Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Les escaliers du ciel de Hamid Skif

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Les escaliers du ciel de Hamid Skif

    Les escaliers du ciel de Hamid Skif

    C’est sur des marches, plus hautes les unes que les autres à chaque fois qu’un pas précis est effectué, que les femmes de Hamid Skif se bousculent chacune, tentant de mettre une empreinte qui les aidera à se hisser vers le ciel. Ces escaliers mènent aussi vers des lieux mythiques qui ont déjà inspirés poètes et romanciers, peintres et miniaturistes, ce sont les terrasses blanches, alourdies de soleil et d’histoires de la Casbah.

    Un microcosme de société féminine y vit avec des espoirs aussi gros que le soleil rond qui chauffe et brûle sans parfois réconforter. Des destins de femmes se croisent, le génie c’est qu’elles ont été inspirées par une série de miniatures, des tableaux qui s’animent, qui s’ouvrent sur des femmes qui ne se masquent pas, ici, et avec leurs défauts et leurs jeux, elle réussissent à nous faire évoluer dans un univers qui parfois est compliqué et complexe à la fois.

    La révolte de l’une, Abla, enfant farfelue qui se bat contre un monstre imaginaire, un jeu calqué sur des chevaliers forts et des princesses capricieuses ou le mutisme de l’autre, Rabéa, devenue veuve trop tôt et qui se cache dans cet état pour continuer à vivre, ou les médisances de Dawia ou l’attente de Roukia qui se définit ellemême par la fille qui attend, qui attend quoi, pardi le mariage, l’unique solution pour elle pour arrêter de faire les gâteaux pour les autres, rouler le couscous pour les autres, laver les peaux de mouton les lendemains des Aïds pour les autres. C’est la dure réalité des femmes analphabètes, cloîtrées non pas par une quelconque violence conjugale mais par une condition miséreuse qui les rend parfois aigries parfois amères.

    Hamid Skif en «voyeur» avisé est un sacré «homme», être si observateur mais qui connaît si bien ce que pensent, disent, rêvent et haïssent les femmes. User de leurs langages, c’est un sacré exploit. Oui, lorsqu’il nous entraîne dans les sillages de Shahrazade qui n’a d’autres rêves que lire et «courir» les bouquins, ou bien nous faire croiser les pas de la rêveuse, qui se trouve en chacune de nous. «Je suis ta fille, revenue des siècles de lumière, habillée de voiles tissés de palabres», nous voilà conquis par une écriture avant tout exposante, elle dévoile l’âme féminine mais poétique et sensible qui permet d’apréhender au mieux l’objectivité.

    Biographie

    Installé en 1997 à Hambourg en «transit temporaire», selon ses mots, animant des lectures et des conférences en Allemagne, Autriche et France, Hamid Skif, de son vrai nom Mohamed Benmebkhout, est né en 1951 dans une famille de commerçants originaires de Bou-Saâda, appartenant à la tribu des Houhi dont était issu l’écrivain Réda Houhou.

    Hamid Skif est marqué dans sa jeunesse par un arrière-oncle, premier speaker francophone de Radio-Baghdad dans les années 1930 et l'un des fondateurs de l’«Organisation secrète» chargée par le MTLD de préparer l’insurrection algérienne de 1954. Hamid Skif fait ses études au lycée Ibn-Badis d'Oran. En 1971 il fait partie, aux côtés notamment de Youcef Sebti, Abdelhamid Laghouati ou Djamel Imaziten, des poètes réunis en 1971 par Jean Sénac pour son anthologie de la jeune poésie algérienne de langue française.

    En 1979, Hamid Skif publie à Malaga (Espagne) Pais de larga pena (d'après le titre d'un poème de Mostefa Lacheraf), anthologie bilingue de la poésie algérienne, réalisée en collaboration avec Emilio Sola. Il reçoit une bourse du Pen Club allemand dans le cadre du programme «Écrivains en exil». Il publie régulièrement des romans et poèmes dont Monsieur le Président, La géographie du danger et La Citrouille fêlée. Il est lauréat, notamment, de plusieurs prix dont celui de l’Association des écrivains de langue française 2006 ou encore du prix du roman francophone 2007.

    Les escaliers du ciel de Hamid Skif,
    illustration Elsie Herberstein
    Editions Apic, 123 pages

  • #2
    «Les femmes sont la moitié du ciel, sans parler de la terre»

    Avant tout, qui est Liliane El- Hachemi à qui vous dédiez le livre et consacrez le premier texte intitulé : Lettre à Liliane ?

    Hamid Skif : Liliane El- Hachemi était scénographe. D´origine suisse-allemande, devenue algérienne, elle a travaillé longtemps au TNA avec son époux, le metteur en scène Noureddine El-Hachemi, avant qu’ils ne s’exilent, au début des années 1990, à Berlin où Liliane est décédée des suites d’un cancer. J’ai fait leur connaissance en 1998. C’est à cette occasion que j’avais vu pour la première fois, dans leur cuisine, simplement accrochée au mur, la belle miniature de Liliane sur la Casbah. Je lui avais dit qu’elle me plaisait et qu’il se pourrait que j’écrive un texte dessus. Un jour, elle m’en a expédié une photocopie et c’est ainsi que le livre est né.
    Comment peut-on s’inspirer de miniatures pour faire vivre et mouvoir des personnages féminins si différents les uns des autres ?
    La première idée qui m’était venue à l’esprit c’est que la miniature pouvait être vue comme une succession de scènes indépendantes les unes des autres dans une unité constituée par la Casbah. J’ai donc imaginé des situations, des dialogues, en partant des personnages. A l’origine, le livre devait d’ailleurs en être illustré, mais cela n’a pu se faire pour des raisons indépendantes de ma volonté.

    Pourquoi le choix de la Casbah d’Alger, historique et mythique, pour écrire ces nouvelles, est-ce un prétexte d’écriture ou un appel plus profond ?

    Ceux qui me connaissent savent le prix que j’attache à la condition féminine dans notre société et aussi à l’histoire, au patrimoine. J’ai saisi l’occasion qui m’était offerte de rappeler, à travers la vie de ces femmes, celles de la Casbah, les périls qu’elles encourent comme le reste de notre patrimoine architectural. Il s’agissait donc d’un prétexte comme vous dites pour revenir sur des questions qui m’interrogent, m’émeuvent, me révoltent. Ici je le fais sur un ton poétique, presque léger, mais toujours arrimé à des réalités pas toujours gaies.

    Les escaliers du ciel est une échappatoire pour ces femmes incrédules, amoureuses, joueuses, ou battantes qui voudraient toutes accéder aux marches de cet escalier, toucher le ciel, belle métaphore pour raconter la condition féminine.

    Les femmes sont la moitié du ciel, sans parler de la terre. Cela dépend évidemment pour qui ? Un jour à Ouargla, un paysan est venu me parler des difficultés que connaissait la coopérative de Hassi Benabdallah, un village-pilote perdu dans les sables. Et cet homme m’a dit textuellement : «Ma sandale, sauf ton respect, etc.» Je lui ai demandé ce que venait faire une sandale dans notre discussion. Il m’expliqua alors qu’il parlait de son épouse ! Elle n’était, métaphoriquement parlant, pas plus que ça ! Cela donne une idée de la conception qu’ont beaucoup de nos compatriotes, en dépit de leur supposé attachement au texte coranique, et des progrès réalisés depuis l’indépendance, des rapports hommes-femmes. Dans ce petit livre, je donne la parole uniquement aux femmes, leur laissant toute la place. C’est d’ailleurs à travers elles que les hommes apparaissent au fil des récits.

    Mais n’avez-vous pas peur de peindre ainsi des clichés, des stéréotypes, faussant un peu la réalité féminine ou le personnage féminin, bien que vous ayez un sens de l’observation très développé ?

    Il ne faut pas fuir la réalité, mais l’affronter. D’abord, ce n’est pas parce qu’on n’en parle pas que les clichés et stéréotypes disparaissent. Ensuite, je raconte des histoires qui sont avant tout destinées à faire rêver, attendrir, révolter, donner du beau, faire réfléchir. Devrais-je, pour atteindre ce but, dépeindre des dames qui pensent et parlent comme les élégantes des salons algérois, des Champs-Elysées ou d’ailleurs ? Je pouvais écrire sur des intellectuelles, des femmes connues, mais la société féminine algérienne n’est pas seulement constituée par ces figures. Mon projet était tout autre : ne pas laisser — ou faire croire — que les femmes qui se battent sont celles dont les portraits figurent dans les journaux, mais aussi, et elles sont majoritaires, celles qui triment pour leur survie, l’éducation de leurs enfants, dans une société en perte de repères, marquée par des violences de toutes natures, des femmes courage qui, chaque jour, chaque heure, luttent en silence et sans les sacrifices desquelles la société algérienne n’aurait pas survécu aux cataclysmes qu’elle a connus. Oui, les caractères décrits dans ce livre existent. Ils ne sont pas identiques, car il s’agit d’un kaléidoscope qui présente des personnages divers confrontés à la pénible condition des femmes algériennes.

    Une première lecture nous pousse à penser au machisme, mais l’objectivité l’emporte, les Rokia, vieilles filles frustrées qui n’arrivent pas à se marier, ou Rabéa, les veuves qui se retrouvent dans leurs silences ne sont certainement pas des portraits fictifs ?

    Je peux prétendre avoir une bonne connaissance de notre société. J’ai sillonné le pays, vécu un peu partout, connu des mentalités diverses. Je peux d’ailleurs user de différents accents, ce que je fais souvent pour m’amuser, faire rire mes amis. Mais dans ce livre, ce qui m’a servi c’est certainement ma connaissance intime du milieu féminin, car dans mon enfance j’ai vécu longtemps au milieu des femmes, écouté leurs conversations, partagé leurs secrets. Il m’arrive même de me livrer à des monologues impromptus reprenant les silences, les non-dits et les cris de révolte des femmes dissimulés derrière les petits riens, les disputes dites futiles mais qui cachent en réalité la misère sous toutes ses formes, le désespoir et l’enfermement. Je dois à ma mère qui était une très bonne conteuse, une femme d’une grande sensibilité que nous venons de perdre, une partie de ma connaissance du monde féminin. Ses récits, ses poèmes, son ironie, ses truculentes descriptions du monde féminin, qu’il soit rural ou urbain, ont de tout temps alimenté mon imaginaire. Si elle avait su écrire, elle aurait pu être l’auteur de ce livre.

    Être dans la peau de toutes ces femmes, c’est un exploit pour un «homme», car vous utilisez le je narratif. Qu’avez-vous donc éprouvé en écrivant avec le je féminin ?

    Ce n’est pas un exploit, c’est une question de sensibilité. Si vous êtes inspiré par la condition humaine, vous êtes forcement concerné, impliqué. Pour tout écrivain, il y a du plaisir, de la jouissance, parfois de la douleur, à écrire. Et je ne puis le faire en oubliant que les retards accumulés par notre société sont dus au statut fait à la femme. Si vous estimez que je suis parvenu en tant qu’homme à parfaitement traduire un univers féminin, je prends cela pour un grand compliment. Même si je reconnais avoir parfois plus de difficulté à faire parler mes personnages masculins.

    Comment s’est faite la collaboration de ce livre avec Elsie Herberstein, dont les illustrations sont magnifiques ?


    J’ai fait connaissance avec le travail de Elsie Herberstein à travers le livre qu’elle avait publié sur Alger. Enthousiasmé par ce qu’elle fait, je l’ai contactée pour lui proposer d’illustrer Les escaliers du ciel, ce qu’elle a accepté avec plaisir et une grande générosité.

    J’ai entendu dire que vous travaillez sur une biographie du peintre Guermaz ?


    Oui, j’y travaille depuis 1997. C’est un travail qui réclame du temps et de la persévérance. Et ce, d’autant plus qu’il manque beaucoup d’informations sur sa prime enfance et son adolescence, son ascendance paternelle et maternelle. Cet immense artiste, dont on découvre aujourd’hui la personnalité et le poids de l’œuvre dans l’histoire de la peinture algérienne, était un homme secret qui cloisonnait ses relations. Contrairement à mes prévisions initiales, et en raison du fait que j’ai consacré beaucoup de temps au lancement de l’Année Guermaz, il me faudra encore un peu de temps avant d’achever cette biographie. Auparavant, je publierai une anthologie d’articles critiques. Elle sera complétée par de rares écrits de Guermaz qui était non seulement peintre mais également journaliste et poète de qualité.

    Pour le mot de la fin que pensez-vous de la nouvelle littérature algérienne, qui finalement a fini par s’imposer après des années de silence ?

    Lors de mes interventions, et dans les universités en particulier, je parle toujours de la littérature algérienne, car j’en suis très fier. J’abuse parfois de l’hospitalité qui m’est offerte pour m’étaler sur le sujet au point où mes hôtes me rappellent que je suis invité pour parler de mes livres et non pas de ceux de mes compatriotes. Cette fierté vient du fait que notre littérature a non seulement de multiples facettes relevant autant de ses langues que des générations d’écrivains qui la produisent, mais aussi un ton, une originalité qui lui vaudront, dans les années à venir, davantage de reconnaissance encore. Elle explore tous les genres et son niveau est, en dépit de la faiblesse quantitative de la production, très élevé si nous devions la comparer à des littératures du même âge. Les promesses de la nouvelle génération d’écrivains m’émeuvent et je ne doute pas que nous verrons apparaître dans les prochaines années, à côté d’écrivains confirmés, des auteurs de grand talent.

    Par le Soir

    Commentaire


    • #3
      Je voulais juste ajouter cette photo qui, a mon avis' illustre admirablement le titre de ce roman.


      L'edifice: "Escalier Cèleste" est l'oeuvre de l'artiste allemand Hannsjörg Voth realisé , parmi d'autre, au Maroc a Rachidia precisement. Plus d'info ici: http://www.hannsjoerg-voth.de

      Les allemands doivent bien avoir quelque chose de special avec des escaliers menant vers le ciel

      Commentaire

      Chargement...
      X