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Au Yémen difficile réinsertion des anciens de Guantanamo

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  • Au Yémen difficile réinsertion des anciens de Guantanamo

    Salem Khamdan savoure le premier anniversaire de sa libération auprès de sa fille qui vient de naître. L'ancien chauffeur d'Oussama Ben Laden, emprisonné plus de six ans à Guantanamo, aspire désormais à «une vie calme et stable». Il donne l'impression d'avoir tourné la page du djihad. «Il ne faut pas tuer les infidèles, tant qu'ils ne nous font pas de mal», affirme-t-il, au moment où ses anciens compagnons, à la tête de la branche d'al-Qaida dans la péninsule arabique, menacent les intérêts étrangers au Yémen.

    Mais, à l'image des vingt-cinq autres Yéménites libérés de Guantanamo et des prisons secrètes de la CIA au Moyen-Orient depuis 2005, sa réinsertion dans la société est jonchée d'obstacles. Grâce à un ami qui lui a prêté de l'argent, Khamdan, 40 ans, s'est acheté un taxi. «Mais je ne travaille que de temps à autre, déplore-t-il. Depuis mon retour, les autorités ne m'ont rien donné, alors que je subis des pressions de la part de la police, qui me surveille.»

    «Mauvaises fréquentations»

    Arrêté à un barrage près de Kandahar, en Afghanistan, en novembre 2001, alors qu'il fuyait les représailles américaines aux attentats du 11 Septembre, l'ancien chauffeur de Ben Laden fut transféré en mai 2002 à Guantanamo. Reconnu coupable d'avoir fourni «un soutien matériel» à al-Qaida, Khamdan, qui servait également de garde du corps à l'homme le plus traqué au monde, fut condamné à cinq ans et demi de prison par la justice militaire américaine. À son retour au Yémen, il fut plutôt chanceux de ne rester que deux semaines dans une geôle de la Sécurité politique. La plupart des autres ex-prisonniers y furent détenus deux ou trois mois, sans jugement, en étant souvent maltraités. «Cinq jours durant, de 9 heures du matin jusqu'au crépuscule, on me tapait à coups de chaussures, on m'insultait et on menaçait mon père de l'emprisonner», confia un ex-détenu à l'ONG américaine Human Rights Watch.

    Dans un rapport publié en mars, HRW dénonçait leur stigmatisation par la société et le refus de leur accorder la gratuité d'un suivi médical. Depuis, même si les six derniers libérés de Guantanamo, il y a trois semaines, sont déjà ressortis des prisons yéménites, rien, sur le fond, n'a vraiment changé. Avant de recouvrer la liberté, ils ont dû trouver un garant, qui s'engage à payer une amende, voire même à aller en prison, au cas où l'ex-prisonnier disparaîtrait. Pour l'instant, ajoute Khamdan, «même si la plupart d'entre nous gardons la haine contre les Américains qui nous ont torturés», très peu ont «repiqué» au terrorisme. «Ils ont surtout envie qu'on leur fiche la paix avec le passé», souligne Ahmed al-Hanesi, de l'ONG Hood, qui s'occupe des familles de détenus à Guantanamo.

    Mais, les difficultés s'accumulant, chacun redoute «les mauvaises fréquentations». D'autant que, contrairement à son voisin saoudien, le Yémen n'a pas les moyens de mettre sur pied un véritable programme de réhabilitation des djihadistes. «La communauté internationale doit nous aider», lance le vice-ministre des Affaires étrangères, Mohy Dhabi. Les pays occidentaux n'ont qu'une confiance limitée envers Sanaa, qui fut pourtant pionnier en matière de «dé-radicalisation». Le dialogue mené entre 2002 et 2005 avec 420 djihadistes permit surtout aux autorités de conclure un accord tacite avec les extrémistes, aux termes duquel la «guerre sainte» était bannie au Yémen, mais pas ailleurs - en Irak notamment. De quoi fâcher les Américains.

    Désintoxication au djihad


    Inquiets de la résurgence de la menace al-Qaida, Washington refuse désormais de renvoyer de nouveaux Yéménites chez eux, quitte à compliquer sérieusement la fermeture du camp, pourtant promise par Barack Obama durant sa campagne. Avec 91 détenus sur 198, les Yéménites restent le plus important contingent de prisonniers à Guantanamo. Est-il possible de «désintoxiquer» un djihadiste ? «Oui, mais à deux conditions au moins, soutient l'analyste Mourad Zafir. D'abord que ceux qui lui enseignent le bon islam jouissent d'une réelle crédibilité. L'idéal serait que les imams qui l'ont envoyé en Afghanistan ou en Irak le déprogramment. Car si le travail est fait par des membres de la sécurité, cela ne marche pas. Et il faut de l'argent pour les aider à se réinsérer, comme les Saoudiens le font en offrant un job, une voiture, et une épouse à chaque égaré.»

    Certes, il ne saurait y avoir 100% de réussite : le Pentagone estime à 20% le taux de rechute. «Soyons réalistes, si vous avez 5 ou 10% qui retournent au djihad, ce n'est pas pour autant un échec», plaide M. Dhabi.

    Par le Figaro
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