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Rien qu’une empreinte digitale, Mourad Brahimi

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  • Rien qu’une empreinte digitale, Mourad Brahimi

    Rien qu’une empreinte digitale de Mourad Brahimi est un livre qui vous pousse dans les entrailles d’une Algérie peu racontée, peu décrite mais que beaucoup connaissent.

    Un pays blessé avec ses monstres, ses anges et ses injustices quotidiennes. Ce ne sont pas les délires littéraires d’un écrivain en quête de notoriété mais plutôt un récit émouvant, fort, chargé de vérités, de larmes et de solitude.

    Tout commence un matin de printemps de l’année 1992. Mourad, un cadre de l’administration locale, accompagne ses enfants à l’école quand brusquement, une voiture de police s’arrête et l’embarque. Il n’y comprend rien et se trouve entraîné dans un commissariat. Il est inculpé, interrogé puis emprisonné. Il ne rêve pas, c’est le début du cauchemar. Poings et mains liés, sa liberté confisquée, il est jeté dans une «cage», «mis aux cachots, isolé comme un pestiféré». Il ne comprend ni les raisons de sa détention, ni de son emprisonnement, ni celles de son inculpation. Même son avocat ne le sait pas ! Mourad doit répondre aux questions interminables.

    Dans sa cellule, où il couche «comme un paillasson à l’entrée des toilettes», s’entassent d’autres prisonniers, il rencontre 14 autres collègues incarcérés comme lui. Ils sont parmi les premiers cadres que l’Algérie libre et indépendante a formés. C’est bien plus tard, par hasard, qu’il apprend ce qu’on lui reproche : dissipation et détournement de biens publics. Pourtant, aucune enquête sérieuse n’est menée, les accusations sont infondées et il n’y a aucune preuve. Les contradictions de la justice, de la police et les procédures bureaucratiques…

    L’auteur évoque tout ça. Rien qu’une empreinte digitale est avant tout le récit de l’affrontement de deux conceptions de la liberté. Pour l’auteur, elle est comme l’air que l’on respire. Privé de sa liberté, il a l’impression qu’on lui «enfonce la tête dans la boue» et «alors que chaque seconde est vitale, on m’empêche de la relever». Pour les magistrats, ce n’est qu’une procédure technique, courante, habituelle et sans importance. Du texte naît la douleur. Pour Mourad Brahimi, la justice n’existe pas. D’ailleurs, du début jusqu’à la fin, il s’interroge sur l’injustice des hommes : comment des fonctionnaires qui ont loyalement servi le pays sont traînés devant les tribunaux et inculpés d’avoir pris une chaise ou une armoire qu’une société étrangère avait abandonnée ?! Pourquoi de jeunes Algériens sont arrêtés pour des broutilles ? Comment des hommes peuvent décider de notre destinée ?

    Telle une caméra, Mourad filme ce qui nous est inaccessible et caché. Il nous entraîne dans les dédales de la prison, du cachot et du cœur humain. La folie affolée, ces hommes fragilisés, les dossiers non classés qui s’entassent dans les tribunaux parce que les magistrats sont en vacances, l’avocat qui ne sait plus, ne peut plus, qui attend comme son client. L’interminable et cruelle attente qui tue, qui gronde, qui vocifère et vous prend le meilleur de vous-même. A sa manière, Mourad résiste, proteste, poursuit une grève de la faim, on l’oblige à l’arrêter… A quoi sert la vie dans ces instants de solitude ? Et puis, l’incertitude des lendemains, l’impuissance de la loi face à ces représentants… La loi face à elle-même ! Le cauchemar perdure cinq mois et 20 jours. Cinq mois de détention provisoire qui finissent par une libération !

    Un livre écrit comme une confidence, qui contient énormément de souffrances, de questionnements et de violence. L’on partage avec l’auteur ses craintes, ses larmes, ses moments d’exil et ses délires. Les évènements, les personnages et les lieux sont minutieusement décrits. Les détails prennent de l’ampleur et donnent au récit toute sa pertinence et sa puissance. A lire absolument !

    Par Le Soir

  • #2
    Comment vous est venue l'idée d'écrire un livre ?

    Mourad Brahimi
    : C’est à ma libération que je me suis retrouvé avec ce texte. Au début, je n’attachais aucune importance à cette affaire. J’avais la conviction que le juge n’avait pas le droit d’emprisonner un citoyen sans motif, que c’était impossible. Même injustement emprisonné, je demeurais certain qu’à son retour du week-end, le juge allait ouvrir son tiroir, lire son dossier, constater les preuves et nous libérer.

    Mais quand les premières heures du premier jour de la semaine s’écoulaient et que rien ne se passait, ma révolte fut telle que je décidais d’écrire au président Boudiaf : voici les faits. Que me reproche-t-on ? La question, je la détaillais par écrit et ce qui devait être la lettre à Boudiaf devenait un procès-verbal de l’interrogatoire de police, du procureur de la République, du juge d’instruction. C’était écrit dans le style : «Il m’a dit, je lui ai répondu… » Et comme à travers tous ces interrogatoires personne ne savait de quel détournement il s’agissait, je posais cette question : pourquoi m’accusez-vous ? C’était déjà la description de l’enquête de police, de la garde à vue, de l’inculpation, l’instruction, l’emprisonnement… Je ne savais pas qu’un tel récit était en train de prendre la forme d’un roman.

    L'histoire s'était passée en 1992. 17 ans après, vous éditez ce livre. Pourquoi ?

    C’est exactement le temps qu’a mis la justice pour créer cette histoire et la classer. Je n’ai appris que cette affaire était définitivement terminée qu’il y a un an ou un peu plus. Le ministère public n’avait pas cessé de nous poursuivre. Juste auparavant, devant le tribunal criminel, il requérait à mon encontre la réclusion criminelle à perpétuité ! Je ne raconte dans mon récit que les cinq mois et vingt jours de privation de liberté. Mais pendant tout ce temps et jusqu’au dernier Salon international du livre d’Alger, je n’ai cessé de réécrire mon texte. Avec beaucoup de douleur au début, et infiniment de plaisir quand je commençais à trouver le mot juste, le rythme à insuffler à une phrase, l’organisation d’un paragraphe… Bref, la passion de l’écriture.

    Dans votre récit, le monde carcéral regorge d'innocents...


    Je ne sais pas si tout le monde est «innocent» (au sens juridique du terme). Par contre, j’ai l’intime conviction qu’aucun de ceux que j’ai rencontrés durant mon séjour ne méritait ce traitement inhumain. Il y a d’autres moyens beaucoup moins coûteux à la société que l’incarcération systématique et abusive. Il ne faut pas oublier que le rêve des révolutionnaires algériens n’était pas de construire des prisons, mais de transformer en écoles celles que nous a laissées le colonialisme.

    Avant votre incarcération, aviez-vous le même regard sur la société ?


    Non, je n'imaginais pas autant de souffrance à deux pas de chez moi. Finalement, l’on ne sait rien d'une société si on ne connaît pas ses prisons. Ça, c'est une certitude.

    Bio express

    Mourad Brahimi est né le 15 mai 1955 à Tlemcen. Diplômé de l’Ecole nationale d’administration, il a été membre de l’exécutif de la wilaya de Djelfa, directeur général de l’Office de gestion et de promotion immobilière. L’année des faits, il était chef de daïra dans la wilaya de Médéa. Aujourd’hui, il est fonctionnaire à la wilaya d’Oran.

    Par Le Soir

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