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La crise financière pour les nuls II - 1ère partie

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  • La crise financière pour les nuls II - 1ère partie

    C'est un peu long mais très facile à lire et plutôt bien vulgarisé.

    1. La montagne de dettes.

    Vous pourriez choisir de n’acheter que ce que vous avez déjà les moyens de payer. Néanmoins, vous pouvez aussi emprunter de l’argent, par exemple à des proches mais plus généralement à une banque, pour acheter tout de suite ce qui ne serait dans vos moyens qu’au bout de plusieurs décennies d’épargne. Dès lors que cette possibilité existe, il est normal et humain de chercher à en bénéficier. De fait on peut affirmer que toute personne qui a la possibilité d’emprunter use, tôt ou tard, de cette possibilité.
    Votre prêt auprès d’une banque suit sensiblement le même mécanisme quelle que soit la nature de ce que vous voulez acheter. Le plus connu est bien sûr le prêt immobilier : grâce à lui, vous devenez immédiatement propriétaire d’un appartement, voire d’une maison, en échange de vingt, vingt-cinq, trente ans de dettes payées chaque mois à la banque. Les choses se passent cependant de la même façon pour une voiture, les études de votre enfant, les travaux pour rafraîchir les murs de la maison, etc.
    Ce mécanisme est le suivant : le montant et les intérêts de votre emprunt dépendent essentiellement de l’écart de valeur entre d’un côté, ce que vous voulez, et de l’autre, ce que vous possédez et gagnez déjà. Plus cet écart est faible, plus la banque considèrera qu’il y a peu de risques que vous n’arriviez plus à rembourser chaque mois votre emprunt ou que, au pire, elle trouvera chez vous des biens à saisir pour rentrer dans ses frais. En d’autres termes, plus vous êtes riche, plus vous bénéficierez de prêts aux montants élevés et aux intérêts faibles, et plus vous êtes pauvre, plus vos prêts auront des montants faibles et des intérêts élevés.
    Notez que pour un type d’achat donné, plus la pratique du prêt se banalise, plus les prix augmentent. Prenons l’exemple des biens immobiliers. Lorsque les prêts immobiliers n’étaient pas encore d’usage courant, les particuliers ne pouvaient acheter un bien immobilier qu’à des prix beaucoup plus bas qu’actuellement. Cela forçait les propriétaires, s’ils voulaient vendre, à s’aligner sur cette capacité d’achat. Depuis, le prêt immobilier est totalement entré dans les moeurs. Les acheteurs ont donc pu mobiliser plus d’argent, mais réciproquement, les vendeurs ont pris en compte ce changement et ont donc augmenté leurs prix. C’est par conséquent un retour à la situation d’avant les prêts immobiliers, à la différence près que depuis lors vous devez vous endetter plusieurs décennies pour acquérir un appartement. On soulignera cependant, pour mémoire, que si l’existence des prêts pousse les prix immobiliers à la hausse, en revanche la hausse des prix immobiliers n’a pas pour seule cause l’existence des prêts (voir chapitre 10).
    En plus de vos dettes en tant que particulier, existent aussi les dettes des entreprises. Lorsqu’une entreprise naît, il est en effet extrêmement rare que son ou ses fondateurs aient à eux seuls assez d’argent pour financer son lancement ; et s’ils l’ont, ils décident alors de voir plus grand en prenant en compte ce qu’une banque va être prête à leur prêter. Dans les deux cas, l’argent d’une ou de plusieurs banques s’ajoute à l’argent des fondateurs et, le cas échéant, de leurs proches ou de leurs associés.
    Lorsqu’une entreprise a dépassé le stade de la naissance, elle se retrouve dans la même situation que vous lorsque vous décidez d’emprunter pour acheter quelque chose tout de suite, au lieu d’économiser des années pour en avoir les moyens. Mais si vous pouvez vous endetter, l’entreprise, elle, doit s’endetter. Chaque mois, elle emprunte de l’argent à la banque, ce qui lui permet de faire fonctionner la machine et de gagner de l’argent, argent sur lequel elle prélève en fin de mois ce qu’elle doit à la banque intérêts inclus, et ainsi de suite mois après mois. En outre, l’entreprise peut souhaiter emprunter de l’argent pour se développer : renouveler son équipement, agrandir ses points de vente, etc.
    Une entreprise qui a des dettes est donc une entreprise absolument normale. Quant au mécanisme qu’applique une banque à la demande de prêt d’une entreprise, ce sera sensiblement le même que celui qu’elle vous applique à vous. La banque mesure l’écart entre d’un côté, les bénéfices de l’entreprise et ce qu’elle possède déjà, et de l’autre, le montant qu’elle veut emprunter. Notez cependant qu’une entreprise, si elle le souhaite et à condition d’avoir atteint une certaine taille, peut cependant ne pas s’adresser à une banque pour emprunter de l’argent, et préférer entrer en bourse (voir partie 3).
    En plus de vos dettes en tant que particulier et des dettes des entreprises, existent aussi les dettes des banques. De fait les banques ne se contentent pas de vous prêter de l’argent et d’en prêter aux entreprises. Elles ont aussi des activités de dépôt, en cela qu’elles montent la garde sur l’argent que vous leur confiez et que leur confient les entreprises. Cela étant, écrire qu’elles veillent sur votre argent serait abusif : en réalité, elles le placent sur les marchés financiers (voir chapitre 5). Selon qu’elle perd de l’argent sur ces marchés financiers ou qu’elle affronte toute autre sorte de coup dur, une banque peut donc être amenée à devoir emprunter de l’argent. La banque fera alors la même chose que vous, la même chose qu’une entreprise : elle s’adressera à une banque, qui appliquera encore et toujours le même mécanisme.
    En plus de vos dettes en tant que particulier, des dettes des entreprises et des dettes des banques, existent enfin les dettes des Etats. Lorsqu’un Etat dépense plus que ses revenus, principalement issus des taxes, il vend sur les marchés financiers des reconnaissances de dettes, qu’on appelle des obligations d’Etat. Ces obligations d’Etat sont ensuite achetées par des investisseurs, attirés par le fait qu’ils soient quasiment certains d’être remboursés. Par exemple, les compagnies d’assurance sont très friandes d’obligations d’Etat, par prudence et parce que la loi les force à investir de cette façon l’écrasante majorité de leur argent. L’Etat peut par ailleurs émettre des obligations d’Etat pour faire des dépenses d’investissement dont il n’a pas encore les moyens, comme une entreprise lorsqu’elle renouvelle ses équipements.
    Le montant de ces obligations dépend d’à quel point l’Etat concerné a besoin d’argent pour se maintenir. Leur taux d’intérêt, c’est-à-dire combien l’Etat devra rembourser mensuellement en plus de cette dette pour qu’on accepte de lui acheter ses obligations, dépend de la confiance que les investisseurs ont dans sa capacité à honorer ses dettes. Pour prendre un exemple, lorsque l’Argentine a connu dans les années 90 une crise économique de très grande ampleur, le taux d’intérêt de ses obligations d’Etat a logiquement grimpé en flèche.
    Il n’y a donc pas lieu de culpabiliser si vous êtes un multirécidiviste du crédit ou de l’emprunt. Dites-vous bien que c’est une pratique extrêmement courante et que vous, moi, les entreprises, les banques, les Etats, nous avons bâti et nous bâtissons encore, tous ensemble, une montagne de dettes.
    2. Au fait, quelle est la différence entre l’économie et la finance ?
    Les deux termes sont si souvent utilisés de manière interchangeable qu’on finit par oublier la différence. Il y en a pourtant une. Elle ne se limite pas, contrairement à la perception commune, à une séparation entre d’un côté de l’argent qui s’agite en vase clos, et de l’autre la vraie vie économique des vrais gens surnommée l’économie réelle. Elle ne se limite pas non plus, derrière cette séparation, à une frontière fermée entre le monde du travail et le monde du capital.
    En théorie et pour résumer, la finance fait partie de l’économie et elle est à son service : comme son nom l’indique, elle sert à la financer. Si les marchés financiers sont des marchés, c’est parce que comme les marchés aux fruits et légumes, ils permettent à une offre de rencontrer une demande. L’offre d’actions de l’entreprise lambda remplace l’offre de pommes de fraîcheurs diverses, tandis que la demande d’actions d’une entreprise qui gagne de l’argent remplace la demande de pommes à la chair ferme. Et si les marchés financiers sont financiers, c’est parce que c’est au sujet du financement des entreprises que l’offre et la demande s’y rencontrent.
    Toujours comme sur un marché aux fruits et légumes, les prix seront négociés ; les acheteurs présents tôt et à l’affût des opportunités auront les meilleurs fruits ; les acheteurs tardifs ne pourront s’offrir que les légumes dont personne ne veut ; les vendeurs qui vantent bien fort la qualité vérifiable de leurs produits attireront davantage d’acheteurs et pourront vendre leurs fruits à un meilleur prix ; les vendeurs les moins scrupuleux n’hésiteront pas à glisser dans un sachet de fraises fraîches quelques fraises périmées vendues au prix de la bonne marchandise. Il serait facile d’égrener les termes techniques spécifiques des marchés financiers, de détailler les procédures, de lister les cas auxquels s’apparentent ces comparaisons. Ces dernières suffisent cependant pour comprendre le mécanisme.
    S’il est entendu que la finance sert à financer l’économie et qu’une offre et une demande se rencontrent sur les marchés financiers pour y parvenir, reste à définir l’économie elle-même. Contentons-nous ici de la formule connue selon laquelle l’économie, c’est la gestion des demandes potentiellement illimitées de biens en quantités limitées. En d’autres termes, l’espèce humaine fait de son mieux dans son environnement pour produire ce dont elle a besoin, le cas échéant après l’avoir inventé, et pour se partager cette production : cet ensemble d’efforts constitue l’activité économique.
    Dernière modification par Zakia, 12 janvier 2010, 19h40.
    « N’attribuez jamais à la malveillance ce qui s’explique très bien par l’incompétence. » - Napoléon Bonaparte

  • #2
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    3. Grandes entreprises, grandes parts du gâteau ; part des grandes entreprises, petite part du gâteau.
    Nous avons vu qu’au lieu d’emprunter de l’argent, une entreprise peut, si elle le souhaite et à condition d’avoir atteint une certaine taille, entrer en bourse. La taille de l’entreprise est mesurée par des experts mais pour l’essentiel, ces derniers se limitent à regarder quelle somme d’argent l’entreprise génère comme bénéfices. Une fois le feu vert obtenu, l’entreprise peut entrer en bourse de deux manières.
    La première manière est de vendre, comme les Etats, des reconnaissances de dette. Comme pour les Etats, ces reconnaissances de dette s’appellent des obligations. Ces obligations sont achetées par des investisseurs. Leur montant dépend d’à quel point l’entreprise concernée a besoin d’argent pour se remettre à flot ou pour faire de nouveaux investissements. Leur taux d’intérêt, c’est-à-dire combien l’entreprise devra rembourser mensuellement en plus de cette dette pour qu’on accepte de lui acheter ses obligations, dépend de la confiance que les investisseurs ont dans sa capacité à honorer ses dettes. Le propriétaire d’une obligation a ensuite droit à des intérêts tous les mois jusqu’à ce que, à la fin de l’équivalent d’une date limite de consommation, l’entreprise lui rembourse la totalité de la dette.
    La seconde manière est de se vendre elle-même, morceau par morceau. Ces morceaux sont des titres de propriété de valeur égale, ce qui signifie que s’il y a cent titres de propriété, celui qui en achète cinq possède davantage l’entreprise que celui qui en achète trois. Ces morceaux s’appellent des actions. Le prix de vente de chaque action est un point d’équilibre entre l’argent que l’entreprise veut obtenir au total et l’argent que les acheteurs en bourse sont prêts à payer. Le propriétaire d’une action touche des dividendes, c’est-à-dire une partie des bénéfices de l’entreprise, à chaque fois que cette dernière décide de distribuer des dividendes aux actionnaires. Pour l’anecdote, notez que ce genre de décision est prise par... un vote des actionnaires eux-mêmes.
    Ceci dit, notez bien que les entreprises qui génèrent suffisamment de bénéfices pour avoir le droit d’entrer en bourse ne représentent pas du tout l’essentiel de notre activité économique. Souvenez-vous : l’espèce humaine fait de son mieux dans son environnement pour produire ce dont elle a besoin, le cas échéant après l’avoir inventé, et pour se partager cette production ; cet ensemble d’efforts constitue l’activité économique. Or si on considère le nombre de personnes employées, l’essentiel de cette activité, et de très loin, est exercé par des entreprises de petite taille, voire de très petite taille.
    En revanche, par définition, les entreprises qui génèrent suffisamment de bénéfices pour avoir le droit d’entrer en bourse en génèrent précisément beaucoup plus que les autres entreprises. Or là aussi, souvenez-vous : les marchés financiers servent à financer l’activité économique.
    Les marchés financiers financent donc en priorité des entreprises qui représentent comparativement beaucoup de bénéfices mais peu de personnes employées.
    4. Qui se cache derrière la retraitée de Floride ?
    Vous entendez souvent parler des fonds-de-pensions-américains-qui-rachètent-nos-entreprises. Derrière cette expression un peu fourre-tout se cachent des acteurs très différents les uns des autres. Ils ont tous en commun de manœuvrer des masses immenses d’argent. On distinguera ici les fonds de pensions, les fonds d’investissement et les fonds souverains.
    Les fonds de pensions sont des organismes d’épargne collective. Tous les mois, des particuliers leur versent une certaine somme d’argent. En contrepartie, ils leur garantissent un versement mensuel d’un certain montant lorsqu’arrive la retraite. Par exemple, les enseignants californiens ont leur propre fonds de pensions, Calpers. Ce type de fonds existe dans certains pays, par exemple les Etats-Unis, pour compenser le fait qu’il n’y existe pas de système de retraites par répartition, comme en France. Dans l’imaginaire collectif, ces fonds aux moyens considérables rachètent une par une nos grandes entreprises, avec pour image d’Epinal la-retraitée-de-Floride-bientôt-propriétaire-de-Danone.
    En réalité, ces fonds ne rachètent pas nos entreprises. Ce qu’ils font, c’est confier une certaine somme d’argent à des fonds d’investissement et exiger de toucher en échange, tous les mois, une certaine somme d’argent exprimée en pourcentage de la somme initiale. Avec cette somme mensuelle, les fonds de pensions doivent tout à la fois payer les retraites de leurs clients quand ils y ont droit, confier encore plus d’argent à des fonds d’investissement pour gagner encore plus d’argent, et en garder une partie pour rémunérer leurs actionnaires. N’oubliez pas en effet qu’un fonds de pensions est une entreprise de grande taille, qui a donc des actionnaires, à qui elle doit donc distribuer des dividendes.
    Les fonds d’investissement, quant à eux, sont des organismes de placement. Comme cette expression l’indique, ils servent à placer de l’argent. Ils le placent en faisant des achats sur les marchés financiers. Ils achètent des actions, c’est-à-dire des morceaux de propriété d’entreprises, des obligations, c’est-à-dire des dettes d’entreprises, mais ils achètent aussi et surtout des produits dérivés (voir chapitre 7 : leurs deux méthodes de prédilection sont l’effet-levier (voir chapitre 5) et la vente à découvert (voir chapitre 6).
    Le plus souvent, ces fonds d’investissement appartiennent à des banques. Quant à l’argent qu’ils placent, les clients qui les leur confient sont soit des banques, soit des fonds de pensions, soit d’autres investisseurs de grande taille, comme par exemple les compagnies d’assurance. Ces clients leur confient cet argent contre la garantie de toucher en échange, tous les mois, une certaine somme d’argent exprimée en pourcentage de la somme initiale.
    Avec les achats qu’ils font sur les marchés financiers grâce à cet argent, les fonds d’investissement doivent tout à la fois payer cette somme mensuelle à leurs clients, placer encore plus d’argent sur les marchés financiers pour gagner plus d’argent, et en garder une partie pour distribuer des dividendes à leurs actionnaires, c’est-à-dire le plus souvent à une ou plusieurs banques.
    Remarquez qu’à partir de cette répartition des rôles, vous pouvez vous retrouver dans une situation absurde. Prenons un exemple simple de circulation d’argent qui partirait de votre poche. Vous confiez cet argent à votre banque, qui vous garantit une somme qu’elle vous versera chaque mois, exprimée en pourcentage de votre dépôt initial. Afin de vous payer cette somme mensuelle, de gagner assez d’argent pour en faire profiter ses actionnaires, et d’avoir davantage d’argent à utiliser, votre banque confie cet argent à un fonds d’investissement. A son tour, ce fonds garantit à votre banque une somme qu’il lui versera chaque mois, exprimée en pourcentage de la somme initiale. Afin de payer cette somme mensuelle à la banque, de gagner assez d’argent pour en faire profiter ses actionnaires, et d’avoir davantage d’argent à utiliser, ce fonds achète sur les marchés financiers des actions d’une grande entreprise dont vous êtes salarié. Devenu un actionnaire important de cette société, et contraint d’amasser de l’argent pour faire face à ses contraintes, ce fonds exige de cette grande entreprise qu’elle lui verse régulièrement un sixième de ce que lui a coûté chaque action. Pour pouvoir payer, l’entreprise réduit ses coûts, notamment en effectuant un plan social qui inclut votre poste. Vous perdez votre emploi. Vous pouvez aussi imaginer une variante où c’est votre voisin de palier qui a confié de l’argent à sa banque et où c’est vous qui perdez votre emploi.
    Restent les fonds souverains, qui sont un cas très particulier de fonds d’investissement. L’argent qu’ils placent est l’argent d’un Etat. Ils peuvent ne placer cet argent que pour en faire gagner à cet Etat, auquel cas ils fonctionnent globalement comme un fonds d’investissement. Un Etat peut aussi vouloir utiliser un fonds souverain pour placer de l’argent dans des produits financiers, mais ne pas vouloir prendre de risques. Dans ce cas, le fonds souverain n’achètera que des produits financiers très sûrs, ou considérés comme tels sur les marchés.
    Prenons l’exemple de la Chine. Les Chinois consomment nettement plus de produits venant d’entreprises installés en Chine que de produits venant d’entreprises installées à l’étranger. Or les entreprises installées en Chine paient des taxes et placent de l’argent dans des banques notamment chinoises. Par ailleurs nombre de ces entreprises et de ces banques sont partiellement voire totalement la propriété de l’Etat, ce qui dirige vers lui tout ou partie de leurs bénéfices. Ces masses d’argent dirigées vers l’Etat atteignent un niveau tel que ce dernier a plus d’argent que ce qu’il prévoit de dépenser. Une partie de cet argent est alors placée en achetant des obligations d’Etat américaines, c’est-à-dire des reconnaissances de dettes des Etats-Unis.
    Un Etat peut enfin vouloir intervenir sur les marchés financiers pour des raisons politiques et non pas financières. Dans ce cas, les produits financiers achetés par ce fonds souverain seront choisis en fonction des objectifs politiques de cet Etat. Par exemple, la plupart des pays d’Europe dépendant de la Russie pour se fournir en gaz, la Russie peut souhaiter acheter des actions de sociétés européennes productrices de gaz pour aggraver cette dépendance.
    Terminons sur un ordre de grandeur. A l’heure actuelle, les grands fonds, au premier rang desquels les fonds de pensions par l’intermédiaire des fonds d’investissement, détiennent plus de la moitié des actions des entreprises cotées en bourse sur la planète. Autant dire qu’additionnés, ce sont eux qui décident du sens du vent sur les marchés financiers. Vous étiez probablement déjà au courant que ce sont ces fonds qui mettent les grandes entreprises sous pression en exigeant régulièrement d’elles d’importantes sommes d’argent. Peut-être ignoriez-vous que derrière ces fonds se trouvent leurs clients, et les clients de ces clients, mais surtout, en bout de chaîne, un retraité américain lambda, un cadre français anonyme... bref, vous et moi.
    Dernière modification par Zakia, 12 janvier 2010, 19h35.
    « N’attribuez jamais à la malveillance ce qui s’explique très bien par l’incompétence. » - Napoléon Bonaparte

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    • #3
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      5. Donnez-moi un point d’appui et je soulèverai le monde.
      C’est à Archimède que l’on doit, entre autres, l’invention du levier. Bien des siècles plus tard, les fonds d’investissement en appliquent le principe sur les marchés financiers grâce à une technique appelée le leverage buy out, ou LBO, littéralement l’achat avec effet-levier. On attribue au même Archimède, concernant le levier, la phrase suivante : « donnez-moi un point d’appui et je soulèverai le monde. » Bien des siècles plus tard, les fonds d’investissement soulèvent le monde économique avec pour point d’appui le monde financier.
      A la manière d’un levier qui permettrait de soulever une pierre avec le même effort que pour soulever sans levier une pomme, l’achat avec effet-levier permet à un fonds d’investissement de prendre le contrôle d’une entreprise de grande taille avec le même effort financier que pour l’achat sans effet-levier d’une petite entreprise.
      Imaginez une entreprise cotée en bourse dont la propriété est morcelée en cent actions. Imaginez ensuite que chacune de ces actions coûte un euro. Imaginez enfin qu’un fonds d’investissement ait besoin de détenir trente actions pour exercer sur cette entreprise le contrôle qu’il estime suffisant. Le fonds aura donc besoin de trente euros pour atteindre son objectif. Concrètement, il va utiliser son propre argent pour acheter trois actions, ce qui lui coûtera trois euros, et empruntera les vingt-sept euros restants à des banques. L’effet-levier est donc de un pour dix, puisque pour chaque action achetée avec son propre argent le fonds d’investissement en contrôle dix fois plus.
      Souvenez-vous de la montagne de dettes. En multipliant les achats par effet-levier, les fonds d’investissement y apportent leur contribution. Par ailleurs, comme vis-à-vis de tout autre emprunteur, les banques sollicitées pour bâtir le levier ont répondu présent, mais en contrepartie d’un supplément aux mensualités de remboursement, supplément une fois encore exprimé en pourcentage de la somme initialement prêtée. En outre, toujours comme vis-à-vis de tout autre emprunteur, les banques ont évalué l’ampleur du prêt en fonction de ce que le fonds possède déjà, et qu’elles pourront saisir en cas de problème. Or ce qu’il possède déjà, il l’a presque toujours acquis grâce à des achats avec effet-levier... Il ne le possède donc que grâce à une petite part d’argent qui lui appartient et à une grande part d’autres dettes.
      Reprenons l’exemple de notre entreprise à cent euros. Pour acheter trente actions à un euro chacune, le fonds d’investissement a payé trois euros lui-même et vingt-sept euros empruntés à des banques. Les trois euros qu’il a payés lui-même viennent bien entendu de ses clients, qui les lui ont confiés en contrepartie de la garantie d’un bénéfice mensuel. En tant qu’actionnaire, il doit donc à présent se faire verser suffisamment de dividendes par l’entreprise qu’il a achetée pour pouvoir, tous les mois, rembourser les intérêts sur les vingt-sept euros qu’il doit aux banques, verser à ses clients les bénéfices sur les trois euros qu’il a payés lui-même, avoir de l’argent disponible pour être réinvesti, et verser des dividendes à ses propres actionnaires. Il va donc avoir beaucoup de mal à demander autre chose à que des dividendes élevés à l’entreprise dont il a acheté des actions.
      En bout de course, typiquement au bout de quatre ou cinq ans, le fonds revendra ses actions sur les marchés financiers et remboursera ainsi aux banques sa dette en elle-même. Le fonds aura réalisé une bonne opération si la valeur des actions a monté entretemps, une mauvaise dans le cas contraire. Afin d’éviter de prendre des risques trop importants, il va donc varier au maximum le profil des entreprises dont il achète des actions : c’est l’adage « ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. » C’est ce qui explique que les activités des fonds d’investissement touchent des domaines manifestement sans aucun rapport les uns avec les autres : les produits laitiers et l’industrie d’armement, l’immobilier et les matières premières, etc.
      6. Vendre ce qu’on ne possède pas.
      On distingue sur les marchés financiers la gestion traditionnelle et la gestion alternative. Vous pratiquez la gestion traditionnelle si vous avez tendance à acheter les produits financiers quand leur valeur monte et à les vendre quand leur valeur baisse ; vous pratiquez la gestion alternative si vous suivez toute logique différente. Parmi les techniques de la gestion alternative, la plus répandue dans des proportions écrasantes est la vente à découvert.
      Il ne vous viendrait sans doute pas à l’idée d’annoncer à votre voisin que vous lui achèterez sa voiture la semaine prochaine, puis de vendre cette voiture à quelqu’un d’autre au prix fort sans l’avoir achetée, avant de l’acheter au rabais à ce voisin alors que vous l’avez donc déjà vendue depuis plusieurs jours. C’est pourtant ce que certains fonds d’investissement font quotidiennement. C’est cette technique qu’on appelle la vente à découvert.
      Imaginez à nouveau une entreprise cotée en bourse dont la propriété est morcelée en cent actions. Imaginez ensuite que chaque action vaille deux euros le lundi. Imaginez enfin qu’un fonds d’investissement qui pratique la vente à découvert ait la certitude que chaque action vaudra un euro vendredi. Dès le lundi, ce fonds va vendre dix actions de cette entreprise alors qu’il n’en possède aucune. Il va également annoncer que vendredi, il règlera a posteriori l’achat de ces actions quelle que soit leur valeur à cette date. Arrive le vendredi. Si le prix de l’action a baissé, le pari du fonds d’investissement est gagnant ; si à l’inverse ce prix a dépassé les deux euros, le fonds essuiera une perte.
      Les fonds d’investissement qui pratiquent la vente à découvert, souvent appelés fonds de pensions par confusion, sont régulièrement accusés de provoquer la déroute de sociétés cotées en bourse. L’accusation porte sur deux aspects. D’une part, lorsqu’un fonds d’investissement se lance dans la vente à découvert des actions d’une entreprise cotée, il annonce à la face du monde financier qu’à son avis la valeur de ces actions va bientôt baisser. Si ce fonds jouit d’une réputation de fiabilité dans ses pronostics, des détenteurs d’actions de cette entreprise vont immédiatement suivre le mouvement, ce qui va du coup faire baisser leur valeur. D’autre part, nous avons vu que les grands fonds détiennent plus de la moitié des actions des entreprises cotées en bourse sur la planète. A la manière d’un géant parmi les nains, un grand fonds qui pratique la vente à découvert peut donc à lui seul faire baisser la valeur des actions d’une entreprise s’il y consacre une partie de sa colossale force de frappe. Dans les deux cas, le fonds aura provoqué lui-même la baisse de valeur qu’il avait prophétisée.
      A l’inverse, les rares défenseurs des fonds d’investissement pratiquant la vente à découvert soulignent que ces derniers ne choisissent pas leurs cibles au hasard. Ces fonds estiment qu’il existe des raisons objectives pour que la valeur des actions d’une entreprise cotée en bourse baisse très prochainement : par exemple, sa politique d’achat d’autres entreprises est trop risquée par rapport au niveau déjà atteint par ses dettes. Dans cette logique, s’ils provoquent donc la baisse par leur pari public sur cette évolution, ils ne font qu’accélérer un phénomène inéluctable et gagner de l’argent grâce à leur aptitude à déceler avant les autres les entreprises défaillantes de demain.
      Le débat ressemble à celui de l’œuf et de la poule. Comme pour la plupart des débats dans lesquels deux hypothèses ont survécu après des années d’âpres discussions, il est probable que la vérité se situe quelque part entre les deux.
      7. La dérivée de la dérivée.
      Il est nécessaire de faire une rapide parenthèse sur les produits dérivés. Jusqu’à présent, nous avons vu que les marchés financiers permettent d’acheter, vendre et racheter des actions, donc des titres de propriété d’entreprises cotées en bourse, et des obligations, c’est-à-dire des reconnaissances de dettes. Cependant, actions et obligations ne sont pas seules sur les marchés financiers. En réalité, ces derniers sont composés des marchés boursiers, des marchés des changes et des produits dérivés.
      C’est sur les marchés boursiers que les actions et les obligations sont achetées, vendues et revendues. L’argent dépensé par ce biais irrigue notre activité économique comme l’eau irrigue un champ cultivé.
      C’est sur le marché des changes qu’on peut acheter, vendre et revendre des devises, autrement dit des monnaies. Imaginez que le dollar vaille un euro et que vous ayez une somme importante d’euros. Imaginez également que vous soyez convaincu que le dollar vaudra deux euros demain. Vous achetez donc avec vos euros une somme importante de dollars. Le lendemain, votre prévision se réalise : le dollar vaut désormais deux euros.
      Les produits dérivés sont pour leur part, comme leur nom l’indique, des produits financiers dérivés d’autres produits financiers. Plus précisément, ils peuvent aussi bien s’appuyer sur des actions que sur des obligations, des devises, ou d’ailleurs sur tout autre produit financier. Par exemple, un produit dérivé peut être un pari sur le fait que la valeur de l’action d’une certaine entreprise va doubler d’ici la semaine prochaine : celui qui achète ce produit dérivé pense que le pari est juste ; celui qui le vend pense que le pari est perdant.
      A l’origine, les produits dérivés permettaient aux entreprises qui les achetaient de se couvrir d’un risque : par exemple, en achetant aujourd’hui des droits d’acheter tous les mois une matière première au même prix, ce qui permet d’être à l’abri si ce prix connaît des hausses ou des baisses brutales en cours d’année. Dans ce cas, le produit dérivé est ce droit d’acheter, et il s’appuie sur le cours de cette matière première. Les produits dérivés ont cependant cessé depuis les années 80 de remplir ce rôle de couverture des risques. Ils sont maintenant principalement utilisés comme source de profit financier en eux-mêmes.
      Terminons une nouvelle fois sur un ordre de grandeur. Un an avant la crise, pour un dollar de production mondiale de biens et de services, un dollar était présent sur les marchés boursiers et vingt sur les produits dérivés. En d’autres termes, des instruments détournés de leur utilité économique initiale représentent l’écrasante majorité des activités financières.
      « N’attribuez jamais à la malveillance ce qui s’explique très bien par l’incompétence. » - Napoléon Bonaparte

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      • #4
        suite et fin

        8. La croissance est une ivresse, la crise est sa gueule de bois.
        Spéculer, au sens large, c’est faire un ensemble d’hypothèses sur les conséquences de ce qui se passe aujourd’hui et en déduire une prédiction sur ce qui arrivera demain. Au sens strict de la spéculation financière, spéculer est exactement la même chose, hormis que vous pariez de l’argent sur votre prédiction en achetant des produits sur les marchés financiers. Par exemple, si vous êtes un fonds d’investissement qui vend à découvert des dollars à deux euros chacun, et si vous annoncez que vous les achèterez après coup à un euro dans une semaine, vous spéculez à la baisse sur le dollar. L’idée de pari est tellement ancrée sur les marchés financiers qu’en fait, on dira que vous jouez le dollar à la baisse.
        Souvenez-vous : la finance, donc les marchés financiers, servent comme leur nom l’indique à financer l’activité économique. En revanche, ceux qui achètent et vendent des produits sur ces marchés, eux, ne sont pas là pour financer l’activité économique. Ils sont là pour gagner de l’argent. Pour ce faire, à part dans le cas de la vente à découvert, ils doivent revendre chaque achat plus cher qu’ils ne l’ont payé. De fait ils vont spéculer sur ce que deviendra la valeur du produit qu’ils achètent ou qu’ils vendent, c’est-à-dire prendre des paris.
        Tout bon restaurateur place près de l’entrée les premiers clients de la soirée, parce que cela donne l’illusion que le restaurant est plein. Or vous avouerez que quand vous hésitez sur le restaurant où vous allez dîner, vous irez toujours plus facilement dans le restaurant qui semble bondé que dans le restaurant qui semble vide. En d’autres termes, la foule attire la foule. Lorsqu’ils prennent leurs paris, ceux qui achètent et vendent des produits sur les marchés financiers s’influencent les uns les autres de façon comparable. Plus un produit financier est pris d’assaut, plus il sera pris d’assaut : la foule attire la foule. Le processus dépend aussi de la taille des acteurs. Si un investisseur de catégorie poids-lourd, par exemple un grand fonds d’investissement, achète en quantité les actions d’entreprises qui vendent du cuivre, il peut provoquer le mouvement d’une foule d’acheteurs de plus petite taille qui vont l’imiter.
        Beaucoup de choses peuvent être à l’origine de ce type de comportement mais il faut souligner que le plus souvent, les premiers à lancer la mode ont objectivement de bonnes raisons d’entrer dans ce « restaurant » plutôt que dans un autre. Prenons l’exemple d’Internet, ou plus largement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), ce qui veut dire à peu près la même chose. Dans la seconde moitié des années 90, ce qui n’était jusque là qu’une technologie pour initiés commence à s’installer dans les foyers et les entreprises. Les tout premiers à acheter des actions et des obligations d’entreprises pionnières sur le marché des NTIC font une excellente affaire. Comme ils s’y sont pris à un moment où elles sortaient à peine de leur cocon, l’écart entre ce que leur ont coûté ces actions et obligations et ce qu’elles valent au bout d’un an à peine est extrêmement élevé.
        Certains de ces tout premiers acheteurs gardent ces produits financiers : ils parient que leur valeur va continuer à monter. D’autres sont satisfaits de leur opération et, à la manière d’un joueur de casino qui ne veut pas prendre le risque de voir sa chance tourner, ils s’arrêtent : ils vendent. Ils sont alors remplacés par de nouveaux acheteurs qui ne font pas une excellente affaire mais en font quand même une très bonne : l’écart entre ce que leur ont coûté ces actions et obligations et ce qu’elles valent au bout d’un an à peine est encore très élevé.
        Rappelez-vous que le prix d’un produit financier est le point d’équilibre entre ce que son vendeur en veut et ce que son acheteur est prêt à payer. Par ailleurs, tant que le prix d’un produit financier monte, il y aura toujours des acheteurs prêts à l’acquérir parce qu’ils estiment que le prix va continuer à monter : ils font le pari qu’ils n’auront donc qu’à le revendre un peu plus tard, ce qui est leur façon de gagner de l’argent. En d’autres termes, non seulement le prix d’un produit financier continue à monter parce que la communauté des acheteurs en bourse pense qu’il va continuer à monter, mais en plus, il continue à monter aussi longtemps qu’ils pensent qu’il ne va pas cesser de monter. C’est le résultat de leur pari, le produit de leur spéculation.
        Ce phénomène n’est cependant pas déconnecté de l’activité économique. Au contraire, il l’irrigue. Reprenons notre exemple d’Internet. La valeur d’une entreprise cotée en bourse est la valeur de ses actions. Au fur et à mesure que des actions d’entreprises pionnières sur le marché des NTIC sont achetées, vendues, revendues et revendues encore sur les marchés financiers, le montant que valent ces entreprises augmente. Si elles se présentent devant une banque pour emprunter de quoi se développer, croître, la banque va donc être encline à leur prêter de plus en plus d’argent. Ces entreprises vont donc être en mesure de se développer et, par conséquent, d’accélérer le développement d’Internet dans l’activité économique.
        Ne vous y trompez pas : si Internet s’est développé aussi vite, c’est donc à la spéculation sur les marchés financiers, et pas à autre chose, que vous le devez.
        Nous en arrivons à présent aux moutons de Panurge. Nous les devons à l’écrivain Rabelais qui, à travers eux, a décrit un comportement très humain que nous avons tous eu plus ou moins souvent : suivre le groupe où qu’il aille, sans réfléchir, alors que prendre du recul sur le groupe nous aurait peut-être fait choisir un meilleur chemin. En l’occurrence, parce que les moutons de Panurge se suivent les uns les autres, ils se jettent tous à la mer sans qu’un seul ait l’idée de changer de direction à temps. Les moutons de Panurge sont ici ceux qui achètent et vendent des produits sur les marchés financiers. Continuons avec l’exemple d’Internet. Les actions, les obligations, sont revendues chaque fois plus cher à l’acheteur suivant, qui en est parfaitement satisfait puisque lui-même vend plus cher à l’acheteur qui le suit. La chaîne ne s’interrompt pas parce que le prix continue de monter, et le prix continue de monter parce que la chaîne ne s’interrompt pas.
        Notez que lorsque cette ascension s’arrête brutalement, on l’appelle après coup une bulle spéculative, en l’occurrence la bulle Internet. L’argument utilisé est que les prix atteints sont complètement déconnectés de l’activité économique, d’où d’ailleurs le terme « bulle », comme une bulle de savon quasiment en apesanteur. Cependant cet argument ne correspond pas à une réalité : pour cela, il faudrait qu’il existe un juste prix sur lequel les marchés financiers font la faute de ne pas s’aligner. Or dans la pratique, ce juste prix théorique est mesuré par les analystes financiers, qui font une estimation, en changent régulièrement, et ont des estimations différentes d’un analyste à l’autre : s’ils finissent généralement par aboutir à un consensus, celui-ci reste une estimation. Le seul prix très exactement mesurable est donc, une fois de plus, le point d’équilibre entre ce que son vendeur en veut et ce que son acheteur est prêt à payer. L’ascension ne s’arrête donc pas parce qu’elle est allée trop haut. Elle s’arrête parce que la communauté des acheteurs, éventuellement sur les conseils d’analystes financiers, a décidé qu’elle ne pouvait pas aller plus haut, ce qui n’est pas du tout la même chose.
        Le coup d’arrêt à l’ascension est donc brutal. Il est souvent produit par la vente à découvert pratiquée par un ou plusieurs fonds d’investissement qui estiment que le vent va tourner. Savoir si le mouvement de ces derniers prédit une chute inéluctable ou s’il la provoque est un débat que nous avons déjà abordé : il prédit une chute inéluctable et il la provoque, ce qui n’est pas une combinaison impossible. La pente de l’effondrement est alors au moins aussi forte, sinon davantage, que celle de l’ascension initiale : les produits financiers que les acheteurs acquerraient encore et encore leur brûlent à présent les doigts. Le perdant sera celui qui vendra trop tard, ou plutôt se réveillera trop tard pour pouvoir vendre. Il ne pourra que subir des pertes en vendant beaucoup plus bas que le prix qu’il a payé. Il s’adressera alors à l’équivalent boursier des charognards, les fonds d’investissement spécialisés dans la détresse (c’est ainsi qu’ils sont appelés).
        Les années 90 se sont terminées sur l’effondrement des prix des produits financiers liés au marché des NTIC, autrement dit sur l’éclatement de la bulle Internet. Les actions de nombreuses entreprises ont perdu l’essentiel de leur valeur en un temps record. Or nous avons vu que c’est la valeur des actions d’une entreprise cotée en bourse qui détermine à quel point sa banque est prête à lui prêter de l’argent. Que ce cours s’effondre et la banque cessera de prêter, ce qui poussera l’entreprise à ne plus pouvoir payer ses factures, donc à faire faillite.
        De fait les faillites de ces entreprises se sont multipliées. Ce faisant, elles ont laissé des employés sur le carreau et des dettes impayées à leurs banques. Les employés en question, devenus chômeurs, ont dû réduire leur train de vie et certains ont laissé des dettes impayées à d’autres banques. Les banques victimes de dettes impayées d’entreprises et de particuliers ont dû, pour rentrer dans leurs frais, limiter leurs prêts vers d’autres entreprises et d’autres particuliers, qui ont donc été à leur tour en difficulté, entraînant d’autres dettes impayées, ce qui a à nouveau mis en difficulté des banques, et ainsi de suite. De contagion en contagion, l’ivresse de la croissance d’Internet est devenue la gueule de bois d’une crise, celle de l’éclatement de la bulle.
        Là encore, ne vous y trompez pas : on peut difficilement reprocher la gueule de bois provoquée par la spéculation sur les marchés financiers, après avoir profité de l’ivresse provoquée par cette même spéculation. C’est être mauvais coucheur.

        Thomas Guénolé
        « N’attribuez jamais à la malveillance ce qui s’explique très bien par l’incompétence. » - Napoléon Bonaparte

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        • #5
          Zakia ,un compressé ,t'en as pas?....3aychek

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          • #6
            An non désolée

            Et il y a encore une autre partie qui va s'ajouter.

            Cela dit, même si c'est assez bien vulgarisé, il y a des trucs avec lesquels je ne suis pas trop d'accord. Mais peut-être que je n'ai pas tout compris non plus
            « N’attribuez jamais à la malveillance ce qui s’explique très bien par l’incompétence. » - Napoléon Bonaparte

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