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Petit inventaire des citations malmenées

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  • Petit inventaire des citations malmenées

    Quelqu'un qui s'exprime par proverbes est un archaïque, par citations un cuistre, par citations sans mentionner leur auteur (comme fait Jean-Luc Godard) un postmoderne.

    Quelqu'un qui malmène les citations, c'est vous et moi, et la plupart du temps sans le vouloir.

    Ainsi celui qui attribue à Sartre la phrase fameuse "Il ne faut pas désespérer Billancourt", pour dire qu'il vaut mieux cacher la vérité aux masses, ignore que Sartre ne l'a jamais dite ou écrite. Dans sa pièce Nekrassov, un escroc qui se fait passer pour le ministre de l'intérieur soviétique ayant choisi la liberté s'écrie : "Désespérons Billancourt !"

    Voilà notamment ce que révèle ou rappelle un astucieux Petit inventaire des citations malmenées. Dédié "à tous les journalistes qui l'utiliseront sans le citer et à tous ceux qui le citeront", il répertorie des phrases célèbres qui sont apocryphes, approximatives, tronquées, travesties dans le fond ou la forme, et les restitue dans leur vérité et leur contexte.

    C'est instructif et amusant. Triste aussi, parfois.

    Ainsi le "Encore une minute, monsieur le bourreau !", attribué à la comtesse du Barry au pied de la guillotine, résume ce qui fut en réalité des cris et des plaintes éperdues de la courtisane qui avait livré des noms pour sauver sa tête.

    "La République n'a pas besoin de savants", aurait dit le président du Tribunal révolutionnaire à Lavoisier, qui plaidait ses états de service comme chimiste pour qu'on épargne la sienne.

    Plus héroïque, le merd. lancé par Cambronne à l'officier anglais qui, à Waterloo, demandait sa reddition, a été inventé par Victor Hugo dans Les Misérables.

    "J'aime la justice mais je préfère ma mère", aurait dit Camus à Stockholm. C'est approximatif et mal interprété. Camus, en réponse à un Algérien qui l'avait pris à partie, a dit en réalité : "J'ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui s'exerce aveuglément, dans les rues d'Alger par exemple, et qui un jour peut frapper ma mère ou ma famille. Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice."

    Fausses attributions : "La Corrèze avant le Zambèze" n'est pas de Raymond Cartier, dont cette phrase résume pourtant la doctrine, mais du député Jean Montalat ;

    "Citius. Altius. Fortius" ("Plus vite. Plus Haut. Plus fort"), la devise des Jeux olympiques, n'est pas de Pierre de Coubertin mais du Père dominicain Henri Didon, lequel voyait dans cette formule une montée vers Dieu.

    "Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée" : la phrase de Descartes ne signifie pas que tout le monde a du bon sens mais que la raison est universelle.

    "Je ne partage pas vos idées, mais je suis prêt à donner ma vie pour que vous puissiez les défendre" n'est pas de Voltaire mais d'une érudite anglaise qui résume ainsi la pensée voltairienne.

    "Ce qui excuse Dieu, c'est qu'il n'existe pas" n'est pas de Stendhal mais attribué à celui-ci par Mérimée.

    Et ainsi de suite...

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