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L'inévitable décolonisation horizontale

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  • L'inévitable décolonisation horizontale

    L'inévitable décolonisation horizontale
    par Kamel Daoud

    Depuis le «Match» du 18 novembre dernier entre l'Algérie et Le Caire capitale de l'arabité alimentaire, et depuis la vague d'insultes des médias égyptiens, beaucoup d'Algériens (sur la voix de la guérison) se sentent singulièrement légers et presque convalescents : nous avons compris, brusquement, pour beaucoup, que nous n'étions pas «Arabes».

    Pas «Arabes» au sens généalogique du terme et encore moins au sens culturel exclusif, malgré des décennies de conditionnement, de déni et de violence. Nous ne l'étions même pas au sens panarabique, ni au sens de l'histoire de chacun depuis longtemps déjà. Nous l'étions par la langue officielle, l'école, la désignation occidentale et coloniale (les arabes sur la rime de «travail d'arabe» ou sur le mode de l'Arabe de Camus). Nous l'étions parce que nous y croyons avec violence sur soi. Puis, brusquement, nous avons compris que... nous ne l'étions pas ! Que l'arabité n'est pas une nationalité : au mieux, c'est un héritage, au pire, elle peut être une maladie nombriliste comme en Egypte ou un prétexte politique pour une colonisation par les pairs. C'est une attitude face au monde et pas une nationalité fixe. Les médias égyptiens et leurs insultes nous y ont donc obligés : nous sommes «Autre». D'abord parce qu'être Arabe à leur ressemblance nous incommode violement aujourd'hui, ensuite, parce que nous avons ressenti le besoin d'être nous-mêmes puisque nous ne pouvions pas être quelqu'un d'autre que nous-mêmes. Ensuite, parce que c'était vrai : nous n'avons pas besoins d'être Arabes pour être musulmans, ni d'être musulmans pour être Algériens.

    Mais, bien des jours après avoir coupé cette corde de soumission, que l'on prenait affectueusement pour un cordon ombilical à cause du panarabisme et de la langue «sacrée», mais très morte, nous flottons, heureux mais désemparés. Tous autant que nous sommes. Avec, pour chacun, une forme et formule pour une unique question : si nous ne sommes pas Arabes, qui sommes-nous alors ? Pas Arabes, c'est sûr : se dire Arabe, aujourd'hui, ce n'est d'abord pas une nationalité, ensuite, ce n'est pas vrai, ensuite c'est presque mendier quelque chose à la porte de gens qui se croient plus Arabes les uns par rapport aux autres et qui ne veulent pas de nous, nous «casent» dans le «Maghreb», sorte de banlieue confessionnelle et de quartier périphérie du centre «Moyen-oriental».

    Et, c'est pourquoi, chaque fois que je rencontre, depuis des jours, un fanatique de cette arabité présumée, cela me rappelle le colonisé aliéné de Frantz Fanon, le portrait du «malade» en mal d'émancipation, l'indigène au rêve musculaire de fuite en avant. «L'indigène est un être parqué, l'apartheid n'est qu'une modalité de la compartimentation du monde colonial. La première chose que l'indigène apprend, c'est à rester à sa place, à ne pas dépasser les limites. C'est pourquoi les rêves de l'indigène sont des rêves musculaires, des rêves d'action, des rêves agressifs. Je rêve que je saute, que je nage, que je cours, que je grimpe. Je rêve que j'éclate de rire, que je franchis le fleuve d'une enjambée, que je suis poursuivi par des meutes de voitures qui ne me rattrapent jamais. Pendant la colonisation, le colonisé n'arrête pas de se libérer entre neuf heures du soir et six heures du matin.» a écrit ce visionnaire. Etrange portrait de notre victoire sportif sur le «centre idéologique égyptien». Etrange similitude entre le rêve «musculaire» de la nouvelle Algérie et la mollesse de ses élites rêvassant encore sur l'assimilation identitaire. A relire l'oeuvre de Fanon en remplaçant (avec abus certes) négritude par algérianitude. Sauf qu'il s'agit d'une colonisation horizontale cette fois-ci. Latérale. La verticale a été celle des Français et l'oblique celle des Ottomans. L'aliéné qui vit le drame de sa peau noire avec masque blanc. A reformuler : peaux algériennes, masques «arabes».

    Mais si je ne suis pas Arabe, qui suis-je alors ? Berbère ? Berbériste ? Autonomisme ? Culturaliste ? Non. Là aussi, je me sens comme une brebis capturée par un chant de sirène non comestible : je ne suis pas Arabe et je n'aime pas ceux qui se disent Amazighs à ma place et mieux que moi parce qu'ils parlent amazighs alors que moi, la colonisation horizontale m'a transformé en arabophone. Si je n'ai pas aimé être un Arabe de seconde classe, je n'aime pas aussi me sentir un Amazigh de seconde classe. Encore une fois, à cause de la langue, d'une langue mal partagée. La colonisation horizontale arabe a produit des colonisés de l'arabité, revendiquée par l'assimilé comme une constante nationale, mais a produit aussi un autre mal dérivé : des maquis de l'identité, poussés vers la montagne et le radicalisme, promptes à l'exclusion et fascinés par des retours impossibles vers des origines privatisées, folklorisées.

    Pourquoi est-ce toujours au passé (numide ou «arabe») de définir mon Présent ? Pourquoi je ne peux pas me dire «Algérien» alors que j'habite l'Algérie et que je parle algérien ? Pourquoi lorsqu'on parle de l'amazighité des Algériens on tourne le regard automatiquement vers la Kabylie et pas vers le sud ou l'ouest ou le reste du pays et des Algériens ? Pourquoi je devrais avoir honte de ne pas être Kabyle et me sentir mal quand je me dis ne pas être Arabe ? Parce que la réponse était sous mes yeux et je ne l'ai pas compris : je suis Algérien et ma langue officielle est l'algérien. C'est la langue de la majorité qui n'exclut personne, contrairement aux autres langues concurrentes. Et mon algériannité est comme une parcelle de terre nouvelle : dedans, il n'y a encore ni palmiers, ni oliviers, ni contes, ni traces, ni cimetières d'ancêtres, ni signes exhumés. Mais c'est à moi. Ce n'est pas encore une langue et ses mots sont rares, difformes, venus de partout et pas encore sculptés, mais c'est moi et c'est à moi et dans ma bouche et mon corps, dans la langue de ma mère et de mes enfants. Je n'en ai pas honte et j'en suis fière. Un jour, elle s'écrira. Deux histoires pour conclure : un coopérant européen me raconta sa rencontre avec le recteur d'une université de l'ouest à qui il demanda où il pouvait apprendre l'algérien «comme on le fait en Tunisie ou au Maroc» ? Le recteur lui répondit offusqué : «mais l'algérien n'est pas une langue !!!». Ne remarquant pas que c'est une nationalité dont il a honte tout en s'en revendiquant dans son hyper-nationalisme alambiqué, adepte du «Vive l'Algérie et à bas l'Algérien» !

    La seconde histoire ? Elle est heureusement plus belle et plus triste. C'est le fils de l'auteur de ces lignes qui posa la question à son père il y a deux semaines : «comment s'appelle la langue que nous parlons ?» «Quelle langue ?» j'ai intérrogé curieux. «Celle de l'école ?». «Non, m'expliqua l'enfant, notre langue de tout les jours, toi et moi, pas celle des livres et de l'école. La langue qu'on parle ?». C'est l'algérien, ta langue, j'ai répondu. Etrange crime contre soi : on désigne comme langue officielle une langue morte que nous parlons avec effort, et nous appelons une langue vulgaire, la langue de nos mères et de nos femmes, celle qu'elles utilisent pour nous consoler et que nous utilisons pour aimer, haïr, raconter, se rencontrer et qui nous rappelle nos racines et pas les turbans des autres. La décolonisation horizontale ? Elle est en marche. Elle se fera dans la douleur et la violence. Ceux qui se croient «Arabes» là où les autres pays arabes parlent leur langue, traduisent les livres dans leurs vulgates, «doublent» les dessins animés de leurs enfants dans la langue de leur pays, ces «Arabes» assimilés finiront par se réveiller : l'arabe n'est ni la nationalité de l'Islam ni une nationalité. C'est ce qu'on nous a mis dans la bouche après l'Indépendance, après des siècles de colonisation qui nous ont presque tout volé, tout détruit et qui nous ont laissés désemparés, cherchant qui mimer. Etrange trébuchement de l'identité : en voulant savoir qui nous sommes, nous sommes remontés à plus loin que la colonisation française pour retomber dans les travers d'une colonisation plus ancienne et que nous avons confondu avec notre portrait que nous renvoie notre terre.

    Par Le Quotidien d'Oran
    "Je suis un homme et rien de ce qui est humain, je crois, ne m'est étranger", Terence

  • #2
    Une mêlée de sentiments, de désirs passionnels.

    Très intéressent, il exprime le grand vide culturel et la frustration identitaire dans lesquels nous sommes plongés.

    Ce sentiment est un cri presque désemparé de l'algérien qui a besoin d'un réconfort identitaire; besoin presque vital pour tout être humain.

    ça peut constituer un moment historique charnière dans la construction d'une véritable nation algérienne comme ça peut être un nouveau cauchemar si les institutions, les politiques, les intellectuels et les artistes restent muets et font la sourde oreille fasse à ce désir immanent de se construire et de construire un avenir non ambigüe pour cette Algérie.

    Dans le cas où nous sommes, il est très important de ne pas se tromper d'adversaire. Le fait de désigner le Kabyle ou le chaoui ou le targui, ou le chenoui ou le m'zab du doigt (même s'il s'agit d'une qualité) pour illustrer telle ou telle chose peut créer des confusions graves dans l'esprit des algériens. Les Kabyles et les chaouis composent cette Algérie avec leurs qualités et défauts. On pourra commencer à faire des illustrations en parlant d'un Kabyle mais pas avant de se mettre d'accord que nous sommes tous algériens avec toutes nos différences et qu'on s'accepte et se respecte.

    La seule manière d'aller de l'avant, c'est de s'accepter tous au tant que nous sommes et reconnaitre les réalités historique et socio-culturelles de l'Algérie.

    Il faut un grand travail culturel, intelletuel et historique (dans les bureaux, les labos, les amphis mais surtout aussi sur le terrain). Il nous faut des débats, des tables rondes, des conférences dans la TV , les radios, les écoles, les amphis, les communes,...etc. Il nous faut la démocratie
    Rebbi yerrahmek ya djamel.
    "Tu es, donc je suis"
    Satish Kumar; "Tout est lié, c'est le don qui est le lien naturel entre tout".

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    • #3
      "nous, les algeriens"

      tout simplement, "nous, les algeriens", et non pas "nous les arabes, nous les kabyles, nous les chaouis".
      l'expression , "nous les arabes", prete trop a la confusion et a la manipulation et desunie le peuple.

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      • #4
        "Nous les algériens" quand on n'aura plus à s'excuser de parler kabyle (ou une autre langue amazighe).
        D'ailleurs il devrait être inscrit "Tamurt n Dzayer" en libyco-amazighe sur le passeport algérien, et la traduction française devrait être retirée.

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        • #5
          on dirait que cett crise algero-egyp a ete une aubaine pour les separatiste berberise
          l'arabite de l'algerie n'est pas la proprite des egyptiens, le monde arabe n'a jamais rejete l'algerie , au contraire , c'est l'egypte qui est sortie de ce monde de la ptite porte

          Commentaire


          • #6
            "Nous les algériens" quand on n'aura plus à s'excuser de parler kabyle (ou une autre langue amazighe).
            D'ailleurs il devrait être inscrit "Tamurt n Dzayer" en libyco-amazighe sur le passeport algérien, et la traduction française devrait être retirée.
            +1 ...
            vu comment se présentent les choses un Algérien, officiellement c'est un arabe ou un pseudo-arabe ou un arabophone ou je sais pas quoi même pour eux c'est pas clair brèf ... l'Algérianité du point d'un vu officiel, constitutionnel, juridique dans ces aspects de tout les jours est clairement tronquée de sa dimension berbère ... ça seul ceux qui ne veulent pas voire ne l'ont pas vu ... et il n'y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voire ...
            que ceux qui se disent algérien et fière de l'être et berbère en même temps prennent aussi cela en considération ... si bien sure ça les travaille encore quelque part.
            mais moi personnellement dire que je suis algérien me donne l'impression de me travestir et ça j'aime pas ... alors pour moi ça sera "nous les kabyles".

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            • #7
              Dire que je suis Kabyle suffit amplement pour être algérien.

              Il est claire que c'est difficile de se dire algérien tant qu'il n'y a pas véritablement reconnaissance de la constituante amazigh.

              Il est claire qu'il est impossible pour le parlé Kabyle ou le parlé le chaoui ou tout autre parlé amazigh de se diluer dans un parlé qu'on nommerait "le parlé algérien".

              Si "parlé algérien" il y a, alors ça sera un dialecte parmi tous les autres parlé par un ensemble d'algériens.

              Seul une reconnaissance des différences et des réalités culturelles, linguistiques, historiques et sociales feront avancer les choses. ce n'est pas en faisant abstraction de ces réalités qu'on comblera nos besoins identitaires.
              Rebbi yerrahmek ya djamel.
              "Tu es, donc je suis"
              Satish Kumar; "Tout est lié, c'est le don qui est le lien naturel entre tout".

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              • #8
                d'Algériens (sur la voix de la guérison) se sentent singulièrement légers et presque convalescents : nous avons compris, brusquement, pour beaucoup, que nous n'étions pas «Arabes».
                c'est à dire que ceux qui se sentent arabes sont malades!
                magnifique! et ça prétend combattre la dictature et l'intolérence ou le rejet on voit très bien toute la tolérance qui rayonne de cet article scolaire, pour pas dire ridicule, et habituelle depuis le conflit algéro-égyptien par médias et voyous interposés

                la dictature du sentiment, maintenant il faut se sentir "pas arabe", sinon on est malade , maalich, pas quoi en faire un fromage, classique, nationalisme primaire et régionalisme primaire ne peuvent que nous pendre ce genre d'énormité, en Algérie les dictatures se suivent et se remplacent, chacun se conforte dans la sienne

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                • #9
                  je suis Algérien et ma langue officielle est l'algérien. C'est la langue de la majorité qui n'exclut personne, contrairement aux autres langues concurrentes.
                  sans s'en rendre compte ... ce type reproduit exactement les même réflexe que ceux qu'il critique ... avec des comme lui les berbères aura demain le même problème d'hégémonie avec dardja qu'aujourd'hui avec la fousha des panarabiste.
                  "langue de la majorité" qallek !!! déjà tout est dit ... la minorité n'a pas droit de citer il n'auront qu'a s'assimiler ou s'éclipser n'est ce pas? ... je suis algérien et ma langue n'est pas l'Algérien dont parle ce type ... c'est le kabyle ma langue.
                  Dernière modification par Gironimoo, 17 décembre 2009, 12h39.

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                  • #10
                    Kamel Daoud, un autre traumatisé par l'hystérie égyptienne ?
                    Ce n'est pas fort, fort pour un intellectuel d'être vulnérable à ce point aux jappements.

                    Je n'ai pas attendu les croassements égyptiens pour être d'abord Algérien. La darija, je suis fier de la parler comme je serais encore plus fier de parler la fous'ha.

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                    • #11
                      Et, c'est pourquoi, chaque fois que je rencontre, depuis des jours, un fanatique de cette arabité présumée, cela me rappelle le colonisé aliéné de Frantz Fanon, le portrait du «malade» en mal d'émancipation, l'indigène au rêve musculaire de fuite en avant.
                      C’est fou ce que l’instrumentalisation et la récupération d’un match peut provoquer comme frustration et haine de soi, il oublie que le complexe du « colonisé aliéné de Frantz Fanon » peut aussi s’appliquer sur lui, ne serait-ce que par la langue qu’il utilise pour insulter les autres algériens.
                      Mon Algerianité, je la vis tous les jours et sans complexe identitaire n’en déplaise à Kamel Daoud qui veut réinventer le fil à couper le beurre…

                      A relire l'oeuvre de Fanon en remplaçant (avec abus certes) négritude par algérianitude. Sauf qu'il s'agit d'une colonisation horizontale cette fois-ci. Latérale. La verticale a été celle des Français et l'oblique celle des Ottomans. L'aliéné qui vit le drame de sa peau noire avec masque blanc. A reformuler : peaux algériennes, masques «arabes».
                      Il va finir par trouver du pétrole avec ses théories !
                      Il oublie que la « verticale » est toujours d’actualité, elle est aux commandes à Alger, 50 ans de gestion francophone pour un résultat catastrophique, mais cela ne le dérange point.
                      Il a une fixation maladive sur tout ce qui se rapporte à l’arabe.

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                      • #12
                        L'inévitable décolonisation horizontale
                        Un colonisé du bulbe rachidien qui ose parler de décolonisation , si tu n'as pas honte fais ce que tu veux et à l'evidence le chroniqueur du Quotidien , n'a honte de rien!!!
                        Le Caire capitale de l'arabité alimentaire, et depuis la vague d'insultes des médias égyptiens, beaucoup d'Algériens (sur la voix de la guérison) se sentent singulièrement légers et presque convalescents : nous avons compris, brusquement, pour beaucoup, que nous n'étions pas «Arabes».
                        Il n' y a que Daoud et les arabophobes de son espèce qui croient que les Algériens ont besoin d'un certificat d'arabité égyptien ou meme saoudien pour faire partie de la sphère culturelle arabe ; Daoud se met le doigt dans l'oeil jusqu'au coude s'il croit qu'avec ses éructations , il va amener les Algériens à adopter le français comme langue nationale !
                        Kamel Daoud, un autre traumatisé par l'hystérie égyptienne ?
                        L'épisode égyptien n'est qu'un pretexe , ce mec bosse pour le retour du français en Algérie , il faut lire ses chroniques et ecouter les interviews qu'il donne aux médias français pour se rendre compte pour qui il roule !!!
                        Dernière modification par DZone, 17 décembre 2009, 18h36.

                        Commentaire


                        • #13
                          Je recuse la negation de l'existence de l'Algerianité , de la personnalité algerienne au motif que la langue la plus usitée est la darija .

                          La darija est un melange rattaché aux parlers arabes avec en creux, en substrat pour bien des mots et expressions , le berbère.

                          Commentaire


                          • #14
                            L'inévitable décolonisation horizontale.

                            L'inévitable décolonisation horizontale

                            par Kamel Daoud
                            Depuis le «Match» du 18 novembre dernier entre l'Algérie et Le Caire capitale de l'arabité alimentaire, et depuis la vague d'insultes des médias égyptiens, beaucoup d'Algériens (sur la voix de la guérison) se sentent singulièrement légers

                            et presque convalescents : nous avons compris, brusquement, pour beaucoup, que nous n'étions pas «Arabes».

                            Pas «Arabes» au sens généalogique du terme et encore moins au sens culturel exclusif, malgré des décennies de conditionnement, de déni et de violence. Nous ne l'étions même pas au sens panarabique, ni au sens de l'histoire de chacun depuis longtemps déjà. Nous l'étions par la langue officielle, l'école, la désignation occidentale et coloniale (les arabes sur la rime de «travail d'arabe» ou sur le mode de l'Arabe de Camus). Nous l'étions parce que nous y croyons avec violence sur soi. Puis, brusquement, nous avons compris que... nous ne l'étions pas ! Que l'arabité n'est pas une nationalité : au mieux, c'est un héritage, au pire, elle peut être une maladie nombriliste comme en Egypte ou un prétexte politique pour une colonisation par les pairs. C'est une attitude face au monde et pas une nationalité fixe. Les médias égyptiens et leurs insultes nous y ont donc obligés : nous sommes «Autre». D'abord parce qu'être Arabe à leur ressemblance nous incommode violement aujourd'hui, ensuite, parce que nous avons ressenti le besoin d'être nous-mêmes puisque nous ne pouvions pas être quelqu'un d'autre que nous-mêmes. Ensuite, parce que c'était vrai : nous n'avons pas besoins d'être Arabes pour être musulmans, ni d'être musulmans pour être Algériens.

                            Mais ,bien des jours après avoir coupé cette corde de soumission, que l'on prenait affectueusement pour un cordon ombilical à cause du panarabisme et de la langue «sacrée», mais très morte, nous flottons, heureux mais désemparés. Tous autant que nous sommes. Avec, pour chacun, une forme et formule pour une unique question : si nous ne sommes pas Arabes, qui sommes-nous alors ? Pas Arabes, c'est sûr : se dire Arabe, aujourd'hui, ce n'est d'abord pas une nationalité, ensuite, ce n'est pas vrai, ensuite c'est presque mendier quelque chose à la porte de gens qui se croient plus Arabes les uns par rapport aux autres et qui ne veulent pas de nous, nous «casent» dans le «Maghreb», sorte de banlieue confessionnelle et de quartier périphérie du centre «Moyen-oriental».

                            Et, c'est pourquoi, chaque fois que je rencontre, depuis des jours, un fanatique de cette arabité présumée, cela me rappelle le colonisé aliéné de Frantz Fanon, le portrait du «malade» en mal d'émancipation, l'indigène au rêve musculaire de fuite en avant. «L'indigène est un être parqué, l'apartheid n'est qu'une modalité de la compartimentation du monde colonial. La première chose que l'indigène apprend, c'est à rester à sa place, à ne pas dépasser les limites. C'est pourquoi les rêves de l'indigène sont des rêves musculaires, des rêves d'action, des rêves agressifs. Je rêve que je saute, que je nage, que je cours, que je grimpe. Je rêve que j'éclate de rire, que je franchis le fleuve d'une enjambée, que je suis poursuivi par des meutes de voitures qui ne me rattrapent jamais. Pendant la colonisation, le colonisé n'arrête pas de se libérer entre neuf heures du soir et six heures du matin.» a écrit ce visionnaire. Etrange portrait de notre victoire sportif sur le «centre idéologique égyptien». Etrange similitude entre le rêve «musculaire» de la nouvelle Algérie et la mollesse de ses élites rêvassant encore sur l'assimilation identitaire. A relire l'oeuvre de Fanon en remplaçant (avec abus certes) négritude par algérianitude. Sauf qu'il s'agit d'une colonisation horizontale cette fois-ci. Latérale. La verticale a été celle des Français et l'oblique celle des Ottomans. L'aliéné qui vit le drame de sa peau noire avec masque blanc. A reformuler : peaux algériennes, masques «arabes».

                            Mais si je ne suis pas Arabe, qui suis-je alors ? Berbère ? Berbériste ? Autonomisme ? Culturaliste ? Non. Là aussi, je me sens comme une brebis capturée par un chant de sirène non comestible : je ne suis pas Arabe et je n'aime pas ceux qui se disent Amazighs à ma place et mieux que moi parce qu'ils parlent amazighs alors que moi, la colonisation horizontale m'a transformé en arabophone. Si je n'ai pas aimé être un Arabe de seconde classe, je n'aime pas aussi me sentir un Amazigh de seconde classe. Encore une fois, à cause de la langue, d'une langue mal partagée. La colonisation horizontale arabe a produit des colonisés de l'arabité, revendiquée par l'assimilé comme une constante nationale, mais a produit aussi un autre mal dérivé : des maquis de l'identité, poussés vers la montagne et le radicalisme, promptes à l'exclusion et fascinés par des retours impossibles vers des origines privatisées, folklorisées.

                            Pourquoi est-ce toujours au passé (numide ou «arabe») de définir mon Présent ? Pourquoi je ne peux pas me dire «Algérien» alors que j'habite l'Algérie et que je parle algérien ? Pourquoi lorsqu'on parle de l'amazighité des Algériens on tourne le regard automatiquement vers la Kabylie et pas vers le sud ou l'ouest ou le reste du pays et des Algériens ? Pourquoi je devrais avoir honte de ne pas être Kabyle et me sentir mal quand je me dis ne pas être Arabe ? Parce que la réponse était sous mes yeux et je ne l'ai pas compris : je suis Algérien et ma langue officielle est l'algérien. C'est la langue de la majorité qui n'exclut personne, contrairement aux autres langues concurrentes. Et mon algériannité est comme une parcelle de terre nouvelle : dedans, il n'y a encore ni palmiers, ni oliviers, ni contes, ni traces, ni cimetières d'ancêtres, ni signes exhumés. Mais c'est à moi. Ce n'est pas encore une langue et ses mots sont rares, difformes, venus de partout et pas encore sculptés, mais c'est moi et c'est à moi et dans ma bouche et mon corps, dans la langue de ma mère et de mes enfants. Je n'en ai pas honte et j'en suis fière. Un jour, elle s'écrira. Deux histoires pour conclure : un coopérant européen me raconta sa rencontre avec le recteur d'une université de l'ouest à qui il demanda où il pouvait apprendre l'algérien «comme on le fait en Tunisie ou au Maroc» ? Le recteur lui répondit offusqué : «mais l'algérien n'est pas une langue !!!». Ne remarquant pas que c'est une nationalité dont il a honte tout en s'en revendiquant dans son hyper-nationalisme alambiqué, adepte du «Vive l'Algérie et à bas l'Algérien» !

                            La seconde histoire ? Elle est heureusement plus belle et plus triste. C'est le fils de l'auteur de ces lignes qui posa la question à son père il y a deux semaines : «comment s'appelle la langue que nous parlons ?» «Quelle langue ?» j'ai intérrogé curieux. «Celle de l'école ?». «Non, m'expliqua l'enfant, notre langue de tout les jours, toi et moi, pas celle des livres et de l'école. La langue qu'on parle ?». C'est l'algérien, ta langue, j'ai répondu. Etrange crime contre soi : on désigne comme langue officielle une langue morte que nous parlons avec effort, et nous appelons une langue vulgaire, la langue de nos mères et de nos femmes, celle qu'elles utilisent pour nous consoler et que nous utilisons pour aimer, haïr, raconter, se rencontrer et qui nous rappelle nos racines et pas les turbans des autres. La décolonisation horizontale ? Elle est en marche. Elle se fera dans la douleur et la violence. Ceux qui se croient «Arabes» là où les autres pays arabes parlent leur langue, traduisent les livres dans leurs vulgates, «doublent» les dessins animés de leurs enfants dans la langue de leur pays, ces «Arabes» assimilés finiront par se réveiller : l'arabe n'est ni la nationalité de l'Islam ni une nationalité. C'est ce qu'on nous a mis dans la bouche après l'Indépendance, après des siècles de colonisation qui nous ont presque tout volé, tout détruit et qui nous ont laissés désemparés, cherchant qui mimer. Etrange trébuchement de l'identité : en voulant savoir qui nous sommes, nous sommes remontés à plus loin que la colonisation française pour retomber dans les travers d'une colonisation plus ancienne et que nous avons confondu avec notre portrait que nous renvoie notre terre.

                            Le Quotidien d'Oran


                            " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "

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                            • #15
                              Cet article me plait bien et je partage sa définition minimaliste de l'algerianité partagée par tous les algeriens, kabyles ou pas, arabophone ou francophone et méme amazighophone. Cette algerianité qui nous colle á la peau qu'on soit á paris ou á Tomboctou est tellement réelle qu'on a besoin d'aucun stimulant pour la faire éxprimer de la manière la plus algérienne possible.

                              Parcontre je n'aime pas cette insinuation voilée comme quoi les kabyles reprochent aux autres de ne pas l'etre, une accusation á la légère car les kabyles savent que le brassage des populations dans certaines régions d'algerie ont fait que l'amazighité s'est dilué dans un mélange culturel tellement riche que mème le kabyle s'y enfonce dés qu'il s'établit en dehors de la kabylie. Les kabyles sont les premiers á appeler á etre Algerien sans aucune exclusion ni intention d'imposer une colonisation, eux mème victimes de plusieurs colonisations.



                              il n'y a encore ni palmiers, ni oliviers, ni contes, ni traces, ni cimetières d'ancêtres, ni signes exhumés. Mais c'est à moi. Ce n'est pas encore une langue et ses mots sont rares, difformes, venus de partout et pas encore sculptés, mais c'est moi et c'est à moi et dans ma bouche et mon corps, dans la langue de ma mère et de mes enfants. Je n'en ai pas honte et j'en suis fière. Un jour, elle s'écrira.

                              Et là où il traite la langue algérienne de langue "vulgiare" ou de non structurée ou pauvre par rapport au francais ou á l'arabe, j'ai presque envie de lui dire de relire certaines qacidas du chiir el melhoun pour s'apercevoir de la richesse de cette langue. Certes l'algerien parlé actuellement est plus moderne, enrichis de nouveaux mots et de nouvelle conception mais reste perfectible justement par l'enseignement des classique de l'algerien que renferme le patrimoine culturel, oral ou écrit.

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