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La nudité insolente du ciel, A. M. Modibbo

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  • La nudité insolente du ciel, A. M. Modibbo

    L’absence du créateur appelle par une secrète harmonie la « présence de la créature » ; plus même, le ciel et la terre constituant un système de vases communicants, la désacralisation du transcendant implique la sacralisation de l’être.

    Chez Aliou Mohammadou Modibbo c’est la vie qui devient sacrée, aussi bien les êtres humains que les plantes et les animaux. Si la volonté « de nettoyer de la boue », l’aspiration « vers le ciel, vers la lumière et l’invisible » expriment le caractère baudelairien d’une certaine partie de la lyrique du poète, on ne saurait en aucun cas les généraliser :
    « Je ne te trahirai pas Je ne te promets que l’âpre odeur du sang Le râle de ma voix mâle Une gorgée de sang Du sel Le suc de quelque planète lointaine ».

    Le « ciel » de a. m. Modibbo ne symbolise pas, purement et simplement, l’état d’élévation, ni le terrestre celui d’impureté, de boue : si l’on veut aller jusqu’au bout dans la définition de A. M. Modibbo, il faut souligner qu’il est « le poète de la créature » dans une plus grande mesure que celui de la transcendance, de la divinité.

    Le Dieu de a. m. Modibbo perd ses attributs sacrés, les cédant à l’homme, aux autres êtres vivants, à la nature. Bien sûr, le fait qu’il existe des poètes qui soient, plus que a. M. Modibbo, attachés à la nature, suave ou dégradée, fait sans cesse l’objet de son étonnement candide.

    Si l’esprit Modibbien est fondamentalement non religieux, cela ne veut aucunement signifier que les voies vers la sainteté et l’élévation lui sont fermées ; mais seulement que dans l’imagination du poète, le paradis est terrestre et la créature sacrée :

    « Point de joyau par ces pistes
    Ni de caresse de cristal Sur la pointe tendue de la pupille
    Ni de bibelot clinquant faux
    Dans le mur compact de ta nuit Ni de goutte de rosée qui scintille
    Dans le cimetière de tes rêves
    Aucune caresse douce pour ton âme piteuse qui tend l’encolure »

    Panthéisme paradoxal, à rebours dans les poèmes du recueil Sur les chemins de la Sa’iira : ce n’est pas Dieu qui « descend » dans la créature, mais la créature qui proteste contre l’absence divine s’élevant soi-même sur un échelon de grâce et de divinité.

    Accablé par la révélation du transcendant vide, le poète déifie la vie terrestre. L’attachement qu’il ressent pour la créature nous révèle un a. m. Modibbo différent de celui qu’il était aupara- vant : et c’est de ce Modibbo différent que jaillit l’étincelle « du poème de la vie ».

    Dans le poème du recueil sur le chemin de la Sa’iira se cachait déjà un peintre de la nature, à l’œil exact et à la palette assez riche en couleurs et en nuances, même si la stylisation excessive conférait aux poèmes « crayonnés » un air quelque peur artificiel :

    « Sur deux pétales étiolés
    Des flammes
    Du feu, des flammes.
    Au bout de mes pas qui trébuchent
    Tout mon espoir en tes mains de mendiante
    Tendues gerbes à la nudité insolente du ciel.

    - 1) Poète camerounais, né à Tignère en 1953
    - 2) Editions Saint-Germain-des Prés. Paris 1979

    Par Liberté
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