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france:Daniel Bensaïd est mort

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  • france:Daniel Bensaïd est mort

    mardi 12 janvier 2010 (14h30)
    de PONCET Emmanuel
    Le philosophe Daniel Bensaïd, théoricien de l’ex-LCR et du Nouveau Parti Anticipaliste, est décédé à Paris mardi matin, des suites d’une longue maladie. Nous republions ci-dessous un portrait de lui, datant d’avril 2004.

    Et si la chasse aux soixante-huitards se calmait provisoirement ? Ils ont tout sapé, tout gagné, tout occupé. Rien laissé, rien lâché, rien transmis aux générations suivantes, a-t-on beaucoup écrit. Mais, depuis le frémissement éditorial et historiographique (entre autres Edwy Plenel, Benjamin Stora, en ce moment Bernard Kouchner et Cohn-Bendit) consécutif aux non-dits de jeunesse de Lionel Jospin, le procès récurrent fait à la disparate cohorte 68 prend un tour moins hargneux. Peut-être plus juste. Du genre : «Regardez, ils deviennent presque modestes en se racontant.» Ou, plus psy : le soixante-huitard, comme tous les pères putatifs est, selon une formule consacrée, celui qui ne répond pas aux questions qu’on ne lui pose pas. Justement, Daniel Bensaïd répond aux questions. Simplement. Il dit des trucs bêtes et explicites comme : «Il ne faut pas oublier que nous étions la première génération médiatisée. Sur les barricades, certains négociaient déjà les photos à Paris Match.»
    Ce n’était certainement pas lui. Personne ou presque ne connaît ce philosophe. Maître de conférences à Paris-VIII. Globe-trotter militant. Eminence grisonnante à la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). Il fait pourtant de régulières et prolifiques apparitions éditoriales depuis 1995. Il court les réunions politiques et les forums sociaux de Narbonne à Porto Alegre. Voix féminine, accentuée Sud-Ouest. Corps frêle, visage émacié, santé très fragile. Il se meut aussi discrètement dans l’espace que ses ex-congénères l’occupaient (l’espace). Longtemps tribun séducteur, il ne manie plus la faconde charismatique des leaders médiamythiques de 1968. Il se pose un peu coquettement comme la figure inversée du séducteur libéral-libertaire. Il s’insurge contre les visions autosatisfaites de 68 comme celle d’Henri Weber («la génération de 68 n’a pas trop lieu de clamer sa douleur»). Mais ni contrition reniante genre Jospin, ni récit épique façon Génération, le style Bensaïd, c’est surtout de raconter sereinement les «z’événements», au café, comme s’ils allaient naturellement se remettre à leur juste place historique. «On a beaucoup exagéré 68, dit-il, parce que nous étions en manque. En manque d’événements fondateurs. Nous voulions rejouer l’Affiche rouge.» Sous la modestie, on croise quand même un joli Who’s Who médiatico-mondain de gauche.
    Lorsqu’il effectue son stage de Capes de philosophie au lycée Jean-Baptiste-Say, à Paris, en 1970, il croise un jeune agitateur nommé Michel Field. Plus tard, au lycée La Fontaine, sa costagiaire s’appelle Sylviane Agacinski, future femme de Jospin. A l’Ecole normale d’Auteuil, c’est le jeune rocardien prometteur Patrick Viveret. Du beau linge d’époque, auquel s’ajoute la longue liste du staff de Rouge, fameux journal de la Ligue et vivier de médiastars à venir : Edwy Plenel, futur directeur de la rédaction du Monde ; Dominique Pouchin, ex-directeur adjoint de la rédaction de Libération ; Bernard Guetta, chroniqueur à France Inter ; Hervé Chabalier, PDG de Capa ; etc., etc. Le plus drôle des années Rouge reste la rencontre avec Jean-Luc Godard. Il vient lui demander un soutien financier comme à Jean-Paul Sartre, Michel Piccoli ou Delphine Seyrig avant lui. «Le réalisateur du Mépris et de Pierrot le Fou m’intimidait [...], écrit-il, il déclara abruptement que le mouvement d’une caméra était comme une caresse autour de l’image, alors que le geste mécanique du journaliste qui ramène brutalement à la ligne le chariot de son Underwood ou de sa Remington était celui que l’on fait pour gifler un enfant. Il n’y avait rien à ajouter.» L’air de rien, ce discret name dropping dessine les contours d’une génération intello-médiatique qu’il feint d’avoir observé de loin. Une distance ambiguë que l’on retrouve dans son amitié contrariée avec Edwy Plenel. Ils se sont tant aimés. C’est Plenel qui le pousse à écrire aux alentours de 1988. C’est la femme de Plenel, Nicole Lapierre, qui l’édite aujourd’hui (1). Mais entre-temps l’amitié entre les deux hommes s’est manifestement distendue. «Edwy a toujours eu la passion du journalisme. Mais la logique impersonnelle de la production médiatique est dévorante. Entre nos visions du monde, la distance s’est creusée. Pour autant, Edwy n’est pas devenu cynique», assure-t-il.
    Bensaïd est décidément plus au calme dans son habit de moine soldat du trotskisme parcourant le monde. Il fait figure à la Ligue communiste de sage tutélaire qu’on consulte mais qui met aussi les mains dans le cambouis. Il s’est d’abord opposé au casting Besancenot. «J’avais peur qu’on échoue lors du recueil de signatures, comme en 1981 et 1988 avec Alain Krivine.» Peur du côté virginal et anonyme du jeune postier. Aujourd’hui, il semble ravi, malgré les piètres résultats des régionales. «Olivier a levé l’hypothèque d’une génération encombrante». Parfois, il prend un verre avec cet étrange héritier du trotskisme aimant Zebda, très demandeur de collectif «alors que nous étions des francs-tireurs». Il lui téléphone pour corriger certaines prestations télévisées. «Un jour, il avait dit que La Poste n’avait pas pour but d’être rentable. Je lui ai dit de trouver une autre formule moins choquante.»
    Un autre membre de la Ligue, Philippe Corcuff, politologue à Lyon-II, le définit comme «un authentique intellectuel organique», ne dissociant jamais la théorie de la pratique. «Philosophe rustique», corrige une note un peu méprisante de la fondation Saint-Simon. «Moléculaire plutôt», conclut Bensaïd qui dit être tombé dans le communisme comme dans un bain chimique. Sa mère, surtout, chez qui «on chantait rouge». Ouvrière modiste, elle est pétrie de lectures sentimentales hugoliennes. Son père, juif et boxeur lit plutôt l’Equipe. Il pleure parfois, devant Autant en emporte le vent. Après Oran, la famille s’installe près de Toulouse. Enfance dans le Bar des Amis, le café familial sur la route de Narbonne. Observatoire sociologique précieux. Tapis de cartes Cinzano. Le «rejeton du bistrot» côtoie charnellement les ouvriers et réfugiés politiques espagnols. Vaccination à vie contre les mythologies prolétariennes. Au comptoir, Pierrot, le résistant communiste flingueurconduit gratis son patron le dimanche au champ de courses. Sensible au «mépris social», il n’a pas signé la pétition pro-intelligence des Inrockuptibles. En 1960, la mort précoce de son père le plonge dans une «méditation morbide» qui lui épargne, affirme-t-il, «les conflits de l’adolescence». La mère reprend péniblement le café. Elle sera contrainte de faire des ménages pour assurer son minimum retraite. Lui entre dans le tourbillon parisien, étudiant et militant en 1966. Il rencontre sa femme, Sophie, avec laquelle il vit toujours, dans le XIe arrondissement de Paris. Et tous les acteurs de sa génération. Second rôle sensible, antihéros récurrent, il ne veut crânement pas sortir de l’utopie. Sa vision du monde reste clairement partagée. Certains diraient rigide. «Il y a un désir de ne pas se rendre, c’est sûr...», confesse-t-il. Mais,«Entre ceux qui prennent des coups sur la gueule et ceux qui en donnent, la frontière est tout de même facile à définir, non ?».
    (1) Une lente impatience, Stock.
    Daniel Bensaïd en 5 dates
    25 mars 1946
    Naissance à Toulouse.
    1962
    Adhésion aux Jeunesses communistes consécutive à la manifestation de Charonne.
    Octobre 1967
    Assassinat de Guevara.
    1995
    Publication de Marx l’intempestif (Fayard) et de la Discordance des temps (éditions de la Passion).
    15 février 2003
    Première manifestation mondiale contre la guerre.
    http://www.liberation.fr/portrait/01...la-ligne-rouge



    De : PONCET Emmanuel
    bellacio
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Le théoricien de la LCR, Daniel Bensaïd, est mort

    LAURE EQUY
    Le philosophe Daniel Bensaïd à un meeting de la LCR organisé pour fêter mai 68, le 30 mai 2008, à la Mutualité à Paris (© AFP Miguel Medina)
    Le philosophe marxiste et théoricien de l’ancienne Ligue communiste révolutionnaire (LCR), grande sœur du Nouveau parti anticapitaliste (NPA), Daniel Bensaïd, est décédé ce matin à 63 ans. Il était gravement malade depuis plusieurs mois.
    Après avoir cofondé la JCR (Jeunesse Communiste Révolutionnaire) en 1966, puis compté comme l’un des principaux acteurs du mouvement de Mai 68, Daniel Bensaïd a participé à la création de la LCR, en avril 1969, dont il a longtemps été membre de la direction. En 2008 et 2009, il avait aussi contribué à la création du NPA, né en février dernier, dans la foulée de la dissolution politique de la Ligue.
    Philosophe, enseignant à l’Université de Paris VIII, il a publié de nombreux ouvrages de philosophie ou de débat politique, dont «Prenons parti pour un socialisme du XXIe siècle» (Editions Mille et une nuits, 2009), en collaboration avec Olivier Besancenot. Animateur des revues Critique Communiste et ContreTemps,«il a participé activement à la création de la Fondation Louise Michel et mené sans concession le combat des idées, inspiré par la défense d’un marxisme ouvert, non dogmatique», rappelle le NPA, dans son communiqué.
    «Un révolutionnaire d’actualité»

    «C’est une très grande perte», vient de réagir, «avec beaucoup de tristesse», Alain Krivine, cofondateur de la LCR auprès de Libération.fr. «Il appartenait à toute une génération militante qui avait fait ses preuves en 1968. Il n’a pas, lui, abandonné le drapeau de la révolte et de la résistance, il incarnait la continuité du combat révolutionnaire», décrit-il, à propos de celui qui conjuguait à la fois «théorie marxiste, sans en faire un dogme sectaire», et «militantisme de terrain». «Un révolutionnaire d’actualité», ajoute Krivine, soulignant son enthousiasme lors de la mise sur pied du NPA: «c’était la culture, la joie de vivre, la convivialité.»

    retrouver ce média sur www.ina.fr
    Lors de la campagne présidentielle de 1969: Alain Krivine et Daniel Bensaïd (Source:ina)
    «Il n'était pas un prof»

    Contacté par Libération.fr, Pierre-François Grond, membre du comité exécutif du NPA, se souvient de l’avoir rencontré pour la première fois , «en 1982-1983», lors d’un stage d’été de la Ligue: «il était à la fois l’idéologue de la Ligue et jouait au foot avec nous, mettait les tables en place.» Proche d’Olivier Besancenot, il salue la mémoire de «celui qui a permis, dans les années 90, de réactualiser le marxisme à partir des grands bouleversements qui se sont produits». «Il a transmis ce retour à Marx, en mariant l’ancrage dans l’Histoire et une certaine modernité», ajoute Grond: «Il ne donnait pas une pensée toute faite mais des lignes de compréhension du monde, il n'était pas un prof.»
    Le NPA organisera une soirée d’hommage militant le samedi 23 janvier à Paris.
    liberation
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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