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Pots-de-vins sur l’autoroute Est-Ouest : une bombe dans le trafic

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    Pots-de-vins sur l’autoroute Est-Ouest : une bombe dans le trafic
    18-01-2010

    Le plus grand chantier d’Algérie est devenu le plus gros pot-de-vin connu de son histoire. 200 millions d’euros sont une première estimation. Au profit de qui ? Les révélations n’ont pas encore tout dit, mais les indices s’accumulent.

    Avant même l’éclatement du scandale, un responsable de CITIC a reconnu en privé qu’il n’avait jamais gagné le marché des deux lots d’autoroute, mais que c’était là le résultat d’un accord politique entre Pékin et Alger.

    Par Ihsane El Kadi, Alger

    Le chantier le plus cher du continent africain, les 927 km de l’autoroute Est-Ouest à réaliser en 40 mois pour 11,4 milliards de dollars, est devenu aussi le plus grand scandale de corruption en Algérie. Sept personnes, dont le secrétaire général du Ministère des travaux publics, le directeur de cabinet du ministre, un colonel du DRS (département du renseignement et de la sécurité de l’armée) et plusieurs hauts fonctionnaires sont en détention préventive, arrêtés par vagues successives depuis la fin du mois d’octobre. La responsabilité du ministre des Travaux Publics, Amar Ghoul, est largement engagée, sans que sa démission n’ait été encore évoquée. Les révélations anonymes rapportées, de source probablement judiciaire, par le quotidien El Watan évoquent des pots-de-vins de plusieurs centaines de milliers d’euros, perçus par ces prévenus après le début de l’exécution du contrat, en 2006. Le récit, recoupé par d’autres médias, mais toujours sur la base de fuites organisées, met en scène un homme d’affaires algérien, Chani Medjdoub, résidant au Luxembourg, qui a réussi à s’imposer auprès du Ministère, maître de l’ouvrage, comme le représentant du consortium chinois Citic-Crcc, en charge de la réalisation de deux des trois lots d’autoroute, celui du centre (169 km pour 2,6 milliards de dollars) et celui de l’ouest (359 km pour 3,6 milliards de dollars).

    Alerté par des services étrangers sur des flux financiers douteux, notamment sur des comptes d’Algériens ouverts en Espagne, le DRS a fait arrêter Chani Medjdoub, en septembre dernier, et a remonté la filière du réseau de « facilitateurs » travaillant pour aider les Chinois à tenir leurs délais, à éviter certaines contraintes coûteuses du cahier des charges et à débloquer le recouvrement de ses créances. L’intermédiaire Medjdoub aurait bénéficié de 4% du montant engagé, sans que les sources ne précisent s’il s’agissait du montant global du contrat. Il aurait redistribué de larges parts de cet argent. L’arrestation, début novembre, de Mohamed Bouchema, secrétaire général du Ministère des travaux publics, a provoqué une première onde de choc, sans que le scandale ne donne toute la mesure de son étendue. Depuis que de nouveaux éléments ont été cités par le journal El Watan le jeudi 10 décembre, l’affaire a pris un autre tournant.

    Pierre Falcone clé de l’attribution du marché ?

    En effet, la corruption dans l’affaire des lots chinois de l’autoroute Est-Ouest ne se limiterait pas à la phase de la réalisation de cet immense projet. Les révélations de la « source cachée » d’El Watan insinuent que c’est un gigantesque pot-de-vin qui a décidé, dès le départ, de l’attribution des deux chantiers du centre et de l’ouest aux Chinois de CITIC-CRCC. Les services vendus aux chinois par Chani Medjdoub pour la bonne conduite du projet ne seraient que la partie éventée de l’affaire. C’est un autre intermédiaire, d’une autre envergure, qui a défendu les intérêts du consortium CITIC-CRCC à Alger avant le dépôt des offres : le français Pierre Falcone, homme d’affaires impliqué notamment dans une vente d’armes illégale à l’Angola, et récemment condamné dans son pays pour cela. Pierre Faclone était présent à Alger en avril 2006, au moment de l’attribution des marchés. C’est le prévenu Medjdoub qui l’aurait affirmé au juge d’instruction.

    Alerté par des services étrangers sur des flux financiers douteux, notamment sur des comptes d’Algériens ouverts en Espagne, le DRS a fait arrêter Chani Medjdoub, en septembre dernier, et a remonté la filière du réseau de « facilitateurs ».

    Le nom de trois autres ministres, en dehors de celui de Amar Ghoul, concerné par le projet, sont cités comme partenaires d’une négociation avec les Chinois à travers la personne du sulfureux vendeur d’armes français. L’accusation, à peine voilée, n’avait pas produit de réaction des concernés, dimanche 13 décembre, trois jours après la publication de leurs noms. L’identité de ces ministres, pour deux d’entre eux ex-ministres – tous proches du président Bouteflika, a laissé penser à de nombreux observateurs interloqués, que les fuites dans ce dossier explosif, étaient un missile des services de l’armée contre le clan présidentiel. Une première accusation avait circulé, au tout début de l’affaire, laissant entendre que c’est le DRS qui aurait bénéficié du pot-de-vin sur l’autoroute Est-Ouest et en aurait fait sa caisse noire. L’enquête a servi aussi de contre-feu.

    Un contrat comme réservé aux Chinois

    De nombreux indices, rapportés par ailleurs au journal Les Afriques de sources proches du Ministère des travaux publics, laissent à penser que les Chinois ont été avantagés afin d’obtenir le marché. Le cahier des charges, entre autres, a été dépouillé par le Ministère de tutelle de certaines dispositions – avoir déjà réalisé une autoroute dans un grand pays industrialisé à l’étranger – afin de ne pas sortir les soumissionnaires chinois du jeu. Avant même l’éclatement du scandale, un responsable de CITIC a reconnu, en privé, qu’il n’avait jamais gagné le marché des deux lots d’autoroute, mais que c’était là le résultat d’un accord politique entre Pékin et Alger. Une piste qui, si elle devait se confirmer, laverait les autorités algériennes concernées de l’ignominie de la corruption, mais affecterait tout aussi gravement la confiance de leurs autres partenaires. Dans le consortium chinois, CITIC est le corrupteur désigné, par qui vient le scandale. Il s’agit d’une holding financière qui s’est associée à un bâtisseur de métier (CRCC) pour obtenir les contrats algériens. La commission qui a attribué les marchés n’a jamais publié – comme la loi l’y oblige – les montants des autres offres. Les principaux rivaux étaient américain (Bechtel), franco-allemands (Vinci, Razel et Bilfinger), italiens (Groupement Italia) et portugais (Luso groupe). Les Japonais du consortium Coojal, bénéficiaires du lot Est (399 km pour 5,2 milliards de dollars), sont restés en dehors de la bourrasque. Leur chantier accuse du retard sur l’échéance de juillet 2010.

    L’enquête sur les pots-de-vins de l’autoroute Est-Ouest a montré qu’un système semblable existait dans l’attribution d’autres grands marchés publics, dans les transports et l’hydraulique. Cette fois, les corrupteurs seraient des sociétés européennes et encore chinoises. Un haut cadre du Ministère des transports a été mis en détention préventive.

    Les Afriques
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