Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Identité nationale : Lettre ouverte d’un écrivain franco-marocain au Président Sarkoz

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Identité nationale : Lettre ouverte d’un écrivain franco-marocain au Président Sarkoz

    De Mustapha Kharmoudi

    Monsieur le Président,

    Je ne supporte plus ces dérapages volontaires, ces phrases imbéciles qui explosent comme des bombes mortelles des bouches haineuses de vos ministres et de votre entourage.

    Je ne suis pas de votre bord politique, mais j’ai toujours su garder le respect nécessaire à votre fonction. Maintenant, à vrai dire, je commence moi aussi à éprouver la même haine à votre égard et l’égard des vôtres... Et pour que les choses soient dites sans détour et avec la même désinvolture que vos émissaires en terre FN, votre idée de la France, je n’en veux pas. Mieux : votre France, je n’en suis pas, je vous la laisse ; gardez-la pour vous et pour les vôtres, faites-en une réserve pour une seule « espèce » de citoyens à l’exclusion de toutes les « racailles » envahissantes que nous sommes nous autres.

    Pourtant il m’a fallu du temps pour me sentir membre à part entière de cette belle aventure qu’on nomme France. Déjà par un apprentissage précoce de la langue de Molière depuis ma tendre enfance au fin fond de la campagne marocaine. Ensuite par quarante longues années de vie parmi ce paradoxal peuple de France : aussi généreux qu’inquiétant. Mais aujourd’hui j’en arrive à comprendre les jeunes que vous nommez « racailles » quand ces jeunes sifflaient la Marseillaise. Pourtant à l’époque cela m’avait offusqué. Oui, je n’en peux plus de courir après « votre » France, que vos diatribes estampent de devant moi tel un mirage qui s’éloigne indéfiniment. J’en ai assez de me rapprocher de gens qui sans cesse jettent le doute sur ma « fidélité française » à cause de mes origines et de mes supposées croyances. J’en ai assez de subir l’invective à chaque fois qu’un gouvernement et un président sont en mal de popularité.

    Avec l’âge, je ne crois plus guère que le temps règlera les choses sans heurts voire même sans violence, vu que le temps qui passe ne fait qu’aggraver la situation. Alors, autant jouer franc jeu, si j’ose employer ce terme : à partir d’aujourd’hui, je cesse de défendre mon identité française. Peut-être vos ministres xénophobes s’en donneront-ils à cœur-joie et se laisseront aller à plus d’accusations racistes. Peut-être des mouvements extrémistes (des deux bords) vont-ils exploiter cette situation. En vérité, cela m’importe peu dorénavant. Et je vais de ce pas militer pour que nous soyons nombreux à s’octroyer une certaine « objection de conscience identitaire ».

    Monsieur le Président, c’en est trop que vos discours et ceux des dirigeants politiques en général distillent impunément et à longueur de médias cette idée venimeuse qu’un fossé infranchissable sépare les bons Français de nous autres les métèques, les « musulmans », les « quand il y en a un ça va... », les « non white », les « gris par mariage », « les qui sifflent la marseillaise », enfin toutes ces hordes et les rejetons de ces hordes qui ont fui les guerres, les dictatures et « toute la misère du monde ». Bref, les impurs voire même les impies d’une France et d’une Europe si radicalement chrétiennes qu’elles ne sauraient accueillir en son sein ces turcs musulmans...

    Si ce n’était que politique politicienne, on pourrait se terrer le temps d’une campagne électorale. Mais vos discours renforcent au sein de la population les comportements les plus discriminatoires, une discrimination qui met déjà au banc de la société des pans entiers de la jeunesse « non native », même quand cette jeunesse est diplômée des fleurons de nos universités. Pour nommer les choses telles qu’elles sont, vos méthodes ressemblent à s’y méprendre à quelque stratégie – consciente ou inconsciente - d’apartheid. Et, à mon niveau, j’ai comme le sentiment que vous savez ce que vous faites. Quoi qu’il en soit, tout semble illustrer votre état d’esprit ségrégationniste : votre jeu de petites phrases malsaines ne nous est-il pas en fin de compte destiné : histoire de nous faire comprendre que vous êtes de ceux qui sauront nous mettre au pas le moment venu ? Ne sert-il pas aussi à rassurer les « vôtres » et à les protéger de toute mixité contagieuse ?

    Comme ce pays bascule de jour en jour dans le repli, je suppose qu’il n’y a aucune raison que cela s’arrête. Je sais que les nombreuses campagnes électorales à venir seront autant d’occasions de « nous » vexer, de « nous » humilier, de nous classer dans la catégorie « non intégrable » malgré « votre » immense hospitalité française... Eh ben, soit ! Jouons donc ensemble à ce jeu vicieux puisque vous semblez y tenir tant. Mais il vous faudra vous habituer à un changement nécessaire afin que les règles soient moins « injustes » : nous n’accepterons plus dorénavant votre injonction à être français selon votre bon vouloir. Non, vous ne pourrez plus nous sommer d’être ceci ou cela, encore moins sous peine d’excommunication...

    Pour ma part, j’affirme ne pas me sentir français quand je vous entends parler des « miens » avec arrogance et mépris. A vrai dire, votre façon d’être français me fait plutôt honte. Non, je ne suis pas de « votre » France, je ne suis pas de cette France frileuse, repliée sur elle-même, de cette France raciste qui pense qu’un jeune français de confession musulmane est un être à part, un être dangereux, asocial. Tout comme hier dans les colonies. Bref, je ne suis pas de cette France chrétienne avec des relents collaborationnistes voire même croisés...

    Non, Monsieur le Président, votre France n’est plus la mienne. Gardez-la pour vous et pour les vôtres. Et parquez ceux qui ne partagent pas votre conception de la France, cette France qui hait ses jeunes dont le faciès n’est pas aux normes, cette France qui dresse un mur entre elle et nous autres « dangereux étrangers ». Oui, c’en est fini de nous prêter à ce jeu stupide qui consiste à ce que les plus « méchants » de la classe politique nous insultent et nous vexent pendant que les plus « gentils » nous somment de ne pas crier de peur de réveiller la bête immonde...

    Aussi, j’appelle tous ceux qui en ont marre de cet affront à se rebeller, à se révolter. Je leur demande de crier haut et fort qu’ils ne sont plus français, en tout cas pas à la manière de ces racistes qui nous pourrissent la vie par des vexations assassines pour voler quelques voix à l’abject Le Pen... Je demande à tous ceux qui se sentent concernés de se mettre en quelque objection de conscience identitaire.

    Éventuellement, nous voudrons bien faire partie d’une autre France si tant est que nos politiques nous en offrent les perspectives, la France des Lumières, de la grande Révolution française, celle de la résistance et celle qui a combattu l’esclavage et le colonialisme. Oui une France qui saurait respecter chaque français, quelle que soit son origine, qui le traite à égalité des droits et des devoirs, sans préjugé et surtout sans cette haineuse discrimination qui agit en écho à la haine qui transparaît jusqu’aux cœur même du pouvoir...

    Mustapha Kharmoudi
    Ecrivain franco-marocain
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    SOLAS


    BONNE ET HEUREUSE ANNEE A TOI ET TA FAMILLE



    Je te félliciter pour la publication de cette lettre sur FA


    Je dit à l'écrivain de continuer sa lutte quoi qu'il arrive l'arme d'un stylo et meilleur qu'une bombe atomique

    Les Français de souche n'ont jamais était des raciste même pendant la période coloniale

    Félicitation encore COLLAS et j'espère que nos frères émigrés participe a cette discusion qui est trés riches politiquement

    Commentaire


    • #3
      Qu’est-ce que ce billet est censé réveiller? La solidarité entre les exilés, les immigrés, les greffés des terres d’accueil? Ou encore mieux, une insurrection?
      Je ne supporte plus ces dérapages volontaires, ces phrases imbéciles qui explosent comme des bombes mortelles des bouches haineuses de vos ministres et de votre entourage.
      Parce que les immigrants ne veulent pas comprendre qu’ils sont et seront toujours considérés comme tels, et que par conséquent, ils doivent s'adapter. Alors aux grands maux, les grands remèdes….Ceux qui provoquent les remous, doivent s'attendre à en faire les frais.
      Je ne suis pas de votre bord politique, normal
      Bien sûr que tu ne l'es pas parce que son bord politique, dont tu es la principale cause, te rappelle tes origines que tu sembles oublier et va à l'encontre de ce que tu veux instaurer
      Oui, je n’en peux plus de courir après « votre » France
      Mais est-ce quelqu'un t'a demandé de faire cette course effrénée? Tu as décidé tout seul de te battre contre le vent, de brasser des idées folles pour te prouver que faute de pouvoir te faire une place dans ton pays, tu la feras ailleurs.... Retourne chez toi, personne ne s’en rendra compte.
      à partir d’aujourd’hui, je cesse de défendre mon identité française. Monsieur le Président, votre France n’est plus la mienne
      Elle n’a jamais été tienne, c’était juste dans ta tête.
      la France des Lumières, de la grande Révolution française, celle de la résistance et celle qui a combattu l’esclavage et le colonialisme. Oui une France qui saurait respecter chaque français, quelle que soit son origine, qui le traite à égalité des droits et des devoirs, sans préjugé et surtout sans cette haineuse discrimination qui agit en écho à la haine qui transparaît jusqu’aux cœur même du pouvoir...
      Ce monsieur délire....et les colonies françaises? et le protectorat français? Il s'attend peut-être à ce que le système s'adapte à ses rêves fous . Il revendique ce que la France ne lui reconnaît pas. Réveillez-vous, la France est pour les français, et les autres, ces insatisfaits, ces quêteurs, ces installés d'infortune, que la France accueille quand même, n’ont qu’à s’y fondre anonymement ou aller voir ailleurs. Revendications et dépassement sont à l'origine de cette prise de position de la France. Les idées folles des uns donnent naissance à des décisions folles aux autres. Il faut bien mettre un frein à cette folie quêteuse! Je ne sais pas pourquoi les habitants du tiers-monde, quand ils s’installent en terre étrangère, éprouvent toujours le besoin de clamer haut et fort et vouloir à tout prix s’imposer et s’approprier plus qu’il ne leur est consenti. Il quitte son pays pour x raisons, vit dans le pays d’accueil de son choix et après avoir pris ses aises, se met à râler! Ils se permettent de revendiquer, de croire que tout leur est dû et font un tintouin à partir d’un rien…. L’occident nous fout la paix, personne ne vient s’installer sous nos cieux miséreux pour s’affirmer ou revendiquer quoi que ce soit…. Et les nôtres se démènent et vendent leur âme au diable pour obtenir visa, autorisations, cartes de séjours, permis de travail etc, et ensuite se mettent à grogner pour changer le système établi!
      Les Français de souche n'ont jamais était des raciste même pendant la période coloniale.
      Pour la simple raison qu'à cette époque, ils croyaient que l’Algérie serait à eux pour l’éternité et l’algérien n’était à leurs yeux qu’un indigène, à leurs services.

      Commentaire


      • #4
        Brume


        je n'ai pas parlé de l'algérie j'ai parlé des collonies d'une façon générale

        quand au indigène c'est une autre paire de manche


        ce que revendique le monsieur c'est sont droit le plus absolu en tan que français

        Commentaire


        • #5
          Voici egalement une lettre ouverte tout aussi interessante ecrite par un Francais d'origine Algerienne en reponse au billet que Sarko a ecrit dans le Monde sur les minarets:

          Cher Nicolas, Mon cher compatriote,

          Tu as écrit une tribune dans Le Monde (9 décembre) qui a retenu toute mon attention. En effet, tu t’adresses à tes « compatriotes musulmans », et c’est mon cas, moi Mouloud Baubérot, frère siamois de celui qui tient ce blog.

          Comme une lettre ne doit pas rester sans réponse, alors j’ai décidé, à mon tour de t’écrire. Après tout, toi aussi tu es mon « compatriote ». Et puis, comme je suis professeur d’histoire en terminale, j’ai l’habitude de corriger des copies.

          Nous allons le voir, il y a plein de belles idées dans ta lettre, et je vais pouvoir te citer souvent.

          Mais tu as commis une légère erreur de perspective, qui gâche un peu ton propos. Et comme cela vous concerne en particulier ton frère siamois et toi, permets moi de la rectifier.

          Avant, par politesse, il faut que je me présente très brièvement. Ma famille vient de Constantine, ville française depuis 1837 et chef lieu d’un département français depuis 1848. Nous sommes donc d’anciens Français.
          D’autres nous ont rejoint peu de temps après et sont devenus Français, en 1860, tel les Niçois et les Savoyards.[2] Nous avons intégré volontiers ces "nouveaux arrivants" et avons ajouté la pizza à nos coutumes alimentaires.
          Et au siècle suivant, bien d’autres encore sont venus, puisqu’il paraît qu’un quart des Français ont au moins un grand parent « étranger ».

          Certains « arrivaient » de l’Europe centrale, bien différente de notre civilisation méditerranéenne. Mais, comme tu l’écris très bien, nous sommes très « accueillants », nous autres.

          Alors nous avons donc accueilli parmi eux, un certain Paul Sarkozy de Nagy-Bosca, qui fuyait l’avancée de l’Armée Rouge en 1944.

          Nous sommes tellement « accueillants » que nous avons fait de son fils, ton frère siamois, immigré de la seconde génération, un Président de notre belle République.

          Comment être plus accueillants ?

          Mais faudrait quand même pas tout confondre : entre lui et moi vois-tu, c’est moi qui accueille, et lui qui est accueilli. Ne l’oublie pas.

          Ceci précisé, je suis tout à fait d’accord avec ce que tu écris :
          Moi, Mouloud, l’accueillant, j’offre à ton frère siamois et à toi-même, « la reconnaissance de ce que l’autre peut lui apporter ». Mais je demande, à « celui qui arrive, le respect de ce qui était là avant vous »
          Et, je vais y revenir, quand les Sarkozy sont devenus Français, le ciel de Paris s’ornait d’une Grande Mosquée, avec un beau minaret.

          Je suis d’accord, moi Mouloud qui t’accueille, je dois te faire « l’offre de partager (mon) héritage, (mon) histoire [y compris en classe de terminale], (ma) civilisation), (mon) art de vivre. »

          Tiens, je t’invite volontiers à venir manger un couscous avec moi.
          Mais, naturellement, toi « qui arrive », ou toi dont c’est juste le père qui est arrivé, je te demande, comme tu l’écris toi-même, d’avoir « la volonté de (t)’inscrire sans brutalité, comme naturellement, dans cette société que (tu vas) contribuer à transformer, dans cette histoire que (tu vas) désormais contribuer à écrire. »

          « Sans brutalité » : tu as bien raison, c’est important ça.

          Nous, anciens Français, nous ne jouons pas au matamore, aux « tu causes tu causes, c’est tout ce que tu sais faire » ; nous n’aimons pas trop tout ce qui est « bling-bling ».

          Nous aimons, tu le soulignes, « l’humble discrétion » et nous comptons sur toi pour être exemplaire dans ce domaine.

          Nous comptons sur toi, pour, comme tu affirmes que cela doit être le cas des « nouveaux arrivants », de te « garder de toute ostentation et de toute provocation ».

          Car, toi dont le père a fui le totalitarisme, tu dois être bien « conscient de la chance que (tu as) de vivre sur une terre de liberté ».

          Et cela te donne le devoir de n'en supprimer aucune. Or, quand j’apprends certaines de tes décisions, je suis inquiet à ce sujet.

          Contrairement à moi, puisque tu n’es en France que depuis une seule génération, tu as encore beaucoup de choses à apprendre quant aux « valeurs de la République (qui) sont partie intégrante de notre identité nationale ».

          Vu ta fonction, il faut que tu l’apprennes vite car « tout ce qui pourrait apparaître comme un défi lancé à cet héritage et à ces valeurs condamnerait à l’échec. »

          Mais, je ne suis pas inquiet : tu es très doué.

          Donc, il suffit que je te précise un peu les choses, notamment sur la laïcité dont je parle souvent à mes élèves dans mes cours de terminale, et tu obtiendras une brillante note.

          D’abord, la laïcité, ce n’est nullement « la séparation du temporel et du spirituel » comme tu l’écris.

          Cette expression, elle fleure le Moyen Age, la société de chrétienté, bref l’exact contraire de la société laïque.

          Comme tu as publié ta tribune le 9 décembre, jour anniversaire de la « séparation des Eglises et de l’Etat », ta formule est particulièrement malheureuse.

          Le « spirituel » et le « temporel », ce sont des notions théologiques, et cela connotait des pouvoirs.

          La lutte de l’Empereur et du Pape, c’était la lutte du « pouvoir temporel » pour s’imposer face au « pouvoir spirituel ». Deux souverainetés.
          En laïcité, seul « le peuple » est souverain et, en conséquence, le seul « pouvoir » est le pouvoir politique qui émane de lui. Le pouvoir, écrit Max Weber, a « le monopole de la violence légitime » : il peut réprimer par la loi.
          La religion n’est pas sur le même plan. Et peut avoir, elle, autorité, si l'on est convaincu de sa validité.

          Mais elle ne doit pas disposer de pouvoir.

          Bon, la première leçon étant apprise, passons à la seconde.

          Elle concerne aussi la laïcité.

          Tu fais preuve d'une curieuse obsession des minarets et tu sembles assez ignorant à ce sujet.

          Pour être concret, je vais te raconter l’histoire de France en la reliant à ma propre histoire d’ancien Français, du temps où toi, tu ne l’étais pas encore.
          Pendant la guerre 1914-1918, mon arrière grand-père est mort au front, comme, malheureusement, beaucoup de Français, de diverses régions : Algérie, Savoie, ou Limousin, « petite patrie » de mon frère siamois.
          Mais si je te raconte cela, ce n’est pas pour me cantonner dans la petite histoire, celle de ma famille, c’est pour rappeler l’Histoire tout court.
          Car nous avons été environ 100000, oui cent mille, musulmans a mourir ou a être blessés au combat pour la France.

          Nous étions déjà tellement « arrivés » en France, que nous y sommes morts !

          Et que les « tirailleurs maghrébins (…) se forgèrent lors de cette guerre la réputation de troupe d’assaut par excellence »[3]

          Ces combats avaient lieu dans cette partie de la France appelée « métropole ». Ma famille y était venue, à cette occasion, et elle y est restée. A Paris, précisément.

          Comme nous commencions à être assez nombreux, et provenant, outre la France, de différents pays, la République laïque a eu une très bonne idée : construire une mosquée, avec un beau minaret bien sûr.

          Elle avait décidé, en 1905, de « garantir le libre exercice du culte » (Article I de la loi de séparation).

          « Garantir », c’est plus que respecter. C’est prendre les dispositions nécessaires pour assurer son bon fonctionnement.

          Pourquoi passes-tu tant de temps, dans ton texte, à nous parler des minarets ?

          Cela n’a vraiment pas été un problème. Bien au contraire.

          Et pourtant, ils étaient très laïques, tu sais, plus laïques que toi, mon cher chanoine, les rad’soc (radicaux-socialistes), les Edouard Herriot, ou Léon Bourgeois (un des « pères » de la morale laïque) qui ont pris la décision de consacrer des fonds publics à la construction de cette mosquée, de ce minaret.

          Tu sais, j’aime bien fréquenter les bibliothèques. J’y ai trouvé un ouvrage d’un historien qui retrace l’histoire de cette construction. Et c’est fort intéressant.

          « Il est à remarquer, écrit son auteur, Alain Boyer, que personne n’a soulevé à l’époque le problème de la compatibilité de cette subvention avec l’article 2 de la loi de 1905, concernant la séparation des Eglises et de l’Etat qui dispose la République ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte ; il aurait pu d’ailleurs être répondu que l’Etat ne finançait que la partie culturelle, l’institut, et non pas la mosquée proprement dite, c'est-à-dire le lieu de culte. »[4]

          « Il aurait pu être répondu» :

          Donc c’est plus tard que l’on a justifié ainsi les subventions de l’Etat et de la ville de Paris. Sur le moment, on s’est contenté de trouver cette construction nullement incompatible avec la loi de séparation.
          Tellement peu incompatible que non seulement elle n’a pas été évoquée, mais que le rapport de la Commission des finances présenté par Herriot (en 1920) évoque explicitement la mosquée en même temps que la bibliothèque et la salle de conférences.

          « Le financement d’un lieu de culte par la République, précise l’historien M. Renard, fut donc voté en toute conscience, malgré la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat. On parla surtout de la reconnaissance de la France pour l’indéfectible loyauté de ses fils musulmans. »[5]

          Comment conciliait-on cela avec la loi de 1905 ? On en est réduit à des suppositions.

          Une me semble fort plausible, on a raisonné par analogie : en effet la conséquence de l’article 1 de la loi de 1905, de sa garantie du libre exercice des cultes avait été double :

          - d’une part la mise à disposition gracieuse (donc manque à gagner par absence de loyer!) des édifices du culte existants en 1905 et propriété publique (des milliers et des milliers !), mise à dispostion aux religions correspondantes à ces édifices (et on y a ajouté presque tout de suite le droit de faire des réparations sur fonds publics) ;

          - d’autre part, la possibilité (prévue dans l’article 2 lui-même) de payer des aumôniers pour garantir le libre exercice du culte dans les lieux clos : hôpitaux, prisons, armée, internats des lycées,…

          On s’est dit : étant donné tout ce que l’on consent financièrement pour garantir l’exercice des cultes catholique, juif, protestant, c’est bien le moins de donner des subventions publiques pour une Grande mosquée et son minaret.

          D’ailleurs le père de la loi de 1905 Aristide Briand avait dit à son propos : « En cas de silence des textes ou de doute sur leur portée, c’est la solution libérale qui sera la plus conforme à la pensée du législateur. »

          De plus, et je vais t’étonner Nicolas, les laïques, ils aimaient bien les minarets.

          Lors de la détermination de la qibla (direction de La Mecque), en mars 1922, le représentant du gouvernement, Maurice Colrat, a prononcé un très beau discours. Il a déclaré notamment:

          « Quand s’érigera, au dessus des toits de la ville, le minaret que vous allez construire, il montera vers le beau ciel de l’Ile de France qu’une prière de plus, dont les tours catholiques de Notre-Dame ne seront point jalouses. »
          Et tous les dirigeants et militants laïques présents l’ont chaleureusement applaudi.

          ∑ (1/i²) = π²/6
          i=1

          Commentaire


          • #6
            Suite et fin...

            Ils étaient comme cela les laïques : ils assumaient, mais ne voulaient pas « valoriser » les « racines chrétiennes de la France ».

            Ils estimaient, au contraire, que le pluralisme religieux faisait partie de son histoire, de son identité nationale laïque.

            Et plus il y avait de prières différentes, plus ils étaient contents.

            Le 15 juillet 1926, la grande mosquée a été inaugurée en présence de ton prédécesseur, Gaston Doumergue, le président de la République.

            J’ai plein d’autres choses à t’écrire à propos de ton discours. Mais la bonne pédagogie veut que l’on ne cherche pas à en dire trop en une seule fois.
            Pour le moment, assimile bien ces deux premières leçons.

            Ecris nous vite une seconde tribune qui rectifie le tir.

            Et on reviendra ensuite sur le « communautarisme » notamment, car la (en un seul mot ?) il y a aussi quelques petites choses à reprendre.

            Ton cher compatriote
            Mouloud Baubérot

            ∑ (1/i²) = π²/6
            i=1

            Commentaire


            • #7
              J'ai un net penchant pour la 2èmr missive beaucoup plus fine.

              Chapeau à l'auteur
              « N’attribuez jamais à la malveillance ce qui s’explique très bien par l’incompétence. » - Napoléon Bonaparte

              Commentaire

              Chargement...
              X