Chronique
FEMMES D'AILLEURS - Le monde arabe préfère les grosses
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L’obésité féminine fait des ravages dans les pays arabes, car elle est considérée comme un signe de beauté et de statut social élevé. "J’avais 8 ans et je vivais dans une famille nomade du désert de Mauritanie, quand ma mère a commencé à me gaver. Je devais boire quatre litres de lait le matin, avec du couscous. J’avalais la même chose à l’heure du déjeuner. A minuit, on me réveillait pour boire quelques pintes de plus, enfin, à 6 heures du matin, on me servait un autre repas avant le petit déjeuner. Si je refusais de manger, ma mère me tordait les orteils jusqu’à ce que la douleur soit insupportable. A force de gavage, je ressemblais à un matelas", se souvient Jihat Mint Ethman, citée par le Wall Street Journal. "Gavage est le mot français que les Mauritaniens utilisent pour qualifier cette pratique, en référence au gavage des oies et des canards dans le sud-ouest de la France", précise le quotidien.
Et si aujourd’hui Jihat Ethman, qui a 38 ans, est plutôt mince, c’est parce qu’il n’y a plus d’argent pour acheter de la nourriture. "La beauté passe avant la santé", soutient-elle cependant. "Ce sont les femmes maigres qui sont malades", ajoute son mari. La croyance qu’une femme ronde est une épouse plus désirable explique pourquoi, du golfe Persique aux confins du Sahara, la moitié de la population féminine est obèse.
Selon le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies, implanté à Atlanta, 83 % des femmes de Bahreïn souffrent de surpoids ou d’obésité, elles sont 75 % au Liban, 74 % dans les Emirats arabes unis, 51 % environ au Maroc et en Tunisie. En comparaison, elles sont 62 % aux Etats-Unis, le pays occidental le plus touché. Et le phénomène prend de l’ampleur dans nombre de pays du Moyen-Orient. Grâce au pétrole, à l’élévation du niveau de vie, de plus en plus d’enfants en sont atteints. De nouvelles conditions de vie entraînent une importante consommation de graisses, de sucre et d’aliments industriels, et une sédentarisation dans les villes, où les femmes, confinées chez elles, ne font pas d’exercice physique.
Dans les pays qui n’ont pas la manne du pétrole, tels que la Mauritanie, c’est la tradition qui l’emporte. Ce pays est en effet aujourd’hui le seul à continuer la pratique du gavage des filles. Dans cette région extrêmement pauvre où la nourriture manque, une femme volumineuse est synonyme de richesse, elle est en outre supposée mettre au monde des enfants en bonne santé. "Le gavage est aussi utilisé pour marier les filles le plus vite possible. En grossissant, elles paraissent plus vieilles et donc bonnes à marier", explique Charlotte Abaka, une avocate ghanéenne spécialisée dans la défense des droits des femmes.
Cependant, la population est en train de prendre conscience des risques pour la santé que l’obésité implique. Des féministes qui ont pris le problème en main commencent à voir le fruit de leurs actions : désormais, une femme simplement enrobée est également bien considérée.
"En décembre 2004, une conférence des Nations unies a rassemblé au Caire des représentants de tous les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, afin de proposer de nouvelles habitudes alimentaires qui tiennent compte des traditions et des cultures de chaque pays", rappelle le WSJ. De son côté, le gouvernement mauritanien s’est également réveillé et a lancé une campagne à la radio et la télévision afin de mettre en garde les femmes contre les risques de l’obésité pour leur santé. La campagne a eu du mal à démarrer, car 65 % des Mauritaniennes sont illettrées. Cependant, les autorités font aujourd’hui de gros efforts pour inciter les familles à envoyer leurs filles à l’école, permettant ainsi au message de mieux passer. Déjà, dans les classes supérieures, un mouvement de retour à la norme est amorcé.
Un autre changement, plus subtil, se fait également sentir. Aujourd’hui, ce sont les filles et non leurs mères ou leurs grands-mères qui décident si elles ont envie d’être grosses afin d’augmenter leurs chances de trouver un mari.
Anne Collet
Est-ce vrai?
FEMMES D'AILLEURS - Le monde arabe préfère les grosses
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L’obésité féminine fait des ravages dans les pays arabes, car elle est considérée comme un signe de beauté et de statut social élevé. "J’avais 8 ans et je vivais dans une famille nomade du désert de Mauritanie, quand ma mère a commencé à me gaver. Je devais boire quatre litres de lait le matin, avec du couscous. J’avalais la même chose à l’heure du déjeuner. A minuit, on me réveillait pour boire quelques pintes de plus, enfin, à 6 heures du matin, on me servait un autre repas avant le petit déjeuner. Si je refusais de manger, ma mère me tordait les orteils jusqu’à ce que la douleur soit insupportable. A force de gavage, je ressemblais à un matelas", se souvient Jihat Mint Ethman, citée par le Wall Street Journal. "Gavage est le mot français que les Mauritaniens utilisent pour qualifier cette pratique, en référence au gavage des oies et des canards dans le sud-ouest de la France", précise le quotidien.
Et si aujourd’hui Jihat Ethman, qui a 38 ans, est plutôt mince, c’est parce qu’il n’y a plus d’argent pour acheter de la nourriture. "La beauté passe avant la santé", soutient-elle cependant. "Ce sont les femmes maigres qui sont malades", ajoute son mari. La croyance qu’une femme ronde est une épouse plus désirable explique pourquoi, du golfe Persique aux confins du Sahara, la moitié de la population féminine est obèse.
Selon le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies, implanté à Atlanta, 83 % des femmes de Bahreïn souffrent de surpoids ou d’obésité, elles sont 75 % au Liban, 74 % dans les Emirats arabes unis, 51 % environ au Maroc et en Tunisie. En comparaison, elles sont 62 % aux Etats-Unis, le pays occidental le plus touché. Et le phénomène prend de l’ampleur dans nombre de pays du Moyen-Orient. Grâce au pétrole, à l’élévation du niveau de vie, de plus en plus d’enfants en sont atteints. De nouvelles conditions de vie entraînent une importante consommation de graisses, de sucre et d’aliments industriels, et une sédentarisation dans les villes, où les femmes, confinées chez elles, ne font pas d’exercice physique.
Dans les pays qui n’ont pas la manne du pétrole, tels que la Mauritanie, c’est la tradition qui l’emporte. Ce pays est en effet aujourd’hui le seul à continuer la pratique du gavage des filles. Dans cette région extrêmement pauvre où la nourriture manque, une femme volumineuse est synonyme de richesse, elle est en outre supposée mettre au monde des enfants en bonne santé. "Le gavage est aussi utilisé pour marier les filles le plus vite possible. En grossissant, elles paraissent plus vieilles et donc bonnes à marier", explique Charlotte Abaka, une avocate ghanéenne spécialisée dans la défense des droits des femmes.
Cependant, la population est en train de prendre conscience des risques pour la santé que l’obésité implique. Des féministes qui ont pris le problème en main commencent à voir le fruit de leurs actions : désormais, une femme simplement enrobée est également bien considérée.
"En décembre 2004, une conférence des Nations unies a rassemblé au Caire des représentants de tous les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, afin de proposer de nouvelles habitudes alimentaires qui tiennent compte des traditions et des cultures de chaque pays", rappelle le WSJ. De son côté, le gouvernement mauritanien s’est également réveillé et a lancé une campagne à la radio et la télévision afin de mettre en garde les femmes contre les risques de l’obésité pour leur santé. La campagne a eu du mal à démarrer, car 65 % des Mauritaniennes sont illettrées. Cependant, les autorités font aujourd’hui de gros efforts pour inciter les familles à envoyer leurs filles à l’école, permettant ainsi au message de mieux passer. Déjà, dans les classes supérieures, un mouvement de retour à la norme est amorcé.
Un autre changement, plus subtil, se fait également sentir. Aujourd’hui, ce sont les filles et non leurs mères ou leurs grands-mères qui décident si elles ont envie d’être grosses afin d’augmenter leurs chances de trouver un mari.
Anne Collet
Est-ce vrai?
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