Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Le costume féminin de Bou Saâda, Barkahoum Ferhati

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Le costume féminin de Bou Saâda, Barkahoum Ferhati

    Pourquoi avoir consacré un livre aux parures et costumes féminins de Bou-Saâda ?
    B. Ferhati : Ce travail s’est imposé à moi. Alors que j’entamais un travail sur Etienne Dinet dans le cadre de la création du musée national de Bou-Saâda, je fus surprise par l’importante iconographie sur les femmes dans laquelle celles-ci arboraient des costumes et des parures, parfois bien étranges.

    Il m’est donc paru intéressant et utile d’en faire l’inventaire, d’autant que ce costume n’avait jamais fait l’objet d’études.

    Dans quel cadre s’est effectuée cette recherche ?

    Ce travail a été réalisé dans le cadre d’un Diplôme d’études approfondies (DEA) à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), à Paris.

    Qu’avez-vous rapporté comme moisson de cette plongée dans l’histoire et la sociologie du costume ?


    Ce costume m’est apparu un indicateur des changements sociaux. Dans l’apparence, un tel travail peut paraître bien neutre mais, en fait, il nous renseigne sur la société, ses mutations et notamment sur les changements de mentalité. Par exemple, la coiffure haute et lourde, qui fut longtemps la référence de la beauté pour les femmes, s’est peu à peu allégée pour devenir la chedda, coiffure légère qui a, elle-même, disparu auprès des femmes de ma génération, qui se sont débarrassées de tous les poids pesant sur leur tête pour avoir la tête dégagée. Mais ce poids-là revient aujourd’hui, de manière différente, avec le foulard, la burqa, le hijab, etc.

    Les costumes que vous avez étudiés sont-ils encore portés et à quelles occasions ?


    Ce qui est intéressant, c’est qu’après avoir été marginalisé, ce costume revient comme une revendication identitaire. Aujourd’hui, la mariée de Bou-Saâda doit avoir une rouba naïlie, comme pour défier la robe blanche occidentale, même si celle-ci est toujours là, mais aussi, pour se différencier des autres régions. A chacune sa robe, naïli, qbaïli (kabyle), chaoui (Aurès), caftan (Alger), gandoura (Constantine), etc.

    Observe-t-on un bouleversement dans le port du costume avec la mondialisation ?


    Indéniablement, le costume ne peut rester en marge. Il va emprunter tout ce qu’il peut à l’extérieur. On modifie, on ajuste, on accommode tout à nos besoins, mais on reste jaloux de ce que l’on a, pour marquer notre différence.

    N’est-ce pas cela la culture ?

    Le costume féminin traditionnel, en particulier, est-il en voie de disparition ?
    A mon avis non, puisqu’il se transforme, jusqu’à épuisement, puis retrouve un nouveau souffle avec d’autres éléments qui vont devenir, à leur tour, la tradition et ainsi de suite. Philosophiquement parlant, c’est là la définition même de ce qu’est la tradition. Qui se souvient que notre robe kabyle n’est autre que la chemise française du XVIIIe siècle ?

    Vous retracez, à travers l’histoire du costume, celle de la cité. Quand a été créée Bou-Saâda et quelles sont les grandes étapes de cette histoire ?


    La cité et ses environs ont été traversés par toutes sortes de cultures. En remontant dans le temps, aussi loin que possible, on trouve encore aujourd’hui une archéologie intacte. Berbère sûrement, juive sans conteste, romaine un temps, Bou-Saâda est aussi l’archétype de la ville arabo-musulmane : la cité que nous connaissons aujourd’hui est une fondation du XIe siècle, comme l’atteste sa mosquée Sidi-Thameur, du nom du saint éponyme, fondateur de la cité, venu, selon la légende, de la Sakyat el Hamra. C’est une cité où se côtoyaient Juifs, Mozabites, Kabyles, Arabes et Européens (militaires surtout).

    Sa colonisation, en 1845, a apporté des changements au paysage de la ville. Considérée comme impropre à la colonisation, elle garda pendant longtemps son cachet local. Garnison militaire, puis commune mixte, elle va connaître quelques constructions nouvelles, comme le fort Cavaignac (Bordj Essaâ), l’hôpital militaire, l’école des garçons et celle des filles, qui présentent une architecture dite de style colonial avec un cachet néomauresque réussi.

    C’est à partir des années 1920, avec l’émergence de l’industrie du tourisme qui devint la première ressource économique de l’Algérie coloniale, que la folklorisation des mœurs et des coutumes et, en particulier, des fameuses danseuses dites «Ouled Naïl», va tristement faire sa renommée. Des hôtels (pas moins de 5), allant du haut de gamme, comme le Caïd et le Transatlantique, aux plus modestes, Le Sahara, le Beauséjour, etc., vont êtres construits pour répondre à cette demande. Il faut dire que la cité s’y prêtait formidablement avec son oasis, sa palmeraie, son oued Bou-Saâda, … L’Algérie indépendante tenta d’assurer cette continuité, avec l’établissement d’une école hôtelière par l’architecte Fernand Pouillon, puis le projet Bou-Saâda éco-musée par Georges Henri Rivière (qui n’a pas abouti), mais les rêves des Boussaâdis étaient ailleurs.

    Aujourd’hui, la cité et sa jeunesse désœuvrée tentent de survivre, avec une revendication arborée à chaque occasion, celle de devenir un chef-lieu de wilaya, ce qui lui permettra, peut-être, de bénéficier d’une relance économique à même de la sortir de sa léthargie.

    Propos recueillis par Bachir Agour , Le Soir

  • #2
    C’est parce que peu d’écrits ont été consacrés jusque là à l’habit traditionnel de Bou Saâda, que l’auteure, Barkahoum Ferhati, a consacré un beau livre anthropologique et historique intitulé Le costume féminin de Bou Saâda, publié par les éditions Mille Feuilles.

    Architecte de formation, ancienne directrice du musée Etienne Dinet de Bou Saâda, Barkahoum Ferhati est également docteur en histoire et civilisations. Elle est actuellement maître de recherche au Cnrpah et professeur associée à l’Ecole supérieure des beaux-arts d’Alger.

    A travers Le costume féminin de Bou Saâda, Parure, ornementation et accessoires, inventaire analytique et évolutions, l’auteure livre, sur les étals des bonnes librairies, un ouvrage riche en informations et en images. « Ce livre, lit-on au niveau de la quatrième de couverture, qui s’inscrit dans une démarche anthropologique, est une plongée méthodique, dans l’intimité de la société algérienne contemporaine. D’abord parce qu’il nous parle de la femme, cet être invisible de l’espace musulman traditionnel... Il dévoile un univers à la fois familier et méconnu... Il démontre qu’une société n’est jamais plus authentique que si elle fonde sa spécificité sur l’interaction constante avec les univers mentaux, esthétiques et techniques des mondes extérieurs qu’elle côtoie et qu’elle s’y approprie, jusque dans les plus infimes détails ».

    Originaire de la ville de Bou Saâda, l’auteure a effectué un minutieux travail de recherches sur le terrain, axé sur des sources écrites et orales. Les 146 pages proposées balayent les différentes facettes du costume féminin traditionnel de Bou Saâda et ce, depuis l’époque coloniale jusqu’à nos jours. Les pratiques sociales et culturelles, en relation avec la vie quotidienne de la gent féminine de cette région, n’ont pas été omises puisque de larges paragraphes lui sont consacrés. Barkahoum Ferhati explique que son intérêt pour le costume féminin de Bou Saâda s’est imposé à elle alors qu’elle entamait un travail sur l’artiste peintre orientaliste Etienne Dinet. Ce dernier produisait des œuvres des femmes de la région, parées de leurs plus beaux bijoux : des œuvres constituant un gisement de renseignements sur le costume féminin de la fin de la colonisation française jusqu’à nos jours.

    Les cinq chapitres abordés, en l’occurrence le vêtement, les coiffures, les bijoux, soins et corps, les danses et instruments de musique renseignent un peu mieux sur les atouts de la région. Selon l’auteure, la première personne ayant décrit le costume de Bou Saâda est le premier maire d’Alger, M. Galland, qui en excursion en 1887, en avait donné une précision assez détaillée : « Elles sont vêtues d’une tunique flottante, rouge ou polychrome, serrée à la taille par un foulard ou une ceinture de cuir, ornée d’un épais fermoir en argent ». Le costume se compose de la « qmouja iham » (chemise de dessous), et le « siroual » (pantalon bouffant), et des vêtements du dessus : « malhfa » (toge ou tunique, « rouba » (robe), « ouga » (mante), « qanbouz » dit aussi malhfa ou « bou’aouina » ( le voile de sortie), « rihiyât » (chaussures) et d’autres accessoires tels que « mnacha » (éventail) et « mhazma » (ceinture). La femme dissimulait sa chevelure sous des foulards, selon la mode de coiffure en vogue qui a connu dans l’histoire une nette évolution.

    Selon le témoignage de certains voyageurs, du début du siècle, les femmes avaient une lourde coiffure, laissant apparaître de grosses tresses appelées « dhifayer », enroulées autour des oreilles et enveloppées sous plusieurs foulards formant le « guennour » : une coiffure qui restera en vogue jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Elle sera remplacée par « aksa », consistant à envelopper la chevelure. En 1950, c’est la « chedda » qui fait son apparition. Cette dernière se décline sous la forme de cheveux en tresses, qui sont rejetés dans le dos et la tête est dissimulée sous le « mendil » (foulard léger). Le vêtement traditionnel bou saâdi est rehaussé, certes, d’une coiffure adéquate mais également de bijoux d’ornement dont entre autres le diadème, les pendentifs, les boucles d’oreilles, les colliers en Louis, les mains de Fatma (khamsa), les bracelets, les anneaux.

    Dans le registre des bijoux de soutien, citons les ceintures en argent, en laine, en broderie, en soie, en broche. Dans le chapitre réservé aux soins, l’auteur revient sur le rituel du bain et sur l’entretien journalier de certaines parties du corps, en l’occurrence de souligner les sourcils au « hargous » ou au khol, tonifier les gencives au « souak », se parfumer au « bkhour » ou encore se teindre les cheveux, les mains et les pieds au henné. En somme, Le costume féminin de Bou Saâda de Barkahoum Ferhati est un beau livre de référence pour les historiens, les cinéastes... et les stylistes de mode.

    Barkahoum Ferhati : Le costume féminin de Bou Saâda. 145 pages. Edition Mille feuilles.Septembre 2009. Prix public : 1500 DA.


    Par El Watan

    Commentaire

    Chargement...
    X