La corruption n'est pas un simple acte malhonnête qu'il suffit ça et là de pointer et d'éliminer. Dans ses manifestations diverses, elle est très "enchâssée" dans une société car elle s'appuie sur des traditions qui n'ont pas spécialement de rapport direct avec elle. Elle finit par entraîner un tel cercle vicieux (voir à la fin) qu'elle s'autoalimente. Trouvez une solution à la corruption ne révèle donc extrêmement difficile, et le jugement moral n'est qu'une aide assez mineure pour ce qui est en fait un besoin d'une véritable révolution.
Quelques extraits d'une étude est très intéressante : "La corruption au quotidien en Afrique de l’Ouest" (Bénin, Niger et Sénégal) - 2001
Quelques extraits d'une étude est très intéressante : "La corruption au quotidien en Afrique de l’Ouest" (Bénin, Niger et Sénégal) - 2001
Les formes élémentaires de la corruption
-La « commission »
-La « gratification »
-Le « piston »
La rétribution indue d’un service public
-Le tribut ou « péage »
-La « perruque » (les locaux ou les matériels du service sont utilisés par les personnels à titre privé, soit durant les heures de travail, soit en dehors
-Le « détournement »
-La « commission »
-La « gratification »
-Le « piston »
La rétribution indue d’un service public
-Le tribut ou « péage »
-La « perruque » (les locaux ou les matériels du service sont utilisés par les personnels à titre privé, soit durant les heures de travail, soit en dehors
-Le « détournement »
Les pratiques corruptives dans les pratiques administratives en général
Les pratiques corruptives (formes élémentaires et stratégies) sont indissociables, dans les trois pays, de toute une configuration de pratiques plus larges, banalisées au sein des administrations et services de l’État, qui déterminent le fonctionnement réel des services publics.
Autrement dit, les pratiques corruptives sont enchâssées dans une gouvernance au quotidien, dont elles sont plus ou moins inséparables. La gestion routinière au sein des administrations et services publics « héberge » et favorise les pratiques corruptives. On peut évoquer donc les éléments les plus significatifs de cette gestion publique. Elle n’est pas le fait des seuls agents de l’État, mais résulte des interactions entre fonctionnaires, usagers et intermédiaires.
L’inanité des hiérarchies formelles.
Le décalage entre les organigrammes sur le papier et la division effective du travail est souvent spectaculaire. En fait, on ne peut guère savoir qui fait réellement quoi en consultant un registre du personnel et en s’attachant aux statuts officiels des agents. On assiste en fait tantôt à une surqualification (un agent effectue des tâches inférieures à sa qualification), tantôt, et plus souvent, à une sous-qualification (un agent effectue des tâches supérieures à sa qualification), jusqu’à des cas d’absence totale de qualification pour la tâche attribuée.
La création de files d’attente
Si le manque de personnel qualifié génère une surcharge des services et engendre des longues « files d’attente » pour l’obtention du moindre service, des goulots d’étranglement peuvent aussi être créés sciemment par les agents. Outre le prétexte classique du dossier gisant au fond de la pile, les administrations, disposent de plusieurs atouts pour « prendre en otage » le temps des usagers et offrir ensuite une accélération personnalisée et payante du service. Pour les administrations de contrôle, comme la douane, la police ou la gendarmerie, il s’agit de brandir la menace d’appliquer certaines dispositions de leur arsenal réglementaire.
La personnalisation des relations administratives
Les contacts des usagers avec l’administration sont fortement marqués par la méfiance et l’incertitude. Le besoin de protection contre des prévarications ou des blocages possibles pousse les usagers à une quête incessante de relations.
On ne s’adresse pas directement au fonctionnaire derrière le guichet, on ne cherche pas à connaître les procédures « normales », mais on s’informe d’abord des liens, réels ou fictifs, qu’on sera en mesure d’évoquer en guise de préalable à la démarche.
En somme, par ces stratégies, l’usager cherche à personnaliser les relations administratives. Car elles sont caractérisées par une extrême ambivalence, allant du traitement inhumain à la sollicitude extrême en passant par les différentes figures de la relation clientélaire.
Les pratiques corruptives (formes élémentaires et stratégies) sont indissociables, dans les trois pays, de toute une configuration de pratiques plus larges, banalisées au sein des administrations et services de l’État, qui déterminent le fonctionnement réel des services publics.
Autrement dit, les pratiques corruptives sont enchâssées dans une gouvernance au quotidien, dont elles sont plus ou moins inséparables. La gestion routinière au sein des administrations et services publics « héberge » et favorise les pratiques corruptives. On peut évoquer donc les éléments les plus significatifs de cette gestion publique. Elle n’est pas le fait des seuls agents de l’État, mais résulte des interactions entre fonctionnaires, usagers et intermédiaires.
L’inanité des hiérarchies formelles.
Le décalage entre les organigrammes sur le papier et la division effective du travail est souvent spectaculaire. En fait, on ne peut guère savoir qui fait réellement quoi en consultant un registre du personnel et en s’attachant aux statuts officiels des agents. On assiste en fait tantôt à une surqualification (un agent effectue des tâches inférieures à sa qualification), tantôt, et plus souvent, à une sous-qualification (un agent effectue des tâches supérieures à sa qualification), jusqu’à des cas d’absence totale de qualification pour la tâche attribuée.
La création de files d’attente
Si le manque de personnel qualifié génère une surcharge des services et engendre des longues « files d’attente » pour l’obtention du moindre service, des goulots d’étranglement peuvent aussi être créés sciemment par les agents. Outre le prétexte classique du dossier gisant au fond de la pile, les administrations, disposent de plusieurs atouts pour « prendre en otage » le temps des usagers et offrir ensuite une accélération personnalisée et payante du service. Pour les administrations de contrôle, comme la douane, la police ou la gendarmerie, il s’agit de brandir la menace d’appliquer certaines dispositions de leur arsenal réglementaire.
La personnalisation des relations administratives
Les contacts des usagers avec l’administration sont fortement marqués par la méfiance et l’incertitude. Le besoin de protection contre des prévarications ou des blocages possibles pousse les usagers à une quête incessante de relations.
On ne s’adresse pas directement au fonctionnaire derrière le guichet, on ne cherche pas à connaître les procédures « normales », mais on s’informe d’abord des liens, réels ou fictifs, qu’on sera en mesure d’évoquer en guise de préalable à la démarche.
En somme, par ces stratégies, l’usager cherche à personnaliser les relations administratives. Car elles sont caractérisées par une extrême ambivalence, allant du traitement inhumain à la sollicitude extrême en passant par les différentes figures de la relation clientélaire.
L’impunité
C’est là une conséquence directe du clientélisme, qui brise toute tentative de réforme, en particulier au niveau de la lutte contre la corruption. Toute sanction pose en effet problème, parce que le sanctionné est à peu près toujours inséré dans des réseaux clientélistes qui le protègent.
Celui qui veut sanctionner se voit ainsi immédiatement l’objet de multiples « interventions », voire de menaces, venant de pairs ou de personnages plus haut placés. La plupart du temps, il se voit désavoué par sa propre hiérarchie, qui ordonne la relaxe de l’auteur de l’infraction ou la suspension de la peine.
C’est un facteur important de dissuasion quant à l’application normale des règlements. D’ailleurs, un sanctionné n’a en général rien fait d’autre que ce que font les autres personnes de son réseau, et en sanctionnant un individu c’est tout un système que l’on menace.
C’est là une conséquence directe du clientélisme, qui brise toute tentative de réforme, en particulier au niveau de la lutte contre la corruption. Toute sanction pose en effet problème, parce que le sanctionné est à peu près toujours inséré dans des réseaux clientélistes qui le protègent.
Celui qui veut sanctionner se voit ainsi immédiatement l’objet de multiples « interventions », voire de menaces, venant de pairs ou de personnages plus haut placés. La plupart du temps, il se voit désavoué par sa propre hiérarchie, qui ordonne la relaxe de l’auteur de l’infraction ou la suspension de la peine.
C’est un facteur important de dissuasion quant à l’application normale des règlements. D’ailleurs, un sanctionné n’a en général rien fait d’autre que ce que font les autres personnes de son réseau, et en sanctionnant un individu c’est tout un système que l’on menace.
L’absence de contrôles et le « chacun pour soi »
Chaque fonctionnaire habite en quelque sorte une petite bulle (parfois deux ou trois l’habitent ensemble), sur laquelle il a peu de comptes à rendre (la hiérarchie se contentant de « l’absence de problèmes », ou percevant parfois une petite rente versée par ses subordonnés), et où il s’organise comme bon lui semble.
Le contrôle de la qualité des prestations d’un agent est généralement absent, les réunions de services quasi-inexistantes, l’émulation professionnelle inconnue. Dans la « bulle » de chacun peuvent prospérer les pratiques corruptrices comme les négligences professionnelles ou le mépris de l’usager. Il n’y a aucune « accountability », que ce soit vis-à-vis des collègues ou vis-à-vis des supérieurs, tant que le propre confort de ceux-ci n’est pas menacé.
Tout en renvoyant au chapitre consacré à la lutte contre la corruption, il faut souligner que la culture du « chacun pour soi » est aussi permise par le sous-équipement (humain et matériel) des différents organes de contrôle interne créés par les gouvernements des trois pays étudiés : dotation en carburant dérisoire, véhicules en panne, effectifs non remplacés en cas de maladie ou de départ à la retraite, absence de projet de carrière qui fait identifier parfois ces postes à des véritables voies de garage.
Chaque fonctionnaire habite en quelque sorte une petite bulle (parfois deux ou trois l’habitent ensemble), sur laquelle il a peu de comptes à rendre (la hiérarchie se contentant de « l’absence de problèmes », ou percevant parfois une petite rente versée par ses subordonnés), et où il s’organise comme bon lui semble.
Le contrôle de la qualité des prestations d’un agent est généralement absent, les réunions de services quasi-inexistantes, l’émulation professionnelle inconnue. Dans la « bulle » de chacun peuvent prospérer les pratiques corruptrices comme les négligences professionnelles ou le mépris de l’usager. Il n’y a aucune « accountability », que ce soit vis-à-vis des collègues ou vis-à-vis des supérieurs, tant que le propre confort de ceux-ci n’est pas menacé.
Tout en renvoyant au chapitre consacré à la lutte contre la corruption, il faut souligner que la culture du « chacun pour soi » est aussi permise par le sous-équipement (humain et matériel) des différents organes de contrôle interne créés par les gouvernements des trois pays étudiés : dotation en carburant dérisoire, véhicules en panne, effectifs non remplacés en cas de maladie ou de départ à la retraite, absence de projet de carrière qui fait identifier parfois ces postes à des véritables voies de garage.
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