Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Le Qatar, tête de pont de Vinci au Moyen-Orient

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Le Qatar, tête de pont de Vinci au Moyen-Orient

    Le Golfe est un fabuleux gisement de contrats. Grâce à son savoir-faire et à son alliance avec le fonds d'investissement Qatari Diar, le groupe français de BTP remporte des marchés colossaux.

    A quelques kilomètres de Doha, la future ville de Lusail n'est encore qu'une vaste étendue de poussière blanche, entaillée de routes et de profondes tranchées. Dans un vacarme assourdissant, des centaines de grues, de bulldozers, de tractopelles et de camions toupies dessinent les contours des buildings, des parkings, du métro, et des îles artificielles qui feront de Lusail le joyau du Qatar. Pour l'instant, un seul bâtiment est achevé. Il abrite le siège du puissant fonds d'investissement Qatari Diar, grand ordonnateur de Lusail, et bientôt premier actionnaire de référence de Vinci. Le géant français du BTP s'apprête en effet à lui céder 6 % de son capital en échange de Cegelec, une entreprise rachetée il y a moins d'un an par le fonds et que Vinci convoite depuis. Ce deal scelle une alliance conclue sur le terrain il y a deux ans avec la création d'un joint-venture entre Qatari Diar et Vinci dans le secteur de la construction. Une première dans le pays. Qatari Diar-Vinci Construction réalisera cette année 200 millions d'euros de chiffre d'affaires et vise les 700 millions d'euros d'ici cinq ans, avec des projets pharaoniques, comme le pont qui reliera la péninsule du Qatar à l'île de Bahreïn (le plus long du monde), ou le futur port de Doha (avec des travaux de terrassement qui dépasseront ceux du canal de Panama).

    "Le Moyen-Orient est une nouvelle frontière, décrypte Arnaud Leroi, partnerà Bain & Company. On estime à plus de 500 milliards d'euros le montant des investissements dans le Golfe dans les cinq prochaines années, dont 75 % en dehors du secteur pétrolier." Grâce à son alliance avec Qatari Diar, Vinci s'est ouvert le carnet de commandes du fonds dans tout le Moyen-Orient et dispose d'informations sur ses 40 milliards d'euros de projets à travers le monde. Recettes de ce succès conquis sur le terrain en cinq étapes.

    Se fondre dans le paysage

    Présent au Moyen-Orient depuis le début des années 70, le groupe a fait ses premiers pas au Qatar dans les années 90. A l'époque, Doha n'est qu'un village avec une petite piste d'aéroport. Mais l'émirat vient de découvrir qu'il est à la tête de la troisième réserve de gaz naturel du monde. Vinci saisit l'occasion et décroche en 1995 un contrat pour la construction des premiers réservoirs de gaz liquéfié du pays. Sur place, ses expatriés apprendront le b.a.-ba du business local et l'art de tirer les bonnes ficelles. "Se fondre dans le paysage, voilà le secret de la réussite, explique Xavier Huillard, le directeur général de Vinci. Au début, nous pensions que le seul fait de savoir construire des ouvrages sophistiqués en France nous donnait une légitimité à l'étranger.

    C'était une erreur, et cela nous a conduits à faire quelques bêtises." Un exemple ? Le World Trade Center d'Abu Dhabi, un projet réalisé à perte, faute d'une connaissance suffisante du contexte local. Des fournisseurs aux plus hautes autorités de l'Etat en passant par les sous-traitants locaux, "la relation personnelle est essentielle pour faire des affaires", souligne Serge Moulène, directeur opérationnel de Vinci Grands Projets pour la région. Lors de ses séjours à Doha, son programme prévoit du temps libre. "Mes interlocuteurs m'appellent toujours à la dernière minute, explique-t-il. La disponibilité est leur première exigence et le meilleur moyen de faire avancer des négociations."
    Se forger une réputation de bon élève

    Face aux entreprises turques, libanaises ou syriennes qui construisent à la chaîne des tours bon marché, Vinci a déclaré forfait. Car, ici, le moins-disant l'emporte toujours... même si c'est un peu la roulette russe. Le chantier de l'hôtel Hilton a ainsi été arrêté, car le bâtiment commençait à s'incliner dangereusement. Prudent et à l'affût de belles marges, le groupe de BTP français préfère cibler les projets de grande envergure. Exemple phare : le pont reliant la péninsule du Qatar à l'île de Bahreïn, long de 40 kilomètres. Un contrat de plus de 3,3 milliards d'euros. "C'est le plus grand projet du monde, s'enthousiasme Ahmed al-Hammadi, président de la fondation pour le pont Qatar-Bahreïn, à l'origine du projet.

    Al-Manamah, à Bahreïn, ne sera plus qu'à une heure et demie de route de Doha, contre cinq aujourd'hui." Vêtu d'une dishdasha, la longue tunique blanche portée par les hommes au Qatar, et coiffé d'un keffieh, il reçoit les dirigeants de Vinci comme de vieilles connaissances, autour d'une infusion de thym. Son bureau du ministère des Affaires étrangères, tout de cuir beige, dorures et bois vert sapin, est devenu la meilleure agence de communication du groupe de BTP. "Vinci est un gage de réussite", assure le dignitaire, qui connaît par cœur tous les grands ponts construits par le français : le pont du Tage au Portugal, celui de Rion-Antirion en Grèce.

    La suite...
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin

  • #2
    Pour entretenir son image, Vinci n'hésite pas à bousculer les règles du jeu. Exemple avec l'appel d'offres lancé pour la construction d'une station de pompage au nord de Doha. "Toutes les réponses respectaient le délai de vingt-quatre mois imposé par le client, sauf la nôtre, qui s'engageait sur trente-trois mois, se rappelle Christophe Delcamp, contract manager. Nous avons finalement remporté ce marché de 360 millions d'euros en démontrant qu'il était impossible d'aller plus vite. Explication : le fournisseur des canalisations n'était lui-même pas capable de respecter le calendrier initial."
    S'adapter au gigantisme local

    "Build it, we will fill it : voilà la devise des Qatariens", lâche Gérald Mille, le directeur général de QDVC, en zigzaguant d'un rond-point à l'autre sur la Corniche. Le long de cette Croisette locale s'étirent des buildings de verre, d'acier, de béton, et des grues. Un vaste chantier qui défie jour après jour la logique économique démographique. Au cours des cinq dernières années, une centaine de tours ont été édifiées à Doha, et, fin 2008, 800 projets étaient dans les cartons. Pourtant, l'émirat compte moins de 1,5 million d'habitants, dont seulement 200 000 Qatariens . "Le marché immobilier est d'abord soutenu par les expatriés, recrutés... pour construire les tours", analyse Gérald Mille. Comme celles de la ville nouvelle de Lusail, au nord de Doha, destinées à accueillir 200 000 habitants. Le joint-venture entre Vinci et Qatari Diar y réalise les parkings et le métro, soit près de 1 milliard d'euros de travaux.

    Ce n'est que le début : les deux associés convoitent déjà la construction des routes, tunnels et échangeurs de Lusail. "Ici, tout est démesuré !" s'exclame Gérald Mille. Exemple : les parkings, où chaque voiture dispose d'un espace moyen de 55 mètres carrés, contre 25 en France. D'un point de vue comptable, la décision de construire un pont entre le Qatar et Bahreïn semble tout aussi extravagante : à l'ouverture, à peine 4 000 véhicules l'emprunteront quotidiennement, et 12 000 en 2030. Une bagatelle, si on compare ces chiffres aux 40 000 voitures qui empruntent chaque jour au Caire le tunnel Al-Azhar. "Le projet est avant tout symbolique, décrypte Yanick Garillon, directeur de Vinci Grands Projets dans le Golfe. Il illustre une volonté de coopération entre deux Etats traditionnellement rivaux."

    Composer avec la fantaisie de l'émir

    Dans un pays où politique et économie sont étroitement liées, Vinci a aussi appris à jongler avec les requêtes insolites de l'émir. Les ingénieurs de Vinci ont ainsi reçu un cahier des charges très précis pour la décoration du poste de contrôle de la future station de pompage. "Il mentionne le nom latin des plantes que nous devons représenter, ainsi que toutes les nuances des marbres et leur origine, explique un ingénieur. A côté de cela, il nous manque encore des détails techniques", soupire-t-il. Mais un dossier bien plus délicat mobilise le groupe de BTP français : la construction d'un resort de luxe pour l'émir dans l'archipel de Dahlak, en Erythrée. Le chantier lui a été imposé presque du jour au lendemain. "Nous avons été convoqués à Vienne le 22 décembre 2008 par le ministre qatarien chargé du projet, qui nous a demandé de prendre le relais d'une entreprise koweïtienne", raconte Fabrice Martin, directeur de projet de QDVC.

    Une requête impossible à refuser... même si elle implique de mettre en veilleuse la déontologie du groupe : le contrat lui impose de travailler avec un sous-traitant local qui emploie pêle-mêle des militaires, des paysans... et des prisonniers. La livraison des deux villas de l'émir est prévue à la fin de l'année. Pour tenir ce délai, les ingénieurs du groupe n'hésitent pas à se rendre sur place au moindre problème, malgré les six heures d'avion et les deux heures de bateau qui séparent Dahlak de Doha. Tous les matériaux sont acheminés par conteneurs, y compris les arbres et les plantes destinés à aménager de luxuriants jardins sur cette île quasi déserte : si l'opération réussit, l'émir pourrait décider de poursuivre sur sa lancée et de transformer l'archipel de 200 îlots en Charm el-Cheikh érythréen. Mais Vinci ne sera peut-être pas de l'aventure. "Nous leur avons fait comprendre que le joint-venture n'avait pas vocation à être présent sur tous les projets financés par Qatari Diar", indique diplomatiquement Serge Moulène.

    Gérer la tour de Babel

    "La particularité d'un joint-venture avec des Qatariens ? C'est qu'aucun Qatarien n'y participe !" plaisante-t-on à QDVC. Celui-ci compte en effet 35 nationalités, mais un seul Qatarien, Hamad al-Bishri, le codirecteur. Explication : les diplômés préfèrent travailler dans la finance ou le pétrole. Dans de luxueux bureaux plutôt que dans des préfabriqués posés au milieu d'une étendue de poussière brûlante. Autre particularité : la hiérarchie, étroitement liée à la nationalité. La plupart des ouvriers viennent d'Inde ou du Bangladesh et travaillent sous le contrôle de Philippins. "Entre les deux, un encadrement indien qui maîtrise une autre langue que l'hindi et l'ourdou, souvent l'anglais, explique Gérald Mille, qui signe les visas des ouvriers. Le groupe est leur sponsor, et leur titre de séjour est valable tant que dure leur contrat de travail." Ces expatriés peuvent ainsi s'installer quasi définitivement au Qatar.

    Mais sans leurs familles. "Cela fait quinze ans que je suis ici", témoigne l'un des salariés, père de deux enfants - dont une fillette de 8 mois - qui ne passe qu'un mois par an dans sa famille, en Inde. Payés 300 euros par mois environ, les ouvriers sont nourris, logés et blanchis. La plupart résident à Al-Khor, située à quarante-cinq minutes de Doha, et sont conduits sur les chantiers en bus. Les équipes se relaient jour et nuit, six jours sur sept, sous les rayons écrasants du soleil ou sous la lumière blanche des projecteurs. Sur cette nouvelle frontière, chaque minute qui passe est autant de gagné sur la poussière.

    La suite...
    Dernière modification par zek, 18 décembre 2009, 15h33.
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin

    Commentaire


    • #3
      Les étapes d'une implantation prometteuse

      1995 - Contrat pour la construction de trois réservoirs de gaz naturel liquéfié au nord de Doha.

      2007 - Création d'un joint-venture avec le fonds Qatari Diar.

      2008 - Contrat pour la construction d'un pont géant reliant le Qatar et Bahreïn.

      2009 - Qatari Diar prend 6 % du capital de Vinci en échange de Cegelec.
      Repères - Le Moyen-Orient, un axe stratégique

      QDVC, le joint-venture entre Vinci et Qatari Diar, réalisera 200 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2009, avec la perspective d'atteindre les 700 millions d'euros dansles cinq ans à venir.
      - Le métro du Caire, une vitrine pour Vinci dans la région

      Dans le centre du Caire, les embouteillages font depuis longtemps partie du folklore local. Exemple, le quartier de Bab el-Shaaria, sur la rive droite du Nil. Là, piétons, bus, voitures et pick-up encombrent dès l'aube la chaussée, dans une tourmente de poussière et de coups de Klaxon. Depuis quelques mois, une foule d'engins jaunes accentuent encore le désordre. Sous leurs roues et leurs chenilles, le plus grand chantier d'Egypte : la future ligne 3 du métro, qui reliera l'aéroport à Gizeh, sur la rive gauche du Nil, soit 34 kilomètres de galeries et des stations enterrées jusqu'à 60 mètres de profondeur.

      Ces travaux pharaoniques sont aujourd'hui l'une des plus belles cartes de visite de Vinci au Moyen-Orient. Car creuser un tunnel de plusieurs kilomètres sous une ville de 28 millions d'habitants représente un incroyable défi. "Longtemps, les hommes du bâtiment ont été perçus comme des promeneurs de brouette et des porteurs de ciment. Aujourd'hui, il y a une réelle prise de conscience de la complexité des chantiers", plaisante Pierre Berger, président de Vinci Grands Projets.

      Avec un diamètre qui atteint presque 10 mètres, le tunnelier Cleopatra progresse centimètre par centimètre dans le sous-sol du Caire. "Dans certains secteurs, nous n'avons pas de plans fiables", soupire Xavier de Nettancourt, le directeur du chantier. "En avançant, nous découvrons des conduites d'égouts, des câbles électriques ou téléphoniques." En surface, le principal risque est l'effondrement soudain d'un bâtiment. "Nous analysons chaque jour des centaines de mesures pour évaluer l'impact des travaux", indique Xavier de Nettancourt. En cas de doute sur la solidité de certains édifices - parfois très délabrés -, il n'hésite pas à demander aux autorités de faire évacuer les lieux.

      Autre péril à gérer : l'équilibre financier du projet. Pour compenser la perte réalisée sur la première partie des travaux (contrat d'un montant de 226 millions d'euros), le groupe a obtenu des concessions sur la seconde partie. Le montant du nouveau contrat - estimé à 323 millions d'euros - pourra ainsi être révisé à la hausse si le coût des matières premières et de la main-d'œuvre augmente, comme cela a été le cas depuis le début du chantier. Cette bonne fortune, le groupe la doit en partie à l'intervention du gouvernement français, qui a accordé à l'Egypte un prêt représentant 40 % du montant des travaux.
      - "L'entrée de Qatari Diar au capital de Vinci stabilise notre actionnariat"

      Après deux tentatives infructueuses, Xavier Huillard a convaincu ses alliés de Qatari Diar de lui céder la société d'ingénierie électrique Cegelec pour 1,2 milliard d'euros, payable intégralement en actions. Ils l'avaient acquise 1,7 milliard d'euros... neuf mois plus tôt. Xavier Huillard détaille en exclusivité pour L'Expansion les coulisses de ce deal et ses enjeux pour Vinci.

      D'un point de vue financier, quel est l'intérêt de cette opération ?

      Cegelec est une source de revenus récurrents qui équilibre notre profil de risque, tout comme les concessions. Une partie du business model repose sur la loi des grands nombres : des dizaines de milliers de contrats de maintenance, dont la valeur moyenne ne dépasse pas 50 000 euros. L'entrée de Qatari Diar au capital de Vinci stabilise notre actionnariat, au moment où Artémis, la holding de François Pinault, se désengage.

      Vous attendez de cette fusion au moins 50 millions d'euros de synergies. Quelles sont-elles ?

      Il s'agit avant tout de synergies liées aux activités que nous développerons ensemble. Cegelec apporte à Vinci Energies son expertise dans des secteurs très porteurs, comme le pétrole, le gaz ou le nucléaire. Son expérience des grands projets et sa dimension internationale en font aussi un partenaire précieux pour Vinci Construction, notamment au Qatar. Cegelec y emploie déjà un millier de personnes.

      Quelle est la prochaine étape de votre partenariat avec Qatari Diar ?

      Nous réfléchissons à la création de nouveaux joint-ventures au Qatar. Deux créneaux nous intéressent particulièrement : la gestion des parkings, avec Vinci Park, et la maintenance des immeubles, avec Vinci Energies. Nous aimerions aussi les accompagner dans la construction de bâtiments sophistiqués, comme des hôtels de luxe ou des hôpitaux.

      Chloé Hecketsweiler et envoyée spéciale à Doha

      L'Expansion
      Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin

      Commentaire

      Chargement...
      X