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    Cosmos mécontent

    par Kamel Daoud
    Vous voulez savoir pourquoi le président de la RADP a toujours l'air mécontent ? Ce n'est pas à cause des fameux équilibres des pouvoirs, ni de quelques listes de nomination remises en question par l'entourage, ni à cause d'une politique de relance qui a relancé la corruption avant de relancer le pays vers sa lune. Pour comprendre, il faut se tourner vers la métempsycose: la doctrine de la réincarnation des âmes, mais dans le sens de «Les martyrs reviennent cette semaine». Explication: il faut imaginer Boumediene (dont c'est l'anniversaire de plus en plus discret de sa mort) vivant, revenu de l'ex-URSS en bonne santé et ayant compris que le socialisme était réversible mais pas le sous-développement. Un Boumediene qui sort le matin, trente ans après les premières réformes en instance, et qui se retrouve dans un monde qui n'est pas le sien, avec un peuple devenu une foule éparse, une UNJA concurrencée par les harraga et un non-alignement réduit à un sommet sur le climat à Copenhague. Désorienté donc dans sa géographie sacrée, ce Boumediene entame chaque journée dans un monde où les satellites n'obéissent pas à ses discours comme le fait la RTA et doit faire face à un régime qui n'est pas son Etat et des généraux qui dépassent de loin et de tour de taille son grade de colonel symbolique. Perdu et en miettes mentales, il devra accepter, chaque matin, que le fellah des années 70 est devenu importateur de lentilles et pois cassés et que l'Algérie est de moins en moins indépendante de son pétrole et que la suffisance alimentaire est un acte fourbe individuel. Avec un pays qui lui en veut au lieu de l'admirer, qui l'accuse au lieu de le remercier et qui n'est jamais content, ce Boumediene qui s'appelle Bouteflika ne peut donc sourire tout le temps ni se sentir bien et synchronisé avec l'histoire de son peuple. Chaque matin il lui fautconstater à quatre-vingts ans que ses vingt ans ont été un bouquet de fleurs jeté par la fenêtre d'un avion au-dessus de Bandung et que le billet de 50 DA est devenu le souvenir d'un tracteur. Le service militaire collectif n'existe plus, tout autant que Messadia, l'OFLA et ses frigos, Arafat et le paquet des AFRAS. C'est-à-dire vivre dans une présidence encerclée de toutes parts par des Aswak El Fellah militarisés, et se sentir si seul dans un monde sans Brejnev et où les Algériens sont devenus violents, durs dans les yeux et à peine inquiétés par les coups de feu ou la charge des CRS et où il ne suffit pas de parler pour que les choses s'accomplissent.

    On comprendrait alors pourquoi l'actuel président de la République, enfant d'une époque passée et père d'une époque qui ne veut pas venir même si on la paye bien, se sent tout le temps en colère, amer, a le regard qui reproche au destin d'avoir été un brouillon et en veut à ceux qui sont proches de lui, ceux qui ne veulent pas se rapprocher et à ceux qui lui tiennent tête. A tout le monde, sauf aux enfants et aux photos en noir et blanc de son époque.



    Le Quotidien d'Oran
    " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "
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