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Deux histoires pour une seule

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    Deux histoires pour une seule

    par Kamel Daoud
    Premier fragment: c'est un homme qui prend une douche froide, en plein hiver, tard dans la nuit et qui reste nu longtemps après, assis sur un banc public face au vent du nord. C'est ce qui s'est passé pour nous avant-hier après le match Algérie/Malawi. A notre détresse, il ne manquait que des marches populaires de jubilation au Caire pour nous exiler encore plus au fond de nous-mêmes. Qu'est-ce qui s'est passé ? On peut laisser ça aux spécialistes. Pour nous, il reste la cendre à décomposer en plus infime et un regard de voyeur sur l'avenir. Il ne faut pas être aujourd'hui à la place de Bouteflika et autres exemplaires dans le monde arabe: si on y enlève quelques plans de relance, le pétrole, le foot et la construction des mosquées, il ne reste aucune légitimité pour nos Etats et à peine de quoi retenir la peuplade contre la tentation de la colère définitive et de la casse radicale. On a mis dans le foot ce qu'on ne pouvait pas mettre dans le futur et tout ce qu'on nous a enlevé de notre passé: la ferveur. Du coup, n'importe quelle défaite a le sens d'une castration collective.

    Deuxième fragment: retour un papier : «la décolonisation horizontale» ou de comment on se revendique d'être algérien sans renier ni l'arabité, ni tomber dans l'exclusivité ethnique, ni dans le chariot du MAK, le mouvement pour l'autonomie de la Kabylie. L'algériannité est-elle si difficile à faire comprendre ? Est-elle si impossible à démontrer par l'évidence ? Apparemment oui. Les catégories adverses ont aujourd'hui des ornières qui ne leur permettent aucune réflexion sereine face à des «et pourtant elle tourne !». Si vous vous dites algérien, les arabophiles imaginaires vous taxent de berbériste de l'Ouest et les commerçants de l'amazighité vous demandent pourquoi vous n'être pas allé plus loin et ce que veut dire cette algériannité qui n'est pas celle de la Kabylie exclusive. Et d'un coup vous réalisez que la tristesse est plus rapide que la révolution. Vous avez autour de vous, en vous, des gens qui respirent l'air de l'Algérie, mangent le pain de ce pays, y enterrent leurs morts et y attendent leurs enfants, en sentent l'odeur de la terre et de la mer et du sable, y vivent depuis des générations et des générations, s'y sentent offusqués lorsqu'on insulte les martyrs ou qu'on en frappe les descendants, se reconnaissent même au pôle sud et y construisent des maisons et, à la fin, vous lance : «Moi je Suis Arabe ? Moi je ne sais pas ce que tu veux dire par algérien !!!».

    Triste sort d'une catégorie de ce peuple qui a honte d'elle-même, ne se reconnaît pas la généalogie de l'histoire que comme seconde épouse de quelques noces orientales et qui vit dans un pays en proclamant qu'il n'existe pas. Triste destin de ce reniement de soi et de cette dépréciation de ses propres us qui va jusqu'à l'errance vestimentaire et à l'importation des commentaires du Coran. Choses que nos ancêtres avant les Ottomans n'y ont jamais cédé. Paradoxe de la chronologie: les Algériens existaient et se reconnaissaient comme tels avant l'existence de l'Algérie et se nient comme Algériens, aujourd'hui, à l'époque où l'Algérie leur est offerte par leurs martyrs et leurs meilleurs enfants, avec sa langue, son pain et ses immédiates histoires !

    Le Quotidien d'Oran
    " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "
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