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En Somalie, les Chabab rêvent d'exporter leur djihad

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  • En Somalie, les Chabab rêvent d'exporter leur djihad

    La poursuite du djihad somalien sur le sol du Yémen a commencé en chansons, et semble en être restée là.

    Début janvier, dans un camp du nord de Mogadiscio, la capitale somalienne, plusieurs centaines de jeunes recrues du groupe harakat Al-Chabab mujahidin (mouvement des combattants sacrés de la jeunesse), classé par les Etats-Unis comme un groupe terroriste, terminaient leur formation.

    Défilant drapeau noir au vent, ils ont pu écouter l'un de leurs chefs, Cheikh Mukhtar Robow Abu Mansur, célébrer leur future intervention au Yémen voisin, où "leurs frères devaient se préparer à les accueillir". Le Yémen se trouve à quelques jours de mer des régions côtières somaliennes accessibles à ces Chabab.

    Les boutres sont nombreux sur ces routes maritimes, fréquentées notamment par les trafiquants d'armes et d'êtres humains. En théorie, l'océan Indien n'est donc pas un obstacle à un débarquement chabab au Yémen. En théorie, également, les affiliations revendiquées par les groupes armés islamistes yéménites et somaliens, qui incluent des liens avec le réseau Al-Qaida pourraient en faire des frères d'arme.

    Du reste, rien ne pourrait sans doute faire plus plaisir aux commandants chabab que de mettre ce plan à exécution, qui prouverait que le groupe somalien peut se hisser dans les tout premiers rôles djihadistes à l'échelle de la planète.

    Mais s'il y a mouvement de Somaliens vers le Yémen, c'est essentiellement à bord d'embarcations de trafiquants emportant des clandestins, jetés sur les côtes yéménites au péril de leur vie. 32 000 Somaliens ont trouvé refuge chez l'inhospitalier voisin de la péninsule Arabique en 2009. Plus de 100 000 personnes au total ont quitté la Somalie au cours de l'année, fuyant les combats entre une coalition fluctuante de groupes islamistes, dont font partie les Chabab, et les forces du Gouvernement fédéral de transition (TFG), fragile entité bénéficiant de soutiens internationaux, et de l'appui des troupes de l'Union africaine, l'Amisom.

    La menace du fouet

    Revendiquant une affiliation à Al-Qaida, hébergeant des responsables de la cellule d'Afrique de l'Est de la nébuleuse d'Oussama Ben Laden, qui leur a rendu hommage dans un enregistrement audio assez bref diffusé en mars, les Chabab ont importé des techniques d'autres terrains djihadistes, notamment les attentats-suicides. Leur influence demeure cependant bornée par les frontières somaliennes. Ils contrôlent une grande partie du sud du pays, et sont engagés depuis début janvier dans une nouvelle offensive contre le TFG et d'autres mouvements, dont certains sont d'anciens alliés. Le but, selon des sources bien informées, est d'étendre leur influence dans le centre du pays pour étouffer progressivement Mogadiscio.

    Dans ce cadre, l'intervention des Chabab au Yémen a toutes les chances de rester au stade des chansons et des promesses, tout comme l'avait été la formation en octobre d'une brigade des Mujahidin d'Al-Quds qui se promettait, sous les ordres d'Abdifatah Aweys Abu Hamasa, un "Afghan" somalien, de porter la guerre sainte à Jérusalem pour y "défendre la mosquée Al-Aqsa contre Israël".

    Ces limites dissimulent-elles une emprise accrue de responsables d'Al-Qaida sur le mouvement ? Depuis novembre, Cheikh Mohammed Abou Faid, un responsable d'Al-Qaida de nationalité saoudienne aurait pris le contrôle du commandement des Chabab. Mais cette information repose sur la confession d'un commandant chabab "retourné" et nécessite de sérieuses confirmations.

    Au cours des derniers mois, le groupe a donné des preuves de son rigorisme. Les Chabab menacent de fouet les hommes qui refusent de porter la barbe ou négligent de coudre l'ourlet des pantalons assez haut pour dégager les chevilles. Lapidations, amputations et séances de fouet se sont multipliées. Les Chabab ont également détruit des tombes de saints, dont les anniversaires sont d'importantes fêtes religieuses dans la Somalie des confréries soufies, s'aliénant une partie de la population.

    Les Chabab entretiennent des relations complexes avec la société somalienne, où les alliances dépassent les notions religieuses. Des responsables du TFG rejoignent le milieu insurgé aussi facilement que des insurgés font défection à l'autre camp. Le chercheur du CERI (Sciences Po), Roland Marchal, spécialiste de la Somalie, distingue trois tendances parmi les Chabab. Les uns appartenant à une tendance néosalafiste (retour à l'islam des origines). D'autres étant issus du mouvement des Cours islamiques (au pouvoir pendant six mois en 2006 avant d'être chassés par l'Ethiopie). Le troisième groupe étant constitué d'anciens d'Afghanistan. Pour le chercheur français, seuls ces derniers retiendraient, à tort, l'attention de l'extérieur.

    Internationalisé, le conflit somalien l'est depuis plusieurs années, avec l'intervention à des degrés divers de l'Ethiopie, de l'Erythrée, du Kenya et des Etats-Unis aux côtés du TFG. Côté Chabab, des combattants étrangers ont rejoint leurs rangs. Or, selon les estimations de l'Union africaine, le nombre de ces étrangers se monterait à 1 200, et tous ne sont pas des djihadistes aguerris. La moitié d'entre eux sont originaires du Kenya voisin, où vit une forte population somalie.

    Par Le Monde
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