« Aminatou n’a pas de problème, c’est le Maroc qui en a un. Et il peut le résoudre, il devra le résoudre, non seulement à cause d’une frêle jeune femme, mais aussi à cause de tout un peuple qui ne se rend pas, parce qu’il ne peut comprendre cette irrationalité, ni cet appétit expansionniste qui appartient à un autre temps, à un autre stade de la civilisation. » Lettre à Aminatou Haïdar de José Saramago, prix Nobel de littérature 1998, lue 14 samedi novembre à Lanzarote.
Lanzarote ( îles Canaries). De notre envoyé spécial
Une femme qui vaut son pesant de poudre. Son visage émacié, sa frêle silhouette, son charisme, son engagement hanteront à jamais le Palais royal. « Mes enfants pourront vivre sans mère mais pas sans dignité. » Aminatou Haïdar n’a décidément rien d’une militante indépendantiste ordinaire. « Elle ne se fixe aucune limite. Un tempérament de kamikaze sans en être une pour autant, car elle se sait trop précieuse pour son peuple », parle d’elle Fatimatou, une infirmière espagnole, Gouroutse Irisar de son vrai nom, engagée dans la lutte sahraouie depuis plus de trente années. 42 ans, divorcée, mère de deux enfants en bas âge, un air de Gandhi. La ressemblance avec la légende indienne est plus vraie que flatteuse. Son parcours de militante pacifiste, d’ambassadrice itinérante de la cause sahraouie, est des plus détonants. Elle fait mal au régime marocain. Plus que la critique des armes, l’arme de la critique dans toute sa superbe. M’hamed Khedad est tout fier de sa protégée. Comme tous ceux qui, connus ou illustres inconnus, viennent saluer ici, à Arrecife, capitale de l’île de Lanzarote, devenue en l’espace de quelque jours La Mecque des hommes et femmes libres, le combat de la Gandhi sahraouie, le coordinateur sahraoui auprès de la Minurso ne tarit pas d’éloges sur Aminatou. « Elle réussit, dit le négociateur du Polisario à Manhasset, là où les armes ont échoué. Haïdar, un infinitésimal grain de sable qui a enrayé toute la machine de propagande marocaine. C’est notre plus grande victoire. Plus belle que toutes celles qu’on aurait pu avoir sur le champ de bataille ». « Elle est habitée, profondément, par la cause, les idéaux de justice, de liberté qu’elle défend depuis sa frêle jeunesse. » Ali Salem, doyen des journaliste sahraouis, ancien de la radio et télévision algérienne, boit, sans modération, ses paroles. Une parole d’Evangile. Depuis 2006, année où la présidente du Collectif des défenseurs sahraouis des droits de l’homme (Codesa) quitte les territoires occupés, Aminatou Haïdar sillonne les capitales mondiales, enchaîne conférences, meetings et forums, en Suède, en France, en Italie, En Espagne, aux Etats-Unis. La American Friends Service Committee a proposé, l’année passée, sa nomination au prix Nobel de la paix. Elle décroche de prestigieuses distinctions et prix de renoms internationaux. Une douzaine au total. Le prix de la fondation Robert Kennedy, fondation connue pour son soutien au peuple sahraoui (2008), le prix de la US-Western Sahara foundation, le prix Silver Rose 2007 de « Solidar », une alliance internationale indépendante de 42 ONG de 20 pays européens, le prix Juan Maria Bandres pour la défense du droit d’asile, le Freedom Award 2006, décerné par l’association américaine Defense Forum Foundation, etc.
En novembre dernier, quelques semaines avant sa « déportation » vers les îles Canaries, elle recevait à New York le prix du Courage Civil décerné par la Fondation John Train. Le 13 novembre, alors qu’elle s’apprêtait à rentrer chez elle, son courage est de nouveau mis à l’épreuve. Sa destination, Laâyoune, sa ville natale au Sahara occidental, une zone sous administration espagnole jusqu’en 1975, occupée par la suite par le Maroc. L’ONU l’a classée comme territoire « non autonome » et a déployé des casques bleus sur place en 1991 dans l’attente d’un référendum sur son futur statut qui tarde à venir. Un « tank » nommé Aminatou C’est là qu’elle réside, avec sa mère et ses deux enfants. Le journaliste Pedro Barbillo était avec elle, vendredi 13 novembre, dans l’avion qui la transportait des îles Canaries vers l’aéroport Hassan II à Laâyoune. « Elle était zen. C’était une image incroyable. Elle disait qu’elle allait être arrêtée dès son arrivée à Laâyoune, que le Maroc ne lui pardonnera jamais ses témoignages sur les violations des droits de l’homme mais elle y est allée quand même. Nous l’avons accompagné moi et Pedro Guillen (aussi journaliste espagnol, ndlr). « C’est dans les conditions extrêmes qu’il faudrait se montrer libre », nous disait-elle, avant qu’elle ne soit arrêtée et reconduite aux îles Canaries. Lors de son passage au poste de police des frontières, Aminatou présente son passeport et sa fiche de débarquement. Dans la case réservée à « l’adresse au Maroc », elle écrit « Sahara occidental ». Un crime de lèse-majesté. Elle sera arrêtée, interrogée toute la nuit par les services de police, les renseignements, le wali de la Sûreté nationale, le patron de la police judiciaire et le procureur du roi qui lui signifie qu’elle allait être renvoyée en Espagne où « elle devrait passer désormais le restant de sa vie ». Au petit matin, elle est embarquée de force dans l’avion, direction Lanzarote. Les autorités espagnoles, promptes à satisfaire les caprices marocains, ne se sont pas encombrées de scrupules à violer leurs propres lois. Elles accepteront, sans rechigner, d’admettre dans leur territoire une ressortissante étrangère voyageant, contre sa volonté, et sans passeport. Les deux journalistes, témoins gênants de la sordide collusion entre l’Espagne et le Maroc dans la gestion de cette affaire, seront refoulés et les enregistrements de leur caméra confisqués. Arrivée à Lanzarote, île la plus orientale de l’archipel des Canaries, Aminatou est débarquée manu militari par les policiers de la Guardia Civil. « Ils m’ont dit que je pourrais prendre un autre vol pour rentrer (…)mais quand je suis entrée dans l’aéroport de Lanzarote et que je suis allée prendre un billet, là , la police espagnole m’a dit non, tu n’as pas de passeport, tu ne peux pas sortir du pays. » Dans l’après-midi même, elle entame une grève de la faim. Une grève qui se poursuit toujours. Elle entame aujourd’hui sa 5e semaine de grève. C’est sa deuxième grève de la faim après celle de 2005, observée dans la sinistre « prison noire », El Kahla de Laâyoune, dans laquelle, elle a été jetée pendant 7 mois. Une grève de 42 jours, observée avec d’autres militants sahraouis, arrêtés suite à l’Intifadha de Laâyoune. Lors des manifestations auxquelles elle avait activement pris part, elle sera grièvement blessée à la tête, passée à tabac par les forces armées royales. L’image de Aminatou, la tête ensanglantée, avait fait à l’époque, le tour du monde.
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Lanzarote ( îles Canaries). De notre envoyé spécial
Une femme qui vaut son pesant de poudre. Son visage émacié, sa frêle silhouette, son charisme, son engagement hanteront à jamais le Palais royal. « Mes enfants pourront vivre sans mère mais pas sans dignité. » Aminatou Haïdar n’a décidément rien d’une militante indépendantiste ordinaire. « Elle ne se fixe aucune limite. Un tempérament de kamikaze sans en être une pour autant, car elle se sait trop précieuse pour son peuple », parle d’elle Fatimatou, une infirmière espagnole, Gouroutse Irisar de son vrai nom, engagée dans la lutte sahraouie depuis plus de trente années. 42 ans, divorcée, mère de deux enfants en bas âge, un air de Gandhi. La ressemblance avec la légende indienne est plus vraie que flatteuse. Son parcours de militante pacifiste, d’ambassadrice itinérante de la cause sahraouie, est des plus détonants. Elle fait mal au régime marocain. Plus que la critique des armes, l’arme de la critique dans toute sa superbe. M’hamed Khedad est tout fier de sa protégée. Comme tous ceux qui, connus ou illustres inconnus, viennent saluer ici, à Arrecife, capitale de l’île de Lanzarote, devenue en l’espace de quelque jours La Mecque des hommes et femmes libres, le combat de la Gandhi sahraouie, le coordinateur sahraoui auprès de la Minurso ne tarit pas d’éloges sur Aminatou. « Elle réussit, dit le négociateur du Polisario à Manhasset, là où les armes ont échoué. Haïdar, un infinitésimal grain de sable qui a enrayé toute la machine de propagande marocaine. C’est notre plus grande victoire. Plus belle que toutes celles qu’on aurait pu avoir sur le champ de bataille ». « Elle est habitée, profondément, par la cause, les idéaux de justice, de liberté qu’elle défend depuis sa frêle jeunesse. » Ali Salem, doyen des journaliste sahraouis, ancien de la radio et télévision algérienne, boit, sans modération, ses paroles. Une parole d’Evangile. Depuis 2006, année où la présidente du Collectif des défenseurs sahraouis des droits de l’homme (Codesa) quitte les territoires occupés, Aminatou Haïdar sillonne les capitales mondiales, enchaîne conférences, meetings et forums, en Suède, en France, en Italie, En Espagne, aux Etats-Unis. La American Friends Service Committee a proposé, l’année passée, sa nomination au prix Nobel de la paix. Elle décroche de prestigieuses distinctions et prix de renoms internationaux. Une douzaine au total. Le prix de la fondation Robert Kennedy, fondation connue pour son soutien au peuple sahraoui (2008), le prix de la US-Western Sahara foundation, le prix Silver Rose 2007 de « Solidar », une alliance internationale indépendante de 42 ONG de 20 pays européens, le prix Juan Maria Bandres pour la défense du droit d’asile, le Freedom Award 2006, décerné par l’association américaine Defense Forum Foundation, etc.
En novembre dernier, quelques semaines avant sa « déportation » vers les îles Canaries, elle recevait à New York le prix du Courage Civil décerné par la Fondation John Train. Le 13 novembre, alors qu’elle s’apprêtait à rentrer chez elle, son courage est de nouveau mis à l’épreuve. Sa destination, Laâyoune, sa ville natale au Sahara occidental, une zone sous administration espagnole jusqu’en 1975, occupée par la suite par le Maroc. L’ONU l’a classée comme territoire « non autonome » et a déployé des casques bleus sur place en 1991 dans l’attente d’un référendum sur son futur statut qui tarde à venir. Un « tank » nommé Aminatou C’est là qu’elle réside, avec sa mère et ses deux enfants. Le journaliste Pedro Barbillo était avec elle, vendredi 13 novembre, dans l’avion qui la transportait des îles Canaries vers l’aéroport Hassan II à Laâyoune. « Elle était zen. C’était une image incroyable. Elle disait qu’elle allait être arrêtée dès son arrivée à Laâyoune, que le Maroc ne lui pardonnera jamais ses témoignages sur les violations des droits de l’homme mais elle y est allée quand même. Nous l’avons accompagné moi et Pedro Guillen (aussi journaliste espagnol, ndlr). « C’est dans les conditions extrêmes qu’il faudrait se montrer libre », nous disait-elle, avant qu’elle ne soit arrêtée et reconduite aux îles Canaries. Lors de son passage au poste de police des frontières, Aminatou présente son passeport et sa fiche de débarquement. Dans la case réservée à « l’adresse au Maroc », elle écrit « Sahara occidental ». Un crime de lèse-majesté. Elle sera arrêtée, interrogée toute la nuit par les services de police, les renseignements, le wali de la Sûreté nationale, le patron de la police judiciaire et le procureur du roi qui lui signifie qu’elle allait être renvoyée en Espagne où « elle devrait passer désormais le restant de sa vie ». Au petit matin, elle est embarquée de force dans l’avion, direction Lanzarote. Les autorités espagnoles, promptes à satisfaire les caprices marocains, ne se sont pas encombrées de scrupules à violer leurs propres lois. Elles accepteront, sans rechigner, d’admettre dans leur territoire une ressortissante étrangère voyageant, contre sa volonté, et sans passeport. Les deux journalistes, témoins gênants de la sordide collusion entre l’Espagne et le Maroc dans la gestion de cette affaire, seront refoulés et les enregistrements de leur caméra confisqués. Arrivée à Lanzarote, île la plus orientale de l’archipel des Canaries, Aminatou est débarquée manu militari par les policiers de la Guardia Civil. « Ils m’ont dit que je pourrais prendre un autre vol pour rentrer (…)mais quand je suis entrée dans l’aéroport de Lanzarote et que je suis allée prendre un billet, là , la police espagnole m’a dit non, tu n’as pas de passeport, tu ne peux pas sortir du pays. » Dans l’après-midi même, elle entame une grève de la faim. Une grève qui se poursuit toujours. Elle entame aujourd’hui sa 5e semaine de grève. C’est sa deuxième grève de la faim après celle de 2005, observée dans la sinistre « prison noire », El Kahla de Laâyoune, dans laquelle, elle a été jetée pendant 7 mois. Une grève de 42 jours, observée avec d’autres militants sahraouis, arrêtés suite à l’Intifadha de Laâyoune. Lors des manifestations auxquelles elle avait activement pris part, elle sera grièvement blessée à la tête, passée à tabac par les forces armées royales. L’image de Aminatou, la tête ensanglantée, avait fait à l’époque, le tour du monde.
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