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La succession du président Boumediène

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  • La succession du président Boumediène

    Les obsèques extrêmement populaires du Président Boumediène le 27 décembre 1978 ont montré l'attachement du peuple algérien à ce qu'il est convenu d'appeler les acquis des orientations politiques de l'Algérie: lutte pour l'indépendance économique nationale, puissance des investissements étatiques, organisation d'une participation même relative de la base à la gestion des affaires publiques, redistribution de la rente pétrolière, etc.

    La Constitution nouvellement adoptée désigne le Président de l'Assemblée Populaire Nationale pour assurer l'intérim de la Présidence de la République. M. Bitat a quarante cinq jours pour organiser l'élection d'un nouveau Président de la République. C'est un Congrès du Parti du FLN qui doit désigner le candidat unique à la fonction suprême de l'Etat.

    Ainsi se trouve accélérée la réunion du Congrès du Parti du FLN que le Président Boumediène concevait comme une étape importante de la rénovation de l'organisation permanente.

    1. -LA SUCCESSION DU PRÉSIDENT BOUMEDIÈNE

    L'année 1978 a été celle des congrès de la presque totalité des organisations de masse: UGTA, UNPA, ONM, UNFA (cf. Chronique politique H. Michel in AAN 1978). De profondes transformations dans les directions nationales, en particulier dans l'UGTA, ont permis l'émergence de nouveaux militants indispensables au renouvellement des forces du Parti du FLN. Le Congrès de l'UNJA qui devait se tenir durant la dernière semaine de décembre 1978 est repoussé au 6 janvier en raison du décès du Président Boumediène.

    La préparation du congrès a déjà été l'objet de nombreux affrontements entre étudiants volontaires et permanents des kasmates quant au renouvellement des bureaux de sections et à la désignation des délégués. Dans son discours d'ouverture, M. S. Yahiaoui rend un profond hommage à la mémoire du Président défunt et à sa conception de l'organisation de la jeunesse: « L'organisation puissante qui sera édifiée par les jeunes doit avoir pour objectif de garantir la continuité de la Révolution, de la préserver et de lui permettre d'aller toujours de l'avant '".

    A l'unanimité, les jeunes délégués désignent leur congrès, Congrès Houari Boumediène. Cette unanimité cache mal les profonds clivages qui traversent pendant quatre jours l'assemblée autour de thèmes aussi divers que la vie culturelle dans l'entreprise, au lycée, à l'Université ou dans le quartier, le développement du sport, la place de la jeune fille dans l'UNJA, ou la mise à disposition permanente de locaux par le Parti.

    Les délégués ont réclamé un enseignement scientifique adapté aux réalités nationales pour maîtriser les technologies importées. La violence du débat sur l'arabisation a imposé l'intervention de M. S. Yahiaoui pour rétablir le calme de la réunion. Le "caractère progressiste, progressif et scientifique qui doit animer l'arabisation," a été réaffirmé. L'hétérogénéité sociale du congrès a ouvert des divergences quant à la prise en compte des préoccupations respectives des diverses catégories sociales présentes dans la jeunesse: ouvriers, chômeurs, paysans, émigrés, lycéens, étudiants... Bientôt ces divergences tournent à l'affrontement politique lorsque les étudiants volontaires réclament la création d'une Commission Nationale Etudiante visant à faire avancer la satisfaction de leurs revendications. Craignant une renaissance du mouvement syndical étudiant, la tendance conservatrice liée à l'appareil du Parti tente de dresser les délégués contre les étudiants. Ces derniers sont accusés de corporatisme et de division du mouvement de la jeunesse. M. S. Yahiaoui intervient de nouveau pour rétablir les règles démocratiques de fonctionnement. Il est hué par les délégués représentant l'appareil conservateur du Parti qui l'accusent d'intelligence avec les communistes. Le congrès adopte un compromis favorable aux étudiants : "Il a été décidé de créer des commissions de travail pour chaque catégorie de la jeunesse ainsi qu'une commission nationale permanente des étudiants composée des membres du Conseil national et présidée par un secrétaire national". (1)

    La composition du Conseil National de l'UNJA et de son Secrétariat entérinée par le congrès accuse ce changement de majorité. Les anciens membres de la JFLN perdent le contrôle de l'organisation au profit de jeunes militants liés au volontariat étudiant pour la révolution agraire. Dans son discours de clôture, M. S. Yahiaoui souligne que ce congrès, comme les précédents, "a conduit à l'émergence de directions représentant une large base militante d'une façon réelle et totale, et a favorisé la réunion de conditions objectives garantissant le succès du congrès du Parti du FLN".

    Plusieurs courants politiques, représentés chacun par une personnalité, s'affirment en mesure de diriger les affaires du pays au nom de tout le peuple et pour son bien être. Il y a bien sûr le courant socialiste que cristallise en cette période M. S. Yahiaoui, responsable exécutif chargé de l'appareil du Parti et installé en 1977 par le Président Boumediène lui-même.

    Une campagne de dénigrement menée dans les milieux dirigeants depuis le congrès de l'UNJA vise M. S. Yahiaoui en le transformant en cheval de Troie d'une idéologie étrangère.

    A l'opposé le courant libéral partisan de l'utilisation du potentiel économique étatique par la bourgeoisie nationale se reconnaît dans la candidature potentielle de A. Bouteflika. Les grands propriétaires terriens rassemblés autour de M. Benchérif, ministre de l'Hydraulique, de l'Environnement et de la Bonification des terres ne se reconnaissent dans aucun de ces deux courants: ils s'opposent à la révolution agraire et réclament la restitution des terres nationalisées; l'ouverture vers le monde occidental prônée par A. Bouteflika va à l'encontre des valeurs "féodales", de cette aristocratie terrienne.

    Enfin, une partie des officiers et sous-officiers représentatifs de l'aile gauche de l'armée poussent à la candidature le colonel Hadjérès, commandant de la Véme région militaire.

    Les affrontements entre ces principaux courants ne sont pas seulement politiques. Ils recouvrent de profondes querelles personnelles liées à des luttes d'influence passées et présentes. Ce qui rend toute compréhension de ce moment historique plus difficile. D'autre part, l'unicité du Parti interdit toute publicité à ces affrontements. Les hésitations et les flous de la presse nationale durant cette période désignent, en creux, les débats qui se déroulent en haut lieu. L'un de ceux-ci tient à l'interprétation des textes législatifs et partisans.

    Le courant libéral réclame la désignation d'un Président de la République et d'un Secrétaire Général du Parti du FLN. A. Bouteflika brigue le premier poste, décisif dans un régime présidentiel, et abandonne provisoirement le second à ses adversaires. Ce même courant cherche à faire désigner le candidat à la fonction suprême par une conférence nationale de cadres qui rassemblerait les hauts fonctionnaires et les responsables des sociétés nationales, en place et lieu du Congrès du Parti.

    Un autre conflit éclate à propos de l'appellation du congrès. Le courant de gauche entend confirmer la continuité de l'orientation socialiste issue de la lutte de libération nationale, tandis que A. Bouteflika veut tourner au plus vite la page de la radicalisation du régime de Boumediène.

    Les partisans de l'orientation socialiste imposent leur point de vue en baptisant le congrès à tenir Quatrième Congrès. Les trois premiers congrès sont ceux de la Soummam (1956), de Tripoli (1962) et d'Alger (1964).

    El Moudjahid du 21 janvier 1979 rend compte de cette continuité en publiant un article historique sur le Congrès de la Soummam.

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    Dernière modification par Alain, 28 décembre 2009, 23h50.

  • #2
    Le soutien que A. Bouteflika reçoit des mass media français -qui en font déjà le candidat officiel -ou américaines, les promesses saoudiennes de prêts financiers à une Algérie libérale desservent le candidat à l'ouverture vers l'Occident.

    A l'opposé, des déclarations trop tranchées de M. S. Yahiaoui ternissent son image de modéré. Non soutenu par l'armée, il doit s'effacer.

    Des progressistes soutiennent alors M. Bencherif contre A. Bouteflika, considérant celui-ci comme plus dangereux pour leur projet socialiste.

    C'est en fait l'aile la plus radicale de l'armée qui aura raison d'A. Bouteflika en s'opposant fermement à une candidature soutenue par l'étranger. Le colonel Chadli Bendjedid, déjà devenu Coordinateur des forces armées à la fin de 1978 en raison du compromis qu'il représentait dans l'armée, se trouve alors, pour les mêmes raisons, porté à la candidature à la fonction suprême.

    Commandant de la Région Militaire d'Oran, profondément nationaliste, ayant pris ses distances avec les questions politiques, mais intéressé à quelques affaires commerciales ou foncières locales, il ne représentait pas vraiment ce compromis de barrage à la candidature d'A. Bouteflika. Et ce, d'autant que ce compromis politique était porteur d'orientations socialistes très affirmées.

    Durant toutes ces péripéties de désignation du candidat à la Présidence de la République, la commission préparatoire du Congrès du FLN installée par M. Rabah Bitat a rédigé les projets de résolution et de statuts du Parti. Elle a aussi dressé la liste des catégories sociales et politiques qui constitueront le congrès: représentants élus des kasmates du FLN, conseils nationaux des organisations de masse, représentants de l'ANP, de l'appareil central du Parti, membres du Conseil supérieur islamique, de l'APN, présidents des assemblées des travailleurs, walis, présidents des APW, commandants des secteurs militaires, membres du gouvernement, du Conseil de la Révolution.

    Participeront aussi au congrès des hauts fonctionnaires (secrétaires généraux des ministères, diplomates) et les responsables de certaines sociétés nationales.

    En tout, ce sont 3 290 délégués qui se retrouvent le 27 janvier pour cinq jours à la salle du 19 juin du complexe olympique d'Alger. M. S. Yahiaoui y prononce un très important discours d'ouverture affirmant la continuité politique de l'Algérie. L'orateur situe d'emblée la place de la religion dans la nation algérienne: «L'Islam a exprimé avec force les idéaux auxquels adhère notre peuple. Il a incarné fidèlement ses aspirations à la liberté, la justice et l'égalité. Sous son égide, le peuple a été éclairé et a fait siens les principes de justice et d'égalité qui appellent à la Révolution contre l'exploitation et l'injustice"

    M. S. Yahiaoui stigmatise les faiblesses idéologiques et politiques du FLN de la guerre de la libération. Le radicalisme de l'analyse n'est pas sans rappeler celui des congrès de Tripoli et d'Alger. C'est l'heure de l'autocritique et «il faut reconnaître que le Front de Libération Nationale, pour sa part, a favorisé l'apparition d'insuffisances en présentant des candidats qui ne remplissaient pas les conditions et les critères requis" pour participer aux assemblées des travailleurs dans l'industrie.

    L'orateur dénonce l'absence d'engagement politique des cadres en rappelant que « le socialisme ne peut être concrétisé que par la présence de socialistes aux postes de responsabilités ". Les opérations de sélection et d'adhésions sont désignées comme la voie vers "l'assainissement de la base militante" qui jette "des fondements solides pour un Parti d'avant-garde"

    Enfin voici, nous semble-t-il, toute la philosophie politique de l'Algérie résumée ici: «Nous sommes fermement convaincus que le développement économique n'est pas seulement une opération technique que résument les chiffres et les statistiques, mais constitue aussi, selon notre point de vue, une bataille sociale politique et culturelle qui ne saurait donner pleinement ses fruits que si elle s'appuyait sur les masses encadrées, en tant que moyen et finalité et les principales intéressées au développement"

    Ce bilan critique est diversement apprécié. D'une part les permanents, sclérosés dans leurs fonctions, le ressentent comme une attaque individuelle et une menace pour leurs privilèges. D'autre part, des militants du courant socialiste trouvent précoce cette autocritique qui ouvre la porte aux déclarations de faillite de l'orientation socialiste que ne manqueront pas de proclamer leurs adversaires. Ce discours a au moins le mérite de permettre aux délégués de base de faire entendre leurs positions, préoccupations ou craintes pendant le débat général qui dure trois jours.

    Après de longs débats en commissions et sous-commissions le Congrès adopte six résolutions qui confirment les orientations de la Charte nationale. Celle relative aux affaires économiques et sociales prévoit la réunion d'un congrès extraordinaire pour débattre du prochain plan quadriennal (devenu quinquennal par la suite). Les statuts du Parti, adoptés par acclamation, stipulent que le congrès du FLN se tient une fois tous les cinq ans, que le Parti est constitué par le comité de quartier, la cellule, la kasma, la fédération, le comité central (120 à 160 membres), le bureau politique (17 à 21 membres).

    Le Comité Central est élu le dernier jour du congrès. Reflet du compromis politique présent il est hétérogène politiquement. Cependant en fonction de la présence, en particulier, des secrétariats nationaux des organisations de masse, une majorité favorable à l'orientation socialiste s'en dégage.

    Le colonel Chadli Bendjedid est élu Secrétaire Général du Parti du FLN et officiellement désigné comme candidat à la Présidence de la République. Le Bureau Politique élu par le congrès ne reflète par les orientations politiques perçues dans le Comité Central. Les huit membres encore actifs de l'ancien Conseil de la Révolution issu du coup d'Etat de 1965 sont tous reconduits dans le Bureau Politique. Des représentants attendus de l'aile gauche de l'armée n'entrent pas dans cette instance tandis qu'on y rencontre des hommes politiques connus pour leur conservatisme.

    M. Chadli Benjedid est élu Président de la République le 7 février avec 94,23 % des suffrages exprimés. A l'issue de la 1re session du Comité Central (6-8 mars). M. Chadli Bendjedid annonce la constitution du nouveau gouvernement. Celui-ci est profondément remanié. En particulier les personnalités qui ont soutenu la candidature de A. Bouteflika avant que le congrès se prononce définitivement, sont toutes écartées des postes clés.

    A Bouteflika est déchargé du ministère des Affaires Etrangères qu'il occupe depuis 1963 et reçoit le titre honorifique de ministre-conseiller auprès du Président de la République. A. Ghozali quitte les Hydrocarbures pour l'Hydraulique. Enfin, B. Abdesselam (hier aux Industries Légères) et Tayebi Larbi (Agriculture) ne reçoivent aucune fonction gouvernementale.

    Ces changements apparaissent d'autant plus importants qu'ils se situent dans le prolongement du remaniement ministériel effectué par le Président Boumediène en avril 1977 : B. Abdesselam voyait son puissant ministère de l'Industrie et de l'Energie divisé en trois nouveaux ministères, tandis qu'il recevait le moins gratifiant; par ailleurs Tayebi Larbi avait été écarté de l'Agriculture, avant d'y revenir en raison d'occultes pressions.

    Les représentants des grands propriétaires terriens ne reçoivent pas de ministères. Par contre, de nouvelles personnalités connues pour leur engagement socialiste entrent au gouvernement. Par exemple, Mouloud Oumeziane, ancien Secrétaire Général de l'UGTA qui avait démissionné en 1967 face à la caporalisation de la centrale syndicale par Kaïd Ahmed, devient ministre du Travail et de la Formation Professionnelle.

    Il n'y a pas de ministre de la Défense mais seulement un Secrétaire Général, Kasdi Merbah, ancien responsable des services de sécurité. Il lui est adjoint un inspecteur général de l'armée, le colonel Belhouchet qui quitte donc le commandement de la région militaire de Blida.

    Il entre aussi dans ce gouvernement des hommes qui s'affirment plus techniciens que politiques et qui rechercheront avant tout l'efficacité. Enfin, un renouvellement du personnel politique s'ébauche avec la nomination au ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique d'Abdelhak Brerhi qui jouera un rôle important lors des évènements de Tizi Ouzou en 1980 en ramenant le calme par la conciliation.

    L'une des questions en suspens est celle du statut du courant d'opposition à l'orientation socialiste. Hier présente dans les gouvernements de Boumediène à travers les principales personnalités éliminées par le Président Chadli elle ne cherchera pourtant pas l'affrontement avec le pouvoir d'Etat. Elle tentera plutôt d'infléchir la politique des ministères économiques et d'accélérer la désorganisation des circuits de commercialisation des biens de consommation (produits agricoles en particulier) tout en imputant publiquement la responsabilité au gouvernement.

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    • #3
      II. -VIE DU PARTI ET MOUVEMENTS SOCIAUX

      Les membres du Comité Central ont adopté lors de la première session le règlement intérieur du Comité Central, celui du Parti et des propositions d'amendements constitutionnels. Il a été créé douze commissions permanentes et les tâches ont été réparties entre les membres du Bureau Politique. M. S. Yahiaoui est confirmé numéro deux du Parti en devenant coordinateur. Les présidences des commissions sont accordées en priorité aux personnalités du Bureau Politique qui ne détiennent pas de postes ministériels. M. S. Mazouzi est chargé de la commission juridique et d'organisation générale, occupant ainsi une place privilégiée dans la hiérarchie. Tayebi Larbi est le seul membre du Bureau Politique qui n'obtient pas de responsabilités dans le Parti ou le gouvernement.

      B. Abdesselam dirige la commission économique. Il usera de cette qualié pour critiquer, à travers un dossier argumenté, les nouvelles orientations de la politique industrielle et énergétique nationale.

      A. Ghozali, ancien ministre des Hydrocarbures et de l'Energie tombera en disgrâce et perdra ultérieurement (14 octobre) son poste de ministre de l'Hydraulique en publiant, hors des instances étatiques et partisanes, un rapport semblable.

      Le Président Chadli Bendjedid a pris la parole devant le Comité Central pour exhorter la population à accroître les résultats du travail tout en soulignant qu' "aucun relâchement, ni aucune atteinte aux intérêts supérieurs de l'Etat et du citoyen ne seraient tolérés "

      Deux mois plus tard, M. S. Yahiaoui réunissait à Alger les commissaires nationaux du Parti. En application des décisions du IV' Congrès il s'agissait d'élargir les bases du Parti et de renouveler les bureaux des instances de base. Le coordinateur du Parti a stigmatisé à nouveau « les cadres servant dans les secteurs économiques, socialistes et culturels [qui] restent éloignés du cadre politique qui oriente le mouvement de la Nation entière" (2).

      Il les a séparés en deux groupes: ceux dont la mentalité s'éloigne chaque jour de la Révolution et qui n'ont plus leur place dans les postes qu'ils occupent, et les autres que rien ne séparent du Parti et à qui ne manque que l'adhésion effective. Cette distinction s'inscrit dans le droit fil des discours de Tizi Ouzou et de Constantine du Président Boumediène prononcés en 1975.

      Enfin, M. S. Yahiaoui a accordé la priorité à l'organisation de la base du Parti pour en faire une force d'attraction et d'orientation dans tous les domaines. Il a mis en doute le fait que les élections des bureaux de cellules ou de kasmates puissent être remplacés par de simples "renouvellements de confiance" comme le proposaient certains rapports de wilaya.

      On lit dans ce débat l'importance de l'enjeu que constituent ces élections des bureaux des organisations de base et les résistances opposées par certains "fonctionnaires" du Parti.

      C'est pour contrecarrer cette tendance que les cadres du Parti de la wilaya d'Alger ont adopté une résolution ferme contre ceux qui stérilisent l'organisation. Ils demandent «d'observer la rigueur révolutionnaire en matière de contrôle et de procéder à l'élimination du népotisme et du clientélisme" (3). La précision du vocabulaire tranche ici avec les dénonciations floues qui habitent souvent de telles déclarations.

      Le renouvellement des bureaux des cellules et des kasmates se poursuit, éliminant quelquefois de gros propriétaires terriens, des industriels ou de gros commerçants, selon les recommandations du congrès. Cependant la mobilisation populaire indispensable à cette rénovation fait défaut.

      Début février puis début mars les travailleurs du port d'Alger se mettent en grève, revendiquant une hausse des salaires, de meilleures conditions de travail et l'amélioration de la gestion du port. Le travail reprend le 5 mars après un accord intervenu entre les salariés et l'organisme de tutelle. A la mi-mai se réunit la Commission Exécutive de l'UGTA. Elle se félicite des directives données par le Président de la République visant à ouvrir le dialogue entre les ministres concernés et les instances de l'UGTA pour solutionner les problèmes posés par les travailleurs. La résolution finale rappelle avec insistance la devise syndicale: «Pas d'action hors de l'UGTA et point d'unité sans section syndicale".

      Enfin elle appelle "à redoubler d'efforts pour l'augmentation de la production et de la productivité et pour lutter contre toutes les formes d'absentéisme, de gaspillage et phénomènes bureaucratiques qui constituent un fléau pour le développement socio-économique et culturel". On retrouve ici toute la préoccupation de l'efficacité de l'appareil de production qui a accompagné la mise en place de la nouvelle direction politique.

      Durant la même période se tient au Palais des Nations la 3e Conférence de la GSE (8-11 mai). Les mêmes thèmes y sont développés tandis que s'esquisse un bilan économique et social de l'Algérie depuis 1967 fondant des mesures de relance économique. Dans son discours d'ouverture, M. S. Yahiaoui déclare que "les cadres sont des travailleurs productifs " et que de ce fait "toute opposition ou division au sein de la force de travail est une atteinte aux principes de la Révolution et constitue un comportement anti-révolutionnaire". (5).

      Sur un autre plan, M. Oumeziane, ministre du Travail, s'est élevé contre ceux qui présentent "la bataille de la production et de la gestion comme étant une bataille pour l'application d'un taylorisme algérien dans les sociétés nationales". Il met ainsi en cause les techniques perfectionnées d'organisation qui lui sont liées ainsi que "la discipline automatique aveugle et le respect de l'ordre venu par la voie hiérarchique" (6).

      C'est à la fin de l'année, du 26 au 30 décembre que se tient la 2e session du Comité central du Parti. Six résolutions sont adoptées portant sur la politique générale, l'habitat, l'hydraulique, l'enseignement, la création de cellules d'entreprises et le plan. En politique générale, le Comité central réaffirme les engagements intérieurs et extérieurs de l'Algérie. La résolution sur l'habitat souligne l'attention que portent les dirigeants à cette question devenue cruciale : le texte énumère les moyens financiers, technologiques et humains pour construire au moins 100000 logements par an.

      On y reconnaît aussi la nécessité de "la définition et de la mise en œuvre d'une politique de maîtrise de la croissance démographique en étroite corrélation avec les possibilités de notre économie nationale et les objectifs d'amélioration des conditions de vie et de satisfaction des besoins sociaux".

      A propos de l'éducation et de la formation le Comité central propose un bilan critique de la situation faisant état des insuffisances "et des difficultés objectives dont la cause essentielle réside dans l'inadaptation du système de formation dans son ensemble aux options politiques et culturelles ainsi qu'aux exigences du développement".

      Il se prononce pour une planification rigoureuse et globale intégrant tous les secteurs d'éducation et de formation et rappelle le caractère irréversible de l'arabisation.

      Le Comité central décide la création de cellules d'entreprises chargées de ranimation politique, de l'orientation et du contrôle de la gestion des entreprises. Les militants appartiendront aussi à une cellule locale et les kasmates conserveront leur fonction de contrôle et de ratification des adhésions.

      La résolution sur le Plan, quoique courte, reste la plus importante puisqu'elle engage la politique économique nationale pour l'avenir. Le bilan est sans complaisance: maintien de disparités régionales et sectorielles, dépendance de l'étranger, sous utilisation des ressources nationales humaines et financières, utilisation exclusive du pétrole comme source d'investissement, absence d'unité du système formation-éducation, non-respect du plan par gaspillage et bureaucratisme, enrichissements spéculatifs tant au niveau du secteur privé que public, pénurie et hausse des prix sur les produits de première nécessité.

      Les grandes lignes du Plan seront la limitation des exportations des hydrocarbures afin d'éviter un épuisement à trop brève échéance, l'exploitation plus rationnelle du potentiel hydraulique, le redressement de l'agriculture et de l'appareil de formation, le développement prioritaire de l'habitat pour satisfaire les besoins populaires.

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      Dernière modification par Alain, 28 décembre 2009, 23h44.

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      • #4
        III. -LES ACTIVITÉS GOUVERNEMENTALES

        Lors de la session de printemps de l'APN les députés portent la durée du mandat des APC et APW de quatre à cinq ans. L'APN adopte une loi portant code des douanes et qui vise à "mettre un terme aux pratiques illégales et aux comportements négatifs" (7). Lors du débat, M. Aït Messaoudène, ministre des Industries légères, rappelle que "l'Algérie ne reçoit même plus le tiers des entrées en devises d'il y a dix ans puisque ces fonds finissent dans les comptes des affairistes rapaces, avec un taux de change illégal de 200 dinars pour 100 francs français" (8).

        Le ministre des Finances critique l'importation frauduleuse des voitures de luxe revendues trois ou quatre fois leur prix d'usine. Il souligne qu'en 1977 les particuliers ont importé environ 40000 voitures, soit deux fois plus que la Sonacome. Laquelle doit alors se procurer à l'étranger des pièces détachées pour plusieurs centaines de millions de dinars.

        L'APN a adopté les modifications constitutionnelles relatives au mandat du Président de la République (loi n° 79-06, JORA du 10 juillet 1979). La durée du mandat présidentiel est ramené de six à cinq ans. Le nombre des vice-présidents est porté de 1 à plusieurs tandis que la désignation d'un Premier Ministre, hier facultative, devient obligatoire.

        Par ailleurs, en cas de maladie grave et durable, l'état d'empêchement du Président est déclaré par l'APN à la majorité des deux tiers de ses membres pour une durée de 45 jours. L'intérim est assuré par le Président de l'APN. A l'expiration de ce délai -ou du décès du Président de la République -la vacance est déclarée et de nouvelles élections doivent se tenir dans un délai de 45 jours.

        Le Bureau Politique du parti du FLN réuni le 20 juin crée un haut conseil de sécurité constitué principalement du Président de l'APN, du coordinateur du Parti, du Premier Ministre et des ministres de la Défense, des Affaires Etrangères et de l'Intérieur. Ce conseil est chargé de donner au Président de la République des avis sur toutes les questions relatives à la sécurité nationale.

        Parmi les ouvertures politiques pratiquées par le Président Chadli Bendjedid on retiendra l'élargissement limité de l'ancien Président Ben Bella assigné en résidence surveillée depuis quatorze ans. A l'occasion de la célébration de l'indépendance de l'Algérie, celui-ci devient libre de ses mouvements dans la limite de la wilaya de M'Sila, sans toutefois pouvoir recevoir de visiteurs étrangers ni accorder d'interview. En Août, B. Boumaza, ancien ministre, accomplit un voyage privé en Algérie après treize années d'exil. Enfin, le Président Chadli supprime en mars l'autorisation de sortie du territoire national à laquelle étaient soumis les ressortissants algériens depuis juin 1967.

        A l'opposé, la campagne d'assainissement n'obtient pas l'adhésion populaire. Lancée à la fin du mois d'août, elle vise à la fois le toilettage des grandes villes (Alger en particulier) et la lutte contre la délinquance, la spéculation et la contrebande des biens de première nécessité.

        La campagne, engagée par tout le gouvernement et le Parti est bientôt celle du seul Premier Ministre. Les petits délinquants et les jeunes en particulier sont sévèrement poursuivis (cf. Chronique sociale et culturelle) tandis que les gros spéculateurs ne sont pas inquiétés. Les "pénuristes" peuvent continuer à désorganiser l'approvisionnement de la capitale en produits agricoles pour leur plus grand bénéfice.

        Le 7 décembre les électeurs renouvellent les APC. Ils ont à choisir pour chaque siège à pourvoir entre trois candidats sélectionnés par le Parti du FLN. La campagne électorale se déroule dans un climat de faible mobilisation populaire par rapport à celle de 1975 où l'élimination de certains élus marquait un tournant politique et avait permis la réouverture des listes de terres à nationaliser dans le cadre de la 2ème phase de la révolution agraire.

        Le 1er décembre se déroulent les élections des APW avec seulement deux candidats par siège à pourvoir. Le taux de participation officiel, respectivement de 73,4 % et 71,3 % apparaît comme peu élevé.

        La session d'automne de l'APN traite principalement de la Loi de finances de 1980 dont les inflexions par rapport à la précédente illustrent les changements intervenus dans la politique économique (cf. Chronique économique).

        Dix mois sont insuffisants pour apprécier les transformations possibles qu'opère la nouvelle direction politique. On remarquera cependant la continuité du discours politique, en particulier en politique étrangère, par rapport aux modifications en cours en politique économique.

        Dans les entreprises publiques les tensions sociales apparaissent relativement faibles en dépit de quelques grèves (cf. Chronique sociale et culturelle). Par contre, les difficultés de ravitaillement, en particulier en produits frais dans les grandes villes, les mauvaises conditions de transport et la déficience du parc des logements sont source d'un très profond mécontentement populaire.

        Les luttes politiques qui se sont déroulées en coulisse lors de la désignation du candidat à la Présidence de la République se perpétuent avec intensité: il s'agit du reclassement des différentes forces sociales et politiques comme en témoignent les hésitations qui ont accompagné la campagne d'assainissement.

        Les transformations les plus visibles tiennent à l'abandon de la politique précédente des hydrocarbures, à la volonté d'achever les réalisations en cours et à la recherche de l'efficacité de l'appareil de production existant, y compris dans l'agriculture.
        Durant cette année 1979 on assiste au prolongement du compromis politique que le Président Boumediène pensait infléchir au profit des orientations socialistes à travers la rénovation du Parti du FLN par la base. La question devient alors : à quand une nouvelle décantation des forces politiques en Algérie ?

        Jean Pierre DURAND.
        Dernière modification par Alain, 28 décembre 2009, 23h46.

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