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Margerie: "Les marchés anticipent une reprise mondiale"

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    Consommation d’essence, cours du pétrole, taxe carbone, nucléaire…Christophe de Margerie, le directeur général de Total, analyse les mutations d’un secteur clé.

    Paru dans leJDDChristophe de Margerie prévoit une bonne année pour son groupe. (Reuters)

    Comment se présente 2010?
    Plutôt bien! Nous venons de signer deux importants contrats, l’un dans le gaz naturel aux Etats-Unis, l’autre en Algérie. Et les marchés anticipent une reprise mondiale. Certaines zones émergent à peine de cette crise particulièrement forte –l’Europe, les Etats-Unis–, d’autres sont déjà reparties – la Chine, l’Afrique. Les dirigeants, politiques et économiques, cherchent tous un nouvel équilibre après cette crise. Nous vivons ce que j’appelle une "modification" profonde du monde. Une époque captivante!

    En quoi?
    En Europe et aux Etats-Unis, nous ne retrouverons jamais le niveau de consommation pétrolière d’avant la crise. Nous voyons des changements profonds de comportement, dus aux brutales hausses de prix des dernières années et à une prise en compte croissante de l’environnement. Les nouveaux véhicules automobiles sont moins consommateurs de carburant. Les Hummer appartiennent au passé. C’est une bonne nouvelle.

    Même pour un pétrolier?
    Mais oui. Nous contribuons à cet effort global, avec des produits moins polluants et des énergies nouvelles. Et, simultanément, nous avons à répondre aux besoins gigantesques en pétrole, en gaz naturel, en énergies nouvelles des nouveaux pays: l’Inde, la Chine, le Moyen-Orient, l’Afrique également, qui a connu une période inattendue de forte croissance.

    «L’EPR français, le plus sécurisé, est à cause de cela le plus cher»La taxe carbone, après la censure du Conseil constitutionnel,devrait toucher vos raffineries?
    J’espère que non! Cela pénaliserait davantage l’industrie française du raffinage qui va déjà très mal. Nous avons pris des décisions de réorganisation et devrons en prendre d’autres pour adapter notre outil industriel à la transformation de la demande. La taxe carbone, appliquée à l’industrie, ne ferait qu’aggraver les choses. Or, l’industrie pétrolière européenne est déjà soumise aux quotas de CO2. Total s’est engagé à réduire ses émissions de 21% d’ici à 2020, à diviser par deux les rejets de gaz de combustion des plates-formes. Nous ne sommes pas contre un renchérissement des prix pour changer les comportements. Mais nous sommes contre une nouvelle taxe sur l’industrie qui la pénalise par rapport à ses concurrents en Europe et dans le monde.

    A quel niveau voyez-vous le cours du pétrole en 2010?
    Les cours se situent actuellement dans le haut de la fourchette de 60-80 dollars que nous anticipions l’an dernier. Le pétrole, notamment pour des raisons de protection de l’environnement, est devenu plus cher à produire. L’équilibre actuel offre-demande devrait tirer les prix vers le bas alors que les anticipations les poussent à la hausse. Le marché pense qu’il n’y aura pas assez de pétrole pour la reprise, donc chaque signe de reprise lui donne une raison de faire grimper les prix. Pour 2010, nous voyons un marché plus volatil : des prix pouvant monter à 90-100 dollars ou baisser à 60.
    Vous venez d’essuyer un échec à Abu Dhabi, où vous souhaitiez entrer dans le nucléaire aux côtés de Suez, d’Areva et d’EDF. Que s’est-il passé ?
    Ceux qui pensent que nous avons perdu à cause d’une mauvaise organisation franco-française se trompent. Certes, nous pouvons améliorer notre façon de travailler les appels d’offres internationaux mais là n’était pas l’essentiel. L’appel d’offres d’Abu Dhabi ne plaçait pas comme critère absolu la sécurité qui est le point fort de l’EPR. Dès lors, c’est le prix qui a départagé les concurrents. L’EPR français, le plus sécurisé, était à cause de cela le plus cher. La question est donc: que veut le client et notre offre correspond-elle à sa demande?

    Quelles leçons en tirez-vous pour la stratégie de Total dans le nucléaire?
    Nous avons clairement l’ambition d’entrer dans ce secteur mais comme investisseur-exploitant. C’est pourquoi, après l’avoir envisagé, nous n’investirons pas dans Areva. Nous souhaitons monter des projets avec Areva mais nous n’excluons pas de monter d’autres partenariats internationaux.

    Cet échec met-il en cause Anne Lauvergeon, la présidente d’Areva?
    Cessons de personnaliser tous les sujets! L’important est d’améliorer la compétitivité de l’EPR. Pouvons-nous le rendre moins cher sans sacrifier la sécurité? C’est la vraie question.

    «Total se doit d’être irakien en Irak, nigérian au Nigeria»Le Moyen-Orient s’écarte-t-il de la France?
    J’espère qu’une occasion historique pour l’Europe et la France n’a pas été manquée quand je vois ces pays se tourner vers les Etats-Unis et maintenant vers l’Asie. Le Moyen-Orient n’est pas seulement une grande zone productive d’énergie, c’est aussi une zone de développement économique extraordinaire. Il faut être capable de leur démontrer que nous sommes des partenaires fiables sur le long terme. Exemple, le Yémen. Nous venons d’y bâtir une usine de liquéfaction de gaz pour plus de 3 milliards de dollars. Nous devons assurer la sécurité de nos collaborateurs mais arrêtons de penser que les 25 millions de Yéménites sont membres d’Al-Qaida. Ce pays a besoin de soutien. Total n’abandonnera pas le Yémen.

    Mais en Irak vous venez de manquer des renouvellements de concessions…
    Oui, nous avons refusé des conditions de prix qui, pour nous, ne sont pas acceptables. Gagner un contrat en perdant de l’argent, je m’y refuse. Ce n’est pas une attitude responsable. Cela dit, l’Irak reste un des "greniers à pétrole" du monde. D’autres occasions se présenteront.

    Comment voyez-vous l’évolution géopolitique du monde?
    Sous une apparente stabilité depuis la chute du mur de Berlin, nous assistons à une forme de fracture Est-Ouest. Cela m’inquiète : l’Est commence à prendre ses distances. La Chine a eu besoin des pays occidentaux pour croître mais elle commence, comme l’Inde, à se libérer de ces économies matures, à croissance trop lente. La Chine se tourne vers d’autres marchés pour ses produits, comme l’Afrique ou l’Amérique latine : regardez qui y construit les routes, les aéroports, les grands bureaux. Ce mouvement est visible à travers les constructions d’oléoducs : l’Iran s’est rapproché du Pakistan et de l’Inde. Et, ce que l’on disait impossible, la Russie se rapproche de la Chine en faisant passer un gazoduc par la Sibérie-Est. Pendant ce temps, l’Europe tergiverse sur ses propres projets de pipelines.

    Que devrait faire la France? Et Total?
    La France ne peut pas être soupçonnée d’appartenir à un camp. Elle doit montrer qu’elle est une force de progrès, non alignée. Total se doit d’être irakien en Irak, nigérian au Nigeria. Indépendants des gouvernements, nous sommes avant tout un groupe français et européen présent partout dans le monde, pas une "société mondiale", cela ne veut rien dire.


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    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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