Qu’est-ce qui a bien pu se détraquer, en cette année 2009, pour que le Maroc effectue un aussi spectaculaire bond en arrière ? .
Malgré toutes nos fanfaronnades, Aminatou Haïdar a fini par rentrer triomphalement à Laâyoune (lire notre enquête, p. 42). L’Etat marocain n’est donc plus seulement ridicule aux yeux de ses citoyens, il l’est dorénavant aux yeux du monde entier. Logique apothéose, somme toute, d’une année 2009 riche en aberrations politiques, violations de la
Malgré toutes nos fanfaronnades, Aminatou Haïdar a fini par rentrer triomphalement à Laâyoune (lire notre enquête, p. 42). L’Etat marocain n’est donc plus seulement ridicule aux yeux de ses citoyens, il l’est dorénavant aux yeux du monde entier. Logique apothéose, somme toute, d’une année 2009 riche en aberrations politiques, violations de la
Politiquement, le feuilleton majeur de l’année a été celui du Parti authenticité et modernité (PAM). En 2009, le “parti de l’ami du roi” est passé à l’opposition (une idée déjà comique, en soi) – et ce n’était que le début. Après en avoir été l’un des auteurs, Fouad Ali El Himma a violé la loi sur les partis sans vergogne, en noyant les élections communales de candidats transfuges. Grâce à quoi le PAM a tout raflé, devenant, moins d’un an après sa création, le premier parti du royaume. Puis une de ses élues a obtenu la tête d’un wali de Sa Majesté – une stupéfiante première. Puis une autre élue, qui a eu le malheur de ne pas suivre les directives d’alliances fixées par le PAM, s’est retrouvée enlevée et séquestrée par on ne sait quel service secret, puis filmée en plan serré en train de lire un texte sous la contrainte, dans la grande tradition des otages irakiens ou sud-américains. Puis le président du PAM, tout “opposant” soit-il, s’est retrouvé catapulté à la tête de la seconde chambre du Parlement… Bref, si la crédibilité de la vie politique marocaine était déjà moribonde, le “parti de l’ami du roi”, en 2009, lui a donné le coup de grâce.
Autre séquence spectaculaire de l’année qui s’achève : le règlement de comptes féroce et général de l’Etat avec la presse. Cela a commencé par l’aberrante censure d’un sondage créditant Mohammed VI de 91% d’opinions favorables (!), avant que la machine ne s’emballe. Tout à coup, la police s’est mise à interroger les journalistes pendant des jours et des jours, par pelletées de 10, un journal a vu sa parution illégalement arrêtée et ses locaux arbitrairement fermés, un autre, ses comptes bancaires saisis, un troisième, son mobilier vendu aux enchères, un quatrième, son directeur jeté en prison (il y est encore)… On en oublie.
Puis il y a eu cette gestion désastreuse du dossier Sahara. Cela a commencé par un discours royal inexplicablement violent, puis cela s’est poursuivi par l’arrestation de sept indépendantistes pour des motifs qui, quelques jours plus tôt, ne leur auraient valu aucun ennui. Enfin, cela s’est conclu par l’injustifiable expulsion de Mme Haïdar, qui s’est soldée par la pire humiliation que notre diplomatie ait jamais eue à subir. Résultat : alors que nous étions en excellente posture diplomatique et que le Polisario était au plus bas, nous avons réussi à inverser totalement la situation… tous seuls, par la faute d’un amateurisme à peine croyable de nos officiels !
Citons pour finir quelques “bricoles”, comme cette tante du roi qui taillade les visages des gens à l’arme blanche en pleine rue, sans être poursuivie ni même inquiétée ; l’emprisonnement d’un militant des droits de l’homme, puis d’un blogueur pour “atteinte à la réputation du Maroc” ; deux quasi-incitations au lynchage émises par le ministère de l’Intérieur à l’encontre des homosexuels, puis des militants des libertés individuelles ; et, last but not least, cette série d’humiliations infamantes infligées à d’anciens grands serviteurs du trône, de Bakkoury à Oudghiri en passant par Laânigri…
Mais que s’est-il donc passé, en 2009, pour que le Maroc effectue un aussi spectaculaire bond en arrière ? Qu’est-ce qui a bien pu se détraquer, brusquement, en cette année de 10ème anniversaire du règne de Mohammed VI ? Seule une petite poignée de gens connaît la réponse. Vu l’extrême personnification du pouvoir qui caractérise le Maroc, on peut affirmer sans trop de risques que cette poignée de gens gravite dans le secret des palais royaux – autant dire qu’ils resteront muets comme des tombes. Conclusion : notre pays plonge dans le gouffre, mais nous ne saurons jamais pourquoi. De tous les déplorables constats enregistrés en 2009, celui-là est le pire.
Rien à rajouter messieurs questions à tous mes cocitoyens qu'est ce qui s'est vraiment passé cet année?!
je peux pas être l'avocat du diable et cet année on a connu pas mal de point negatif, y a bien eu une raison! lah yesster welah
autre article du même journal
Année névrotique
En 2009, la démocratie marocaine n’a pas bougé d’un iota. Sur le fond, le roi maîtrise tout et a le doigt pointé sur tous les boutons. C’est lui, et lui seul, qui a le pouvoir, le droit, d’actionner les leviers de développement, d’initier les réformes et de prendre les décisions au moment et de la manière qu’il veut. Tout ce qui tient lieu de “forme”, c'est-à-dire le jeu politique, est organisé de façon à nourrir cette situation. Les agitations de Fouad Ali El Himma et de son PAM, dont le seul projet de société consiste à gagner partout où il se présente, et
Sous pression
Heureusement que la vie d’un pays ne se réduit pas à ces petits jeux lassants et sans surprise. Le status quo en haut est sans commune mesure avec l’effervescence et les batailles qui animent le Maroc du bas, le nôtre, celui des gens “normaux”, de la société et de la rue. En 2009, la pression sociale a revêtu plusieurs formes, pas seulement celle des sit-in de protestation contre la cherté de la vie. La pression sociale, c’est une poignée de jeunes qui relancent le débat sur la liberté de ne pas observer le ramadan. C’est un chercheur (Mohamed Abed Al Jabri, le plus respecté après Abdellah Laroui) qui a l’audace de reclasser les sourates du Coran. C’est la blogosphère qui s’improvise en une cyber-dissidence pleine d’avenir. C’est Aïcha Ech-Channa dont la reconnaissance mondiale ouvre des portes incroyables pour les femmes d’ici. C’est le débat sur l’avortement qui atterrit enfin au parlement. C’est aussi la presse écrite, à la veille de légaliser les sondages, tous les sondages. C’est tous ces gestes, ces femmes et hommes dont l’action s’inscrit en rupture de la société et du cours ronronnant des choses.
Protégeons, protégeons
En parlant de gestes, il y en a un, tout petit, qui ne risque de figurer dans aucune rétrospective de l’année qui se meurt. Parce que le sujet semble abstrait et peu spectaculaire. Il représente pourtant à lui seul une réelle avancée pour un Maroc libre et moderne. La protection des données personnelles. Cela fait au moins 5 ans, depuis la ratification des accords de libre-échange avec les Etats-Unis, que le Maroc sait qu’il doit se conformer à certaines normes. Dont celle relative à la protection des données personnelles. Initiée en 2008, la loi n’est devenue loi, avec publication dans le Bulletin Officiel, qu’en 2009. Donc, elle existe. Dans son esprit, cette loi signifie que, en dehors de certaines conditions exceptionnelles que l’on pourrait qualifier de raisons d’Etat, nul n’a le droit de véhiculer ou d’utiliser vos données personnelles. Dans son esprit toujours, la loi, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ne cible pas tant les milieux sécuritaires que les grands opérateurs économiques. Tous ces messages qui envahissent votre téléphone, ou vos ordinateurs, seront considérablement réduits, nettement mieux régulés. Pour commencer, en attendant d’autres changements dans le bon sens. C’est cela la promesse, et elle est de taille. Maintenant, comme d’autres textes à la très forte symbolique (exemple de la loi sur la déclaration de patrimoine), la loi sur les données personnelles, dont on n’a pas fini de mesurer toutes les conséquences, attend toujours ses décrets d’application. Un détail sans lequel elle restera purement théorique. Gageons que cela ne saurait tarder. Surtout si, comme on le pense, nos partenaires américains nous mettent un petit plus de pression.
C’était demain
Finalement, qu’est-ce qui a le plus compté en cette année 2009 ? Il faudra attendra 2010, ou 2020, et pas seulement parce que les chiffres sont ronds, pour espérer la bonne réponse. Aujourd’hui, avec le peu de recul dont nous disposons, nous ne sommes pas sûrs, mais alors pas du tout, si la nouvelle configuration du champ politique après les communales de juin est plus conséquente, plus impactante, que le demi-nu de Nadia Larguet en couverture de Femmes du Maroc. Tant mieux.
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