Abdelaziz Rahabi. Ancien ministre et ancien ambassadeur d’Algérie à Madrid
« L’Algérie devrait être vigilante car le Sahel est de plus en plus perçu comme une entité autonome »
Les diplomates défendent souvent l’idée selon laquelle les courtes visites officielles constituent un révélateur de la bonne santé des relations entre un pays et un autre. Est-ce le cas de la visite du président Bouteflika à Madrid ?
Cette visite entre dans un cadre conventionnel qui prévoit un calendrier périodique de rencontres à un très haut niveau entre l’Espagne et les trois pays d’Afrique du Nord. La géographie et le commerce commandent, il est vrai, l’essentiel des relations entre voisins mais ces rendez-vous sont nécessaires et très utiles indépendamment de la conjoncture et l’ordre du jour.
Pensez-vous que les deux pays sont parvenus à aplanir leurs nombreuses divergences, comme celle entourant la lutte contre l’immigration clandestine ?
Il y a sur cette question une sorte d’exagération dont l’Algérie et l’opinion publique espagnole subissent les effets collatéraux. La communauté algérienne légalement établie en Espagne ne dépasse pas les 25 000 et les illégaux n’excèdent pas les 5000, selon les propres statistiques espagnoles. C’est à peine 5% de la communauté marocaine estimée à plus de 500 000 dont près de 400 000 demandeurs ont été légalisés il y a 5 ans.
Beaucoup de décideurs en Espagne considèrent cette dernière mesure comme une forme de soutien indirect au Maroc, une façon de participer à sa stabilisation car son instabilité est perçue comme également une menace pour l’Espagne. L’on retrouve d’ailleurs cette idée chez les principaux soutiens aux thèses marocaines sur le Sahara.
La lutte contre le terrorisme au Sahel telle qu’elle est perçue en Europe est-elle conforme aux attentes d’un pays comme l’Algérie ?
Les Occidentaux ont pris conscience très tardivement du caractère transnational du terrorisme. Quand l’Algérie soutenait cela dans les années 1990, personne ne la prenait au sérieux. Les attentats contre New York, Madrid et Londres ont créé les conditions de sa « priorisation » mais l’engagement occidental au Sahel est faible et circonstanciel.
Cependant, l’Algérie devrait être vigilante car le Sahel est de plus en plus perçu comme une entité autonome alors qu’il s’agit d’un espace avec des peuples, des Etats, des frontières internationalement reconnus.
L’Europe non seulement ne fait pas de concession à l’Algérie sur la question d’un assouplissement des conditions de circulation mais cherche à la transformer en une sorte de zone tampon ou un sas de décontamination contre ses propres harraga, qui ne représentent une menace ni pour elle ni pour l’Europe, et contre l’immigration subsaharienne.
Toute stratégie de lutte contre le terrorisme devrait tenir compte avant tout des impératifs de stabilité et de sécurité de l’Algérie. Les Algériens sont en droit de les réclamer car c’est l’Algérie qui a payé le plus lourd tribut au terrorisme international.
L’arrivée de l’Espagne à la présidence de l’Union européenne – pour 6 mois – est-elle, selon vous, de nature à catalyser les échanges entre Alger et Madrid et à participer au règlement mutuellement bénéfique du dossier du gaz ?
Cette question ne me semble pas faire partie des priorités de la présidence espagnole d’autant que la récente réforme institutionnelle de l’UE laisse peu de possibilités aux présidences tournantes. Par ailleurs, il n’y a pas à proprement parler un contentieux algéro-espagnol sur le gaz.
La détermination du prix est un problème récurent depuis plus de 20 ans, mais il se trouve que chez eux les intérêts catalans en matière de gaz prennent parfois le dessus sur la politique espagnole et que chez nous le gaz est traité comme un simple produit marchand alors que la géopolitique enseigne qu’il est plus que jamais un produit stratégique et structurant dans les relations entre Etats. Pour ce qui est du contentieux de Gassi Touil, c’est une autre affaire.
Il renseigne au moins sur la qualité de la gestion des hydrocarbures. Un retard de deux ans a été enregistré dans la réalisation du projet et donc un manque à gagner et une impossibilité de répondre à des engagements internationaux.
Au-delà de simples discours, percevez-vous réellement une volonté de Madrid d’aller dans le sens d’un règlement du conflit du Sahara occidental conforme à la légalité internationale ?
Je ne pense pas. La position espagnole en l’état actuel des choses n’évolue pas en faveur des revendications des Sahraouis, même s’il faut se féliciter de la mention expresse dans la dernière déclaration commune algéro-espagnole du Maroc et des Sahraouis comme les parties appelées à trouver une solution à ce problème qui reste avant tout une question de décolonisation.
El Watan Edition du 9 janvier 2010 Par Zine Cherfaoui
une autre point de vu qui manque pas d'intérêt, sur la visite de boutef en Espagne .
« L’Algérie devrait être vigilante car le Sahel est de plus en plus perçu comme une entité autonome »
Les diplomates défendent souvent l’idée selon laquelle les courtes visites officielles constituent un révélateur de la bonne santé des relations entre un pays et un autre. Est-ce le cas de la visite du président Bouteflika à Madrid ?
Cette visite entre dans un cadre conventionnel qui prévoit un calendrier périodique de rencontres à un très haut niveau entre l’Espagne et les trois pays d’Afrique du Nord. La géographie et le commerce commandent, il est vrai, l’essentiel des relations entre voisins mais ces rendez-vous sont nécessaires et très utiles indépendamment de la conjoncture et l’ordre du jour.
Pensez-vous que les deux pays sont parvenus à aplanir leurs nombreuses divergences, comme celle entourant la lutte contre l’immigration clandestine ?
Il y a sur cette question une sorte d’exagération dont l’Algérie et l’opinion publique espagnole subissent les effets collatéraux. La communauté algérienne légalement établie en Espagne ne dépasse pas les 25 000 et les illégaux n’excèdent pas les 5000, selon les propres statistiques espagnoles. C’est à peine 5% de la communauté marocaine estimée à plus de 500 000 dont près de 400 000 demandeurs ont été légalisés il y a 5 ans.
Beaucoup de décideurs en Espagne considèrent cette dernière mesure comme une forme de soutien indirect au Maroc, une façon de participer à sa stabilisation car son instabilité est perçue comme également une menace pour l’Espagne. L’on retrouve d’ailleurs cette idée chez les principaux soutiens aux thèses marocaines sur le Sahara.
La lutte contre le terrorisme au Sahel telle qu’elle est perçue en Europe est-elle conforme aux attentes d’un pays comme l’Algérie ?
Les Occidentaux ont pris conscience très tardivement du caractère transnational du terrorisme. Quand l’Algérie soutenait cela dans les années 1990, personne ne la prenait au sérieux. Les attentats contre New York, Madrid et Londres ont créé les conditions de sa « priorisation » mais l’engagement occidental au Sahel est faible et circonstanciel.
Cependant, l’Algérie devrait être vigilante car le Sahel est de plus en plus perçu comme une entité autonome alors qu’il s’agit d’un espace avec des peuples, des Etats, des frontières internationalement reconnus.
L’Europe non seulement ne fait pas de concession à l’Algérie sur la question d’un assouplissement des conditions de circulation mais cherche à la transformer en une sorte de zone tampon ou un sas de décontamination contre ses propres harraga, qui ne représentent une menace ni pour elle ni pour l’Europe, et contre l’immigration subsaharienne.
Toute stratégie de lutte contre le terrorisme devrait tenir compte avant tout des impératifs de stabilité et de sécurité de l’Algérie. Les Algériens sont en droit de les réclamer car c’est l’Algérie qui a payé le plus lourd tribut au terrorisme international.
L’arrivée de l’Espagne à la présidence de l’Union européenne – pour 6 mois – est-elle, selon vous, de nature à catalyser les échanges entre Alger et Madrid et à participer au règlement mutuellement bénéfique du dossier du gaz ?
Cette question ne me semble pas faire partie des priorités de la présidence espagnole d’autant que la récente réforme institutionnelle de l’UE laisse peu de possibilités aux présidences tournantes. Par ailleurs, il n’y a pas à proprement parler un contentieux algéro-espagnol sur le gaz.
La détermination du prix est un problème récurent depuis plus de 20 ans, mais il se trouve que chez eux les intérêts catalans en matière de gaz prennent parfois le dessus sur la politique espagnole et que chez nous le gaz est traité comme un simple produit marchand alors que la géopolitique enseigne qu’il est plus que jamais un produit stratégique et structurant dans les relations entre Etats. Pour ce qui est du contentieux de Gassi Touil, c’est une autre affaire.
Il renseigne au moins sur la qualité de la gestion des hydrocarbures. Un retard de deux ans a été enregistré dans la réalisation du projet et donc un manque à gagner et une impossibilité de répondre à des engagements internationaux.
Au-delà de simples discours, percevez-vous réellement une volonté de Madrid d’aller dans le sens d’un règlement du conflit du Sahara occidental conforme à la légalité internationale ?
Je ne pense pas. La position espagnole en l’état actuel des choses n’évolue pas en faveur des revendications des Sahraouis, même s’il faut se féliciter de la mention expresse dans la dernière déclaration commune algéro-espagnole du Maroc et des Sahraouis comme les parties appelées à trouver une solution à ce problème qui reste avant tout une question de décolonisation.
El Watan Edition du 9 janvier 2010 Par Zine Cherfaoui
une autre point de vu qui manque pas d'intérêt, sur la visite de boutef en Espagne .
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