lundi 28 décembre 2009 - par René Naba
Le mandat d’arrêt lancé le 14 décembre 2009 par la justice britannique à l’encontre de Mme Tzipi Livni pour sa responsabilité dans la guerre de destruction israélienne de Gaza a retenti comme un désaveu du Maroc pour l’accueil que le Royaume avait réservé en novembre à l’ancien ministre israélien des affaires étrangères, un camouflet d’autant plus cinglant que le souverain chérifien, le Roi Mohamad VI préside le comité « Al Qods », le comité chargé de préserver les Lieux saints musulmans de Jérusalem, une ville en voie de judaïsation rampante et quasiment annexée par Israël.
Le laxisme traditionnel marocain à l’égard d’Israël, à contre courant de la position officielle arabe, est généralement expliqué par les rapports historiques qu’entretient la dynastie alaouite avec le judaïsme marocain. En complément au dossier « Jordanie et Maroc, les voltigeurs de pointe de la diplomatie occidentale » dans la sphère arabe www.renenaba.com publie, en additif, au titre d’annexe documentaire, des extraits d’une étude de M. Abraham Sarfaty sur la problématique du judaïsme marocain et son rapport au sionisme. Une étude parue dans la Revue Souffles numéro spécial 15, 3e trimestre 1969 et toujours d’actualité.
La revue Souffles « Anfas » en arabe est née en 1966 au Maroc de la rencontre de quelques poètes qui sentaient l’urgence d’une tribune et d’un renouveau poétique et politique.
Mais, très vite, elle cristallisa autour d’elle toutes les énergies créatrices marocaines : peintres, cinéastes, hommes de théâtre, chercheurs, penseurs hommes de théâtre, pour finir par devenir un carrefour de création et de réflexion pour les nouvelles générations marocaines avides de libérer leur pays, de lui restituer une identité, de lui offrir un futur. Souffles a été lue à travers tout le Tiers Monde.
Tout au long de son existence, elle s’est également ouverte aux cultures des autres pays du Maghreb et de ceux du Tiers Monde. Interdite en 1972, Souffles est restée longtemps introuvable. Trop peu de bibliothèques peuvent la proposer à leurs lecteurs ou aux chercheurs, que ce soit au Maghreb, en France ou ailleurs. Et pourtant cette revue est incontournable pour qui veut travailler sur la littérature maghrébine, sur les problèmes de la culture nationale et de la décolonisation culturelle.
Pour en savoir plus, consulter le site du poète Abel Latif Laabi, ancien compagnon de détention de l’ingénieur http://www.laabi.net
Abdel Latif Laabi
Né en 1942 à Fès, la capital spirituelle et culturelle du Maroc, Abdelatif Laabi, prix Goncourt de la Poésie 2009, compagnon de détention de Abraham Sarfaty, est un des cou fondateurs de la Revue Souffles. Après des études à l’université, à Rabat, à la section des lettres françaises, il participe en 1963, à la création du Théâtre universitaire marocain et enseigne alors le français dans un lycée de Rabat. En 1966, débute la revue Souffles où collaborent plusieurs intellectuels marocains de gauche et notamment Tahar Ben Jelloun, Mohammed Khaïr-Eddine et Moustafa Nissaboury.
Cette revue, qui comptera vingt-deux numéros en français et huit en arabe sous le nom d’Anfas, a eu une grande influence sur la formation de l’intelligentsia marocaine de gauche. Abdel Latif Laabi est titulaire des insignes de Docteur honoris causa de l’Université Rennes 2 Haute Bretagne.(30 novembre 2007)
Abraham Sarfaty, la problématique du judaïsme marocain et le sionisme
Né à Casablanca (Maroc), en1926, Abraham Sarfaty, issu d’une famille juive de Tanger, est un indépendantiste marocain qui s’illustra par son double emprisonnement tant sous le protectorat français que sous le règne du roi Hassan II et son témoignage sur ce qu’il y a vécu. Militant communiste marocain dès 1944, il s’engage ardemment pour l’indépendance de son pays, ce qui lui vaut d’être emprisonné en 1950, et placé en résidence surveillée en 1956. Ingénieur des mines de formation, il participe ensuite à la mise en place des institutions de l’État marocain, à des postes plus techniques que politiques, dont celle de l’enseignement à l’École Mohammadia d’Ingénieurs. En 1970, il rompt avec un parti communiste marocain qu’il juge sclérosé et fonde l’organisation d’extrême gauche Ila A Amame (en avant) (actuelle La Voie démocratique, An-nahj Ad-dimoukrati).
Arrêté et torturé par le régime de Hassan II en 1972, il entre ensuite dans la clandestinité. Sa nouvelle arrestation en 1974, durera jusqu’en septembre 1991, date à laquelle Sarfaty est privé de sa nationalité marocaine en raison de sa position à l’égard de la « marocanité » du Sahara. En soutenant l’autodétermination du peuple sahraoui, il a été expulsé du territoire marocain après avoir purgé dix-sept ans de prison ferme. En septembre 1999, il est autorisé par le nouveau roi Mohamad VI à rentrer au Maroc et sa nationalité marocaine reconnue officiellement.
Abraham Sarfaty tout comme le mathématicien Sion Assidon ou Ilan Halévy, représentant de l’OLP auprès de l’Internationale socialiste, sont des Juifs séfarades qui ne se reconnaissent pas dans le sionisme, comme par le passé le communiste égyptien Henri Curien, ou plus récemment comme les membres de l’Union Juive française pour la paix.
On me dira, on m’a dit, pourquoi, aujourd’hui, se préoccuper encore du judaïsme marocain ? Laissons se réduire à sa plus simple expression, par les départs, cette communauté, les quelques irréductibles (a) ne poseront alors plus de problème.En fait, cette étude vise le judaïsme marocain dans son entier, celui qui subsiste ici, celui qui, est dispersé et déraciné en Occident, celui qui s’est trouvé transplanté dans un Etat dont le nom était si chargé de symbole pour tout juif et qui y découvre, actuellement, que sous ce nom se cache une entreprise de prolétarisation, d’anéantissement culturel et une aventure militariste et raciste.
Cette entreprise qui a ainsi mystifié le judaïsme marocain, dans le cadre d’une mystification générale du judaïsme, a couronné l’oeuvre coloniale de déracinement commencée il y a un siècle. A travers la synthèse de ce processus, nous voulons faire partager notre conviction, qui n’a été que renforcée par l’étude des documents tant du passé que du présent, que la prise de conscience de cette mystification est inéluctable, que le judaïsme dans le monde arabe, prisonnier du sionisme, prendra conscience de sa solidarité profonde avec la révolution arabe et contribuera ainsi à faire éclater la dernière entreprise historique du capitalisme à enfermer les juifs dans un ghetto, et quel ghetto… à l’échelle mondiale
Pour contribuer à cette prise de conscience, la recherche rigoureuse de la vérité est indispensable. L’auteur de ces lignes ne prétend pas y être plus apte que d’autres. Mais l’appui sur les critères et les principes du socialisme scientifique peut permettre d’échapper, autant que faire se peut, au subjectivisme. Ce qui ne veut pas dire que cette démarche ne doive pas tenir compte, au contraire, des facteurs super structurels, de culture, d’idéologie, de religion. Mais l’histoire même du sionisme montre, par ses impasses qui se dessinent et se développent, que l’on ne peut isoler et déformer indéfiniment ces facteurs Par ailleurs, nous nous efforcerons, dans cette étude, de citer le moins de noms possible. Non que l’Histoire n’ait un jour à régler ses comptes avec certains. L’heure en sonnera lorsque les chemins d’une nouvelle symbiose judéo arabe seront retrouvés. Mais nous n’hésiterons pas à fustiger ceux qui continuent aujourd’hui, y compris au sein de l’Etat sioniste, leur travail de mensonge.
Pour accélérer cette prise de conscience, le mouvement national doit, en ce qui le concerne, critiquer ses propres démarches de nationalisme bourgeois plus ou moins tenté d’interpréter le sionisme comme un phénomène isolé et lié aux seuls facteurs religieux. Dans le monde arabe, El Fath a montré la voie, et dès avant juin 1967. Saluons le fait, lourd de conséquences pour l’avenir, que les hommes politiques qui furent longtemps seuls, ici, à se placer sur ce terrain soient maintenant rejoints par l’ensemble des organisations nationales. Il reste à en faire une réalité dans la vie quotidienne, à retrouver ainsi et à reconstruire la réalité nationale.
Le mandat d’arrêt lancé le 14 décembre 2009 par la justice britannique à l’encontre de Mme Tzipi Livni pour sa responsabilité dans la guerre de destruction israélienne de Gaza a retenti comme un désaveu du Maroc pour l’accueil que le Royaume avait réservé en novembre à l’ancien ministre israélien des affaires étrangères, un camouflet d’autant plus cinglant que le souverain chérifien, le Roi Mohamad VI préside le comité « Al Qods », le comité chargé de préserver les Lieux saints musulmans de Jérusalem, une ville en voie de judaïsation rampante et quasiment annexée par Israël.
Le laxisme traditionnel marocain à l’égard d’Israël, à contre courant de la position officielle arabe, est généralement expliqué par les rapports historiques qu’entretient la dynastie alaouite avec le judaïsme marocain. En complément au dossier « Jordanie et Maroc, les voltigeurs de pointe de la diplomatie occidentale » dans la sphère arabe www.renenaba.com publie, en additif, au titre d’annexe documentaire, des extraits d’une étude de M. Abraham Sarfaty sur la problématique du judaïsme marocain et son rapport au sionisme. Une étude parue dans la Revue Souffles numéro spécial 15, 3e trimestre 1969 et toujours d’actualité.
La revue Souffles « Anfas » en arabe est née en 1966 au Maroc de la rencontre de quelques poètes qui sentaient l’urgence d’une tribune et d’un renouveau poétique et politique.
Mais, très vite, elle cristallisa autour d’elle toutes les énergies créatrices marocaines : peintres, cinéastes, hommes de théâtre, chercheurs, penseurs hommes de théâtre, pour finir par devenir un carrefour de création et de réflexion pour les nouvelles générations marocaines avides de libérer leur pays, de lui restituer une identité, de lui offrir un futur. Souffles a été lue à travers tout le Tiers Monde.
Tout au long de son existence, elle s’est également ouverte aux cultures des autres pays du Maghreb et de ceux du Tiers Monde. Interdite en 1972, Souffles est restée longtemps introuvable. Trop peu de bibliothèques peuvent la proposer à leurs lecteurs ou aux chercheurs, que ce soit au Maghreb, en France ou ailleurs. Et pourtant cette revue est incontournable pour qui veut travailler sur la littérature maghrébine, sur les problèmes de la culture nationale et de la décolonisation culturelle.
Pour en savoir plus, consulter le site du poète Abel Latif Laabi, ancien compagnon de détention de l’ingénieur http://www.laabi.net
Abdel Latif Laabi
Né en 1942 à Fès, la capital spirituelle et culturelle du Maroc, Abdelatif Laabi, prix Goncourt de la Poésie 2009, compagnon de détention de Abraham Sarfaty, est un des cou fondateurs de la Revue Souffles. Après des études à l’université, à Rabat, à la section des lettres françaises, il participe en 1963, à la création du Théâtre universitaire marocain et enseigne alors le français dans un lycée de Rabat. En 1966, débute la revue Souffles où collaborent plusieurs intellectuels marocains de gauche et notamment Tahar Ben Jelloun, Mohammed Khaïr-Eddine et Moustafa Nissaboury.
Cette revue, qui comptera vingt-deux numéros en français et huit en arabe sous le nom d’Anfas, a eu une grande influence sur la formation de l’intelligentsia marocaine de gauche. Abdel Latif Laabi est titulaire des insignes de Docteur honoris causa de l’Université Rennes 2 Haute Bretagne.(30 novembre 2007)
Abraham Sarfaty, la problématique du judaïsme marocain et le sionisme
Né à Casablanca (Maroc), en1926, Abraham Sarfaty, issu d’une famille juive de Tanger, est un indépendantiste marocain qui s’illustra par son double emprisonnement tant sous le protectorat français que sous le règne du roi Hassan II et son témoignage sur ce qu’il y a vécu. Militant communiste marocain dès 1944, il s’engage ardemment pour l’indépendance de son pays, ce qui lui vaut d’être emprisonné en 1950, et placé en résidence surveillée en 1956. Ingénieur des mines de formation, il participe ensuite à la mise en place des institutions de l’État marocain, à des postes plus techniques que politiques, dont celle de l’enseignement à l’École Mohammadia d’Ingénieurs. En 1970, il rompt avec un parti communiste marocain qu’il juge sclérosé et fonde l’organisation d’extrême gauche Ila A Amame (en avant) (actuelle La Voie démocratique, An-nahj Ad-dimoukrati).
Arrêté et torturé par le régime de Hassan II en 1972, il entre ensuite dans la clandestinité. Sa nouvelle arrestation en 1974, durera jusqu’en septembre 1991, date à laquelle Sarfaty est privé de sa nationalité marocaine en raison de sa position à l’égard de la « marocanité » du Sahara. En soutenant l’autodétermination du peuple sahraoui, il a été expulsé du territoire marocain après avoir purgé dix-sept ans de prison ferme. En septembre 1999, il est autorisé par le nouveau roi Mohamad VI à rentrer au Maroc et sa nationalité marocaine reconnue officiellement.
Abraham Sarfaty tout comme le mathématicien Sion Assidon ou Ilan Halévy, représentant de l’OLP auprès de l’Internationale socialiste, sont des Juifs séfarades qui ne se reconnaissent pas dans le sionisme, comme par le passé le communiste égyptien Henri Curien, ou plus récemment comme les membres de l’Union Juive française pour la paix.
On me dira, on m’a dit, pourquoi, aujourd’hui, se préoccuper encore du judaïsme marocain ? Laissons se réduire à sa plus simple expression, par les départs, cette communauté, les quelques irréductibles (a) ne poseront alors plus de problème.En fait, cette étude vise le judaïsme marocain dans son entier, celui qui subsiste ici, celui qui, est dispersé et déraciné en Occident, celui qui s’est trouvé transplanté dans un Etat dont le nom était si chargé de symbole pour tout juif et qui y découvre, actuellement, que sous ce nom se cache une entreprise de prolétarisation, d’anéantissement culturel et une aventure militariste et raciste.
Cette entreprise qui a ainsi mystifié le judaïsme marocain, dans le cadre d’une mystification générale du judaïsme, a couronné l’oeuvre coloniale de déracinement commencée il y a un siècle. A travers la synthèse de ce processus, nous voulons faire partager notre conviction, qui n’a été que renforcée par l’étude des documents tant du passé que du présent, que la prise de conscience de cette mystification est inéluctable, que le judaïsme dans le monde arabe, prisonnier du sionisme, prendra conscience de sa solidarité profonde avec la révolution arabe et contribuera ainsi à faire éclater la dernière entreprise historique du capitalisme à enfermer les juifs dans un ghetto, et quel ghetto… à l’échelle mondiale
Pour contribuer à cette prise de conscience, la recherche rigoureuse de la vérité est indispensable. L’auteur de ces lignes ne prétend pas y être plus apte que d’autres. Mais l’appui sur les critères et les principes du socialisme scientifique peut permettre d’échapper, autant que faire se peut, au subjectivisme. Ce qui ne veut pas dire que cette démarche ne doive pas tenir compte, au contraire, des facteurs super structurels, de culture, d’idéologie, de religion. Mais l’histoire même du sionisme montre, par ses impasses qui se dessinent et se développent, que l’on ne peut isoler et déformer indéfiniment ces facteurs Par ailleurs, nous nous efforcerons, dans cette étude, de citer le moins de noms possible. Non que l’Histoire n’ait un jour à régler ses comptes avec certains. L’heure en sonnera lorsque les chemins d’une nouvelle symbiose judéo arabe seront retrouvés. Mais nous n’hésiterons pas à fustiger ceux qui continuent aujourd’hui, y compris au sein de l’Etat sioniste, leur travail de mensonge.
Pour accélérer cette prise de conscience, le mouvement national doit, en ce qui le concerne, critiquer ses propres démarches de nationalisme bourgeois plus ou moins tenté d’interpréter le sionisme comme un phénomène isolé et lié aux seuls facteurs religieux. Dans le monde arabe, El Fath a montré la voie, et dès avant juin 1967. Saluons le fait, lourd de conséquences pour l’avenir, que les hommes politiques qui furent longtemps seuls, ici, à se placer sur ce terrain soient maintenant rejoints par l’ensemble des organisations nationales. Il reste à en faire une réalité dans la vie quotidienne, à retrouver ainsi et à reconstruire la réalité nationale.
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