Sébastien Madau
Cuba se trouve devant un double défi : riposter à la crise du capitalisme et réussir à développer son projet de socialisme du 21ème siècle. L’économiste cubain, Osvaldo Martinez et président du Centre de recherche de l’économie mondiale livre son analyse.
Cuba est frappé de plein fouet par la crise économique du capitalisme. Les cubains attendent beaucoup du socialisme du 21ème siècle pour répondre à ces défis.
Pourquoi Cuba, qui vit dans une économie socialiste, subit-il la crise mondiale ?
Le monde est globalisé. La crise est partie des Etats-Unis et s’est très vite étendue. Le chômage a explosé. A Cuba, nous en subissons les conséquences depuis environ un an. On ne sait pas jusqu’à quand cela va durer. Nous n’avons aucune responsabilité mais nous devons la subir. Nous espérions une croissance de 6% pour 2009, elle devrait être finalement de 1% voire 0,7%.
Quels sont les secteurs les plus touchés ?
Le nickel est notre principale source d’exportation. Mais les prix ont fortement diminué du fait de la baisse de la demande mondiale. Alors que nous l’avions vendu 50.000 dollars la tonne, le prix a baissé jusqu’à 10.000 dollars en 2009. Le secteur du tourisme génère aussi moins de recettes. Le nombre de touristes reçus chaque année est semblable, plus de 2 millions, mais les gens dépensent moins sur place. Il y a deux éléments à prendre aussi en considération : les cyclones et le blocus. Nous subissons encore les effets des cyclones de l’été 2008. Le secteur alimentaire a été touché. 20% du PIB a été détruit. Quant au blocus américain, il crée des dégâts depuis 50 ans. On les estime à 96 milliards de dollars, voire 236 milliards en prenant en compte la dévaluation du dollar depuis 50 ans. Cela représente 15 ans de PIB cubain.
De quelles manières le blocus influe-t-il sur l’économie de l’île ?
Le surcoût de nos importations ! Nous sommes obligés d’acheter en Europe ou en Asie alors que nous pourrions acheter aux Etats-Unis. Le caractère extraterritorial du blocus est un frein. Toute entreprise possédant des capitaux américains ne peut commercer avec Cuba sous peine de forte amende par les Etats-Unis. Il nous est également difficile d’utiliser le dollar sur le marché international, ce qui entraîne des surcoûts énormes sur le marché des changes. Ces conditions nous ont obligés à développer des relations commerciales avec des pays situés à des milliers de kilomètres. Le blocus est une guerre économique destinée à provoquer le désespoir et la rébellion contre la révolution.
« Nous ne serions pas assez naïfs pour devenir dépendants du marché américain » . D eux millions de touristes s’y rendent chaque année.
Cuba serait-il tout de suite économiquement opérationnel si le blocus cessait ?
Cuba ne s’est jamais adapté au blocus. Il a résisté au blocus. La fin du blocus créerait des conditions favorables. Les surcoûts que j’ai cités disparaîtraient. Au niveau du tourisme, nous estimons à 2 millions de personnes qui chaque année viendraient des Etats-Unis. Mais attention, nous ne serions pas assez naïfs pour devenir dépendants du marché américain. Nous avons su créer d’autres ressources importantes.
Lesquelles ?
Le capital humain avec tous les diplômés universitaires. Nous allons bientôt arriver à un taux d’un diplômé universitaire pour dix habitants. Aujourd’hui, ce capital humain se manifeste, ce qui nous oblige à trouver des solutions, même si nous ne pouvons pas trouver toutes les solutions à tout. A l’époque du camp socialiste, nos ennemis disaient que Cuba était un satellite de l’URSS. Depuis 18 ans, nos bons résultats en termes de santé, d’éducation, de sport, de culture… montrent que nous n’étions ni un satellite, ni une économie subventionnée.
Le danger n’est-il pas de provoquer des frustrations entre un niveau de qualification très élevé et l’aspiration à une situation matérielle plus confortable ?
Les jeunes aspirent à un niveau de vie qui corresponde au diplôme obtenu. C’est normal. Sauf que le socialisme n’a jamais été la disparition des problèmes, mais le fait d’avoir plutôt d’autres types de problèmes, moindres. A Cuba, il n’y a ni chômage, ni faim. La propagande présente un monde idyllique dans les sociétés capitalistes. Mais souvent quand nos compatriotes y vont, ils souffrent, ils déchantent. Cela fait partie de la bataille d’idées que nous devons mener.
Le pays importe 80% de ses aliments. L’État a décidé de distribuer des terres en friche pour redévelopper l’agriculture nationale.
Les prix des denrées alimentaires demeurent une préoccupation chez les Cubains. Comment peut-on y remédier ?
La production d’aliments est un aspect insatisfaisant de notre société. Nous en importons trop (80%) alors qu’une partie peut être produite à Cuba. C’est dans ce sens que va la réforme de l’Etat qui a distribué des terres à des milliers de paysans pour qu’ils les cultivent. Tout n’est pas gagné pour autant. Il y a aujourd’hui seulement 15% de la population qui vit de l’agriculture, souvent des personnes âgées. Nous connaissons une contradiction vertueuse : les fils de paysans sont allés étudier en ville, ont bénéficié du système d’éducation, se sont diplômés. Mais maintenant, ils préfèrent rester à la ville plutôt que de retourner à la campagne.
Cuba est frappé de plein fouet par la crise économique du capitalisme. Les cubains attendent beaucoup du socialisme du 21ème siècle pour répondre à ces défis.
Pourquoi Cuba, qui vit dans une économie socialiste, subit-il la crise mondiale ?
Le monde est globalisé. La crise est partie des Etats-Unis et s’est très vite étendue. Le chômage a explosé. A Cuba, nous en subissons les conséquences depuis environ un an. On ne sait pas jusqu’à quand cela va durer. Nous n’avons aucune responsabilité mais nous devons la subir. Nous espérions une croissance de 6% pour 2009, elle devrait être finalement de 1% voire 0,7%.
Quels sont les secteurs les plus touchés ?
Le nickel est notre principale source d’exportation. Mais les prix ont fortement diminué du fait de la baisse de la demande mondiale. Alors que nous l’avions vendu 50.000 dollars la tonne, le prix a baissé jusqu’à 10.000 dollars en 2009. Le secteur du tourisme génère aussi moins de recettes. Le nombre de touristes reçus chaque année est semblable, plus de 2 millions, mais les gens dépensent moins sur place. Il y a deux éléments à prendre aussi en considération : les cyclones et le blocus. Nous subissons encore les effets des cyclones de l’été 2008. Le secteur alimentaire a été touché. 20% du PIB a été détruit. Quant au blocus américain, il crée des dégâts depuis 50 ans. On les estime à 96 milliards de dollars, voire 236 milliards en prenant en compte la dévaluation du dollar depuis 50 ans. Cela représente 15 ans de PIB cubain.
De quelles manières le blocus influe-t-il sur l’économie de l’île ?
Le surcoût de nos importations ! Nous sommes obligés d’acheter en Europe ou en Asie alors que nous pourrions acheter aux Etats-Unis. Le caractère extraterritorial du blocus est un frein. Toute entreprise possédant des capitaux américains ne peut commercer avec Cuba sous peine de forte amende par les Etats-Unis. Il nous est également difficile d’utiliser le dollar sur le marché international, ce qui entraîne des surcoûts énormes sur le marché des changes. Ces conditions nous ont obligés à développer des relations commerciales avec des pays situés à des milliers de kilomètres. Le blocus est une guerre économique destinée à provoquer le désespoir et la rébellion contre la révolution.
« Nous ne serions pas assez naïfs pour devenir dépendants du marché américain » . D eux millions de touristes s’y rendent chaque année.
Cuba serait-il tout de suite économiquement opérationnel si le blocus cessait ?
Cuba ne s’est jamais adapté au blocus. Il a résisté au blocus. La fin du blocus créerait des conditions favorables. Les surcoûts que j’ai cités disparaîtraient. Au niveau du tourisme, nous estimons à 2 millions de personnes qui chaque année viendraient des Etats-Unis. Mais attention, nous ne serions pas assez naïfs pour devenir dépendants du marché américain. Nous avons su créer d’autres ressources importantes.
Lesquelles ?
Le capital humain avec tous les diplômés universitaires. Nous allons bientôt arriver à un taux d’un diplômé universitaire pour dix habitants. Aujourd’hui, ce capital humain se manifeste, ce qui nous oblige à trouver des solutions, même si nous ne pouvons pas trouver toutes les solutions à tout. A l’époque du camp socialiste, nos ennemis disaient que Cuba était un satellite de l’URSS. Depuis 18 ans, nos bons résultats en termes de santé, d’éducation, de sport, de culture… montrent que nous n’étions ni un satellite, ni une économie subventionnée.
Le danger n’est-il pas de provoquer des frustrations entre un niveau de qualification très élevé et l’aspiration à une situation matérielle plus confortable ?
Les jeunes aspirent à un niveau de vie qui corresponde au diplôme obtenu. C’est normal. Sauf que le socialisme n’a jamais été la disparition des problèmes, mais le fait d’avoir plutôt d’autres types de problèmes, moindres. A Cuba, il n’y a ni chômage, ni faim. La propagande présente un monde idyllique dans les sociétés capitalistes. Mais souvent quand nos compatriotes y vont, ils souffrent, ils déchantent. Cela fait partie de la bataille d’idées que nous devons mener.
Le pays importe 80% de ses aliments. L’État a décidé de distribuer des terres en friche pour redévelopper l’agriculture nationale.
Les prix des denrées alimentaires demeurent une préoccupation chez les Cubains. Comment peut-on y remédier ?
La production d’aliments est un aspect insatisfaisant de notre société. Nous en importons trop (80%) alors qu’une partie peut être produite à Cuba. C’est dans ce sens que va la réforme de l’Etat qui a distribué des terres à des milliers de paysans pour qu’ils les cultivent. Tout n’est pas gagné pour autant. Il y a aujourd’hui seulement 15% de la population qui vit de l’agriculture, souvent des personnes âgées. Nous connaissons une contradiction vertueuse : les fils de paysans sont allés étudier en ville, ont bénéficié du système d’éducation, se sont diplômés. Mais maintenant, ils préfèrent rester à la ville plutôt que de retourner à la campagne.
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