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Le cleantech business et la Silicon Valley

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  • Le cleantech business et la Silicon Valley

    Quand vous mettrez le contact, vous entendrez "ding dong", prévient Rachel Konrad, porte-parole de Tesla Motors, en vous laissant seul avec la bête sur ce parking de Menlo Park, en pleine Silicon Valley. Mais la véritable surprise est ailleurs: dans un bruit d'essoreuse haut de gamme, l'accélération vous écrase au fond du siège baquet. Les voitures de El Camino Real, l'avenue parallèle, semblent soudain rouler en marche arrière. Aucun doute: la Tesla, dans sa version roadster sport à 150 000 dollars, peut atteindre les 100 kilomètres à l'heure en 3,7 secondes et damer le pion à une Porsche 911. On s'en extirpe après quelques tours, un sourire niais aux lèvres, heureux d'avoir touché le nirvana automobile... et, accessoirement, sauvé le monde.

    Car ce bolide se passe d'essence. Sa batterie brevetée lui procure une autonomie de 350 kilomètres. L'apparition de son profil de fonceur impénitent et écolo au côté des banales Ferrari à Los Angeles ou à Palo Alto, coeur de la Silicon Valley, en dit long sur la nouvelle fortune du temple du high-tech. Et sur la révolution en marche. Une révolution verte, vert dollars, nommée cleantech (technologies propres).

    150 milliards de dollars d'aide nationale à la création d'emplois

    Au sud de San Francisco, la légendaire Silicon Valley semble pourtant immuable. Intel tient son rang, Oracle domine toujours son fief de Redwood Shores, Apple fomente son nouveau coup planétaire et la prestigieuse Stanford University irrigue plus que jamais en cerveaux le creuset de l'ingénierie mondiale. Hormis les panneaux solaires sur les immenses toits de Google, à Mountain View, seuls quelques signes discrets révèlent le bouleversement en cours. Près de Sand Hill Road, la Mecque du capital-risque, le gratin de la finance des start-up, l'élite de Kleiner Perkins, Canfield & Byers ou de Khosla Ventures, attablé comme chaque midi dans le restaurant Left Bank sur Santa Cruz Avenue, discute moins micro-processeurs que EV (electric vehicle), kilowatts solaires, biomasse ou efficience énergétique. Les nouveaux pactoles.

    "Pour la première fois, l'investissement du capital-risque dans les technologies vertes a dépassé celui dans les logiciels et les biotechnologies, souligne Steve Westly, patron du Westly Group, locataire de Sand Hill Road et principal bailleur de 82 millions de dollars à Tesla Motors. N'oubliez pas qu'avant de lancer la révolution informatique la Californie avait exigé des pots catalytiques sur toutes les voitures."

    Ici comme ailleurs, les as du venture capital ont pourtant tardé à se risquer dans l'industrie propre, jusqu'à ce que le gouvernement Obama déverse près de 150 milliards de dollars d'aide à la création d'emplois verts. La manne du programme de relance national, résolument écologique, a confirmé l'avènement d'une nouvelle ère, mais des milliers de micromesures locales avaient préparé le terrain. Comme en Californie, où, en marge des énormes travaux de modernisation du réseau électrique vétuste, responsable de pannes massives, le "Governator Schwartzenegger" en personne promeut un plan solaire à 2 milliards, assorti de cadeaux fiscaux inédits. 7500 dollars de rabais sur les voitures électriques; dégrèvement d'impôt princier sur les travaux d'isolation thermique et surtout sur l'installation de panneaux photovoltaïques.

    "Les technologies propres, ce n'est pas le glamour futuriste"

    Assez pour vendre aux masses, toujours rebutées par leur coût et leur complexité, ces modules à 20 000 dollars? SunPower, Suntech, First Solar, les colosses du secteur, n'auront bientôt d'autre choix, pour écouler leurs merveilles, que de recourir aux services d'une nouvelle race d'entrepreneurs: des spécialistes du leasing comme SunRun, une jeune pousse de 23 employés, installée à San Francisco, dirigée par une patronne de 32 ans, Lynn Jurich, sortie en 2007 de la business school de Stanford. Ou encore SolarCity, lancé voici deux ans par Lyndon Rive, immigrant sud-africain qui a créé sa première entreprise à 17 ans, dans les cosmétiques: "En 2005, j'ai visité un Salon des technologies propres au Texas, raconte-t-il. Il y avait toutes les inventions possibles, mais absolument rien pour les rendre accessibles au commun des mortels." Son enseigne, spécialisée dans l'installation et la location-vente de panneaux solaires, est bâtie sur un principe simple: les cleantech sans casse-tête. "Pour devenir verts, nos clients n'ont aucune concession à faire sur leur mode de vie. Ils doivent juste nous passer un coup de fil."

    On est loin du puritanisme des pionniers de l'environnement. Le concept nourrit aussi des start-up héroïques comme Armageddon Energy. Une entreprise toujours sise dans le garage d'un pavillon de San Francisco, où les deux fondateurs, Mark Goldman, brillant ancien de Stanford, et Dmitry Dimov, jeune ingénieur élevé à Saint-Pétersbourg, s'affairent à déballer leur prototype: un élégant kit de panneaux solaires qui peut être monté en quelques minutes par simple emboîtage et installé par un électricien ou un couvreur sur n'importe quel toit. L'engin fournit juste assez d'electricité pour maintenir la consommation de son détenteur dans la tranche bas tarif de l'EDF local. Sa facture mensuelle peut s'en trouver diminuée de moitié. "Les technologies propres, ce n'est pas le glamour futuriste, confie Mark Goldman. Ce sont des petits plus qui changent la vie."

    Rendre "propres" des énergies établies

    Mais qui peuvent coûter fort cher. Démonstration à Palo Alto, dans les locaux de Better Place, fondé en 2005 par Shai Agassi, ancien de SAP. "A la base du projet, il y a une simple question: comment convaincre le consommateur d'abandonner le moteur à essence? raconte Sidney Goodman, pionnier de l'entreprise. Réponse: en calmant sa crainte de se retrouver en rase campagne avec une batterie à plat!" Better Place lance cette année, en Israël et au Danemark, avec Renault Nissan, un réseau expérimental de stations-service où, en cinq minutes, un conducteur abonné peut changer de batterie. L'idée, qui requiert des prouesses de logistique informatique, a déjà fait de cette PME une célébrité mondiale. Il lui reste à devenir un fleuron américain. Le milliard de dollars nécessaire à la création d'une infrastructure comparable en Californie refroidit pour l'instant les constructeurs locaux. Tesla, qui devrait livrer en 2011 sa berline familiale, le fameux modèle S construit près de Los Angeles, hésite à s'engager dans l'aventure.

    "Dans Internet, l'investissement de départ se résumait à deux ordinateurs accompagnés d'une grosse pizza, ironise Marc Porat, un ancien d'Apple devenu une figure des cleantech. Aujourd'hui, la révolution consiste à rendre "propres" des industries établies: l'automobile, l'énergie... Autant d'investissements pharaoniques." Porat en sait quelque chose: il s'attaque, lui, au bâtiment. Après Serious Materials (des matériaux isolants de nouvelle génération), et Zeta, spécialisé dans les maisons préfabriquées "à faible empreinte carbone", le businessman a lancé CalStar, une fabrique de briques, en pleine Silicon Valley.

    Dans l'atelier de Newark, une presse livre dans un vacarme cataclysmique une nouvelle fournée de blocs verdâtres. Sous l'oeil attendri du staff -maçons et physiciens diplômés de Stanford, tous vêtus de bleus poussiéreux- Michael Kane, di-recteur de CalStar, présente d'une main une brique classique, cuite à 1000°C pendant vingt-quatre heures, et de l'autre sa remplaçante faite maison, à base d'un résidu du charbon, cristallisé pendant quelques heures dans une étuve à moins de 100°C. "Huit à dix fois moins de chaleur, annonce-t-il fièrement. C'est une révolution, quand on sait que 12% de la consommation d'énergie américaine est due à la fabrication des matériaux de construction!" CalStar, doté de quelque 50 millions de dollars de capital, ouvre bientôt sa première usine dans le Wisconsin. Il lui en faut quatre autres. Voilà pourquoi Marc Porat passe son temps à Washington, tout à son lobbying pour la cause du bâtiment propre. "Au rythme où va le réchauffement planétaire, nous n'avons pas de temps à perdre." Le cleantech business et la Silicon Valley non plus.

    Par l'Express
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