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Des prêts et des prêteurs

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    Des prêts et des prêteurs

    par Abdou B.
    «Politique de la vie. Le réel est toujours dans l'opposition.» Valéry

    La rumeur qui monte, qui monte... On prête au président de la République mille et une intentions, tant il est vrai que les Algériens n'attendent rien, depuis longtemps, des formations politiques. Celles qui se situent dans l'opposition continuent, dans une situation ubuesque, de dénoncer le pouvoir et ses décisions, sans se faire trop d'illusions. Elles font, vaille que vaille, tourner un pluralisme engoncé dans l'état d'urgence, l'exclusion de leurs discours des médias lourds et leur confinement dans quelques salles devenues de véritables purgatoires au gré des grippes-feuilletons, des inondations, des grèves escamotées, de la guérilla égypto-algérienne, des prix à la consommation qui laissent, au plan nutritif et psychologique, des millions d'Algériens qui ne mangent qu'avec les yeux des denrées banales mais hors de portée, sur la touche.

    On prête à M. Bouteflika l'intention de lancer des réformes profondes, radicales, et de placer aux commandes une nouvelle génération de gouvernants jeunes, bardés de diplômes, immunisés contre la rente, la légitimité historique qui est du javanais pour la jeunesse pauvre, pour la génération internet et pour celle accro aux chaînes satellitaires religieuses qui siphonnent le cerveau et brouillent la perception de l'Algérie, du monde réel et des gros enjeux qui leur passent par-dessus la tête. Devant tous les prêts consentis à M. Bouteflika, les partis de sa majorité simulent de l'action politique autour d'élections sénatoriales, de préparatifs de congrès, de réunions de commissions, d'alliances plus surréalistes qu'issues de négociations programmatiques. M. Bouteflika sera-t-il président du FLN, de tous les Algériens ou bien du vieux parti et en même temps de la communauté nationale ? Pour les appareils, la réponse peut signifier la direction du gouvernement, le nombre de ministres, de directeurs généraux, de diplomates à l'étranger, etc. Pour la majorité, qui n'attend rien des partis et de leurs représentants au Parlement, elle espère du Président de tous des logements, des prix au marché accessibles et affichés, du travail, de bonnes écoles et universités, un système de santé moderne, un paysage urbain sans ordures envahissantes, sans transports collectifs déments et une bureaucratie sourde et aveugle. Pour tous ces problèmes et d'autres, rien n'est venu, rien n'est attendu du Parlement, des formations politiques de la majorité qui sont censées réfléchir, synthétiser l'évolution de la société, concevoir et proposer au chef de l'Etat et aux citoyens une grande réforme ou une idée nouvelle... par trimestre seulement. Tous attendent tout de M. Bouteflika. Les Algériens n'écrivent pas à leur député, à leur sénateur. Ils envoient leurs angoisses, leurs attentes et leur désespoir à El Mouradia. Y a-t-il plus grand désaveu de l'alliance présidentielle, artificielle, dans laquelle aucune partie n'a une personnalité propre, un programme qui la différencie des autres ? La meute se revendique à propos de tout et de rien du programme du Président qui a toujours déclaré qu'il ne devait rien aux partis, qu'il était un homme libre. Alors à quoi servent des partis qui montrent les dents à l'occasion d'élections, avec une calculette fébrile en essayant de faire un décompte de leurs élus qui, le plus souvent, ne doivent non plus rien à leur parti ? Il reste alors le verbe. Un verbiage langue de bois sorti de l'antiquité fait office d'une profonde réflexion qui engagerait l'avenir sur des enjeux qui mobilisent les gouvernants, les partis et les élites dans les grands pays démocratiques où les partis ont des couleurs et des accents à eux.

    La corruption à grande échelle se propage comme la peste. Des ministères qui ont un premier responsable sont cités dans des détournements de gros sous dans le silence complet des partis dont les responsables concernés sont membres. Le Parlement ne diligente aucune commission d'enquête alors que des milliards s'évaporent vers des paradis fiscaux et dans des opérations de blanchiment dans l'immobilier, l'import-import et dans des publications. Et pourtant les partis de la majorité sont dominants dans les appareils législatifs ! Ils ne bronchent pas, mais prêtent au président de la République tellement d'intentions, sans offrir en échange des idées, des programmes pour les industries culturelles, les PME/PMI, les privatisations, l'ouverture médiatique, etc. Lorsqu'une wilaya n'a pas un seul appareil d'IRM, que des milliers d'enfants sont exploités par des patrons et que d'autres pataugent à cause des grèves dans l'enseignement, à cause d'un week-end mi-figue, mi-raisin mais cependant déstabilisateur, les appareils partisans alliés ne bronchent pas. Ils attendent. Quoi ? Il faudrait leur demander avec le sentiment bien réel qu'il n'y aura aucune réponse au bout du fil.

    Il y a cependant des verbiages, des femmes et des hommes qui sont payés, bien payer pour radoter. «Les constantes du pays sont sacrées et la France doit faire acte de repentance sinon». La rente générée par le colonialisme est épuisée, et les quelques reliquats entretenus par le troisième âge ne «parlent» pas aux jeunes. On a oublié de laisser l'école et les historiens faire leur travail pour livrer la société à des charlatans de l'Islam et à des bonimenteurs de la guerre de libération politiquement brouillée sinon inconnue pour la jeunesse. Les soporifiques slogans des années soixante, les croisades à mains nues contre la mondialisation et l'économie de marché font plus rire qu'inquiéter les maîtres du monde à qui nous achetons nourriture et médicaments.

    Ghaza meurt à petit feu, mais sûrement sous les jougs égyptien et israélien. Que pensent les partis de l'alliance présidentielle de voir des dossiers lourds africains, arabes être confiés au régime du Caire ? Ils prêtent encore et encore au Président en espérant des remboursements avec des intérêts, tout en gardant un silence sidéral sur les problèmes nationaux. Pendant que des partis prêtent à M. Bouteflika et attendent le renvoi d'ascenseur, les plus optimistes, il y en a quelques-uns, prédisent des initiatives partisanes. Pour Noël, il sera distribué dans les boîtes à lettres le programme de chaque parti pour 2010-2020 et qui portera sur le climat, la recherche, les industries culturelles, les énergies nouvelles, la voiture Fatiha ou Aïcha, les médias, etc. Faites que le père Noël existe, ô Dieu ! Quant aux fameux prêts, faites qu'ils ne soient pas remboursés comme l'entendent les prêteurs.


    Le Quotidien d'Oran .
    " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "
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