas et ne pouvait pas en dire plus. On ne veut pas se regarder en face. Au fond, ce livre je l’ai fait pour l’Algérie. La France prend son temps, elle y arrivera, ce travail est obligatoire, il se fera. L’Algérie est une douleur pour la France.

    Avec ce voyage, avez-vous trouvé les réponses que vous cherchiez ?

    La chose la plus importante a été de m’être fait des amis, de découvrir l’Algérie. Il m’aurait été impossible d’écrire le livre sans cette énergie que j’ai reçue du pays. C’est pour cela que j’ai inventé ce personnage, Aziz qui au début dit au narrateur : je vous en prie, maintenant que vous rentrez en France racontez ce que vous avez vu. Cette phrase n’est pas complètement inventée, des gens m’ont fait comprendre cela.

    Vous êtes tout aussi sévère vis-à-vis de l’Algérie d’aujourd’hui.

    Ce n’était pas prémédité de ma part. J’ai été en colère lorsque, parlant avec les gens, j’ai compris le désarroi, en particulier des jeunes que j’ai rencontrés, et de la société algérienne en général. Je me suis dit qu’il fallait que je trouve un moyen narratif, non pas pour dresser des parallèles, parce que tout est différent, mais pour créer une structure romanesque qui laisse passer les tensions sans tomber dans le manichéisme.

    Comment expliquez-vous votre quête de la nationalité algérienne ?

    Le besoin de la nationalité algérienne, là encore, n’est pas prémédité. Au fur et à mesure que j’ai commencé à écrire mon livre, après mon retour à Paris, j’ai senti le besoin de demander la nationalité algérienne. Au même moment, mes amis algériens me demandaient des attestations d’hébergement pour leur visa. Je comprenais leur point de vue, le mien restant celui de quelqu’un qui est né dans le pays, dont les ancêtres ont vécu là pendant des siècles, et qui ne comprend pas pourquoi il ne peut pas obtenir cette nationalité. L’Algérie fait partie de ma vie. Même à quatre ou cinq ans, vous sentez déjà à qui vous appartenez. Pour moi, ce n’était pas la communauté qui était importante, mais le sentiment d’être Algérien, encore aujourd’hui.

    Vous en avez fait la démarche ?

    Je suis allé d’abord à l’ambassade d’Algérie à Paris, qui m’a orienté vers le ministère de la Justice à Alger. Je n’ai toujours pas reçu de réponse.

    Votre demande est-elle comprise par votre famille ?

    Non. Du point de vue de ma famille c’était grotesque, et c’est ce grotesque-là qui personnellement me paraît fort et juste.

    Une suite au livre ?

    Un second livre sortira cet automne. Dans mes recherches, je ne me suis pas contenté de remonter à 1830. J’ai découvert d’autres dates importantes dans l’histoire de la ville d’Alger. J’ai voulu voir ce qu’il y avait avant 1830.

    Est-ce une façon de ne pas se couper de l’Algérie, de trouver des raisons d’y retourner ?

    Il faut poursuivre les liens, en recréer. Casser le moule des idées convenues, tout simplement, reprendre le dialogue interrompu. Je suis ouvert à d’autres perspectives. Je refais un peu partie de l’Algérie. D’une nouvelle Algérie. Et souvent, ce que la plupart des pieds-noirs ne supportent pas, c’est de ne pas retrouver l’Algérie qu’ils ont connue. Si c’est cela qu’on recherche, ce n’est pas la peine d’y aller. Pas une seconde je n’ai cherché à retrouver mon passé de Français né en Algérie. J’ai regardé l’Algérie d’aujourd’hui. Par moments, j’étais suffoqué par la superposition de souvenirs et la réalité. C’était troublant, mais dans le bon sens.

    Vous parlez beaucoup d’identité, des juifs d’Algérie

    Ma famille, même si elle ne me l’a pas dit, m’en est reconnaissante. C’est un patrimoine qui nous constitue, qu’on partage, je n’en parle pas comme quelque chose d’exclusif à la communauté juive. Non, surtout pas. C’est un patrimoine commun, avant que les religions ne viennent créer des divisions.

    Et la colonisation ?

    Ah oui, diviser pour mieux régner ! C’est le travail de tout colonisateur. Avec le décret Crémieux de 1870, on a séparé des communautés. La France avait besoin de s’appuyer sur des gens qui étaient sur place. Les musulmans, ayant résisté en fonction de la loi religieuse, l’administration française a proposé aux juifs de devenir Français. Les autorités juives françaises de l’époque, le rabbinat de Marseille, de Metz avaient des visées assez claires sur ce que les juifs d’Algérie devaient être. Et il fallait qu’ils soient français. Ils ont envoyé leurs émissaires qui, souvent, étaient très mal acceptés par la communauté juive en Algérie. Le décret Crémieux est arrivé après certaines étapes. Je n’ai pas trouvé dans les documents auxquels j’ai pu accéder d’éléments indiquant qu’il y avait des problèmes entre les communautés juive et musulmane en Algérie. C’est tragique qu’il y ait ce malentendu entre les juifs et les Algériens. Là aussi, je pense que la politique joue un rôle néfaste. Bien sûr, il y a la question d’Israël, mais je n’ai pas rencontré un seul Algérien qui m’a fermé sa porte parce que j’étais juif. Je demande la nationalité algérienne mais je ne demanderai jamais la nationalité israélienne, car ce serait confondre la religion et mon lieu de naissance. J’ai fait ma réconciliation d’une certaine façon avec ce livre. Chacun peut le faire à titre individuel. Avec ce livre, je me suis mis en règle avec mon pays. Avoir la nationalité algérienne ce serait une fierté et une revanche à l’égard de la France.

    Pourquoi ?

    Dès l’âge de neuf ans, j’ai senti de manière confuse que l’Etat français était responsable du fait que mon enfance avait été bousillée. Cela a modifié le cours de ma vie, donc, d’une certaine façon oui, la double nationalité est une façon de remettre les choses à leur place, de sortir d’un drame finalement absurde.

    Source : Nadjia Bouzeghrane - El Watan - 2009
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