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L'exclusion de sunnites des législatives met en péril la stabilité de l'Irak

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  • L'exclusion de sunnites des législatives met en péril la stabilité de l'Irak

    Confrontée à la décision du gouvernement irakien, dominé par les partis chiites, d'exclure 511 candidats, en majorité sunnites, des élections générales du 7 mars, l'administration américaine, affolée par la perspective d'assister au possible retour en force du chaos et des violences interconfessionnelles, a décidé de dépêcher en urgence le vice-président Joseph Biden à Bagdad pour intervenir.


    Prise en décembre 2009 dans des conditions obscures par la Commission suprême pour la responsabilité et la justice - une instance parlementaire largement dominée par des élus chiites qui sont eux-mêmes candidats aux élections -, ces 511 personnalités interdites sont accusées de nourrir des sympathies actives pour l'ancien parti Baas de Saddam Hussein. Largement rédigée par des juristes américains et entérinée par référendum national en 2005, l'article 7 de la Constitution interdit l'existence même de ce parti ainsi que la diffusion de ses dogmes.

    Approuvée la semaine passée par la Commission nationale électorale, une instance théoriquement indépendante, la liste, et surtout "le principe" même de l'interdit est ardemment soutenu par le chef chiite du gouvernement, Nouri Al-Maliki.

    Niant que les Arabes sunnites, qui bénéficiaient sous Saddam Hussein, lui-même sunnite, d'un sort un peu plus enviable que les autres, soient visés en tant que tels, M. Maliki qui se représente à la tête d'une coalition de quarante petites formations dont certaines sunnites, comparait, mardi, le Baas aux nazis, eux-mêmes "interdits d'élection en Europe après la guerre".

    Le premier ministre qui, contrairement aux Américains qui ciblent plutôt Al-Qaida en Irak, accuse régulièrement "les criminels baasistes" d'être derrière les attentats meurtriers de ces derniers mois, a ajouté que "jamais", il ne se réconcilierait "avec ceux qui voient Saddam Hussein comme un martyre". Cette prise de position, approuvée par l'actuel parti numéro un de l'Assemblée, le Conseil suprême islamique fondé à Téhéran en 1982, est en contradiction directe avec les efforts américains en faveur d'une réconciliation nationale complète qui seule leur permettrait de retirer l'essentiel de leurs forces d'Irak d'ici au 30 août. Selon certaines informations non démenties, des agents de la CIA (l'Agence centrale de renseignement) discutent depuis des mois avec les chefs baasistes, exilés depuis sept ans en Jordanie, en Syrie et au Yémen, pour parvenir à un accord. Ces efforts ne sont pas, ou plus, soutenus par le gouvernement de Bagdad.

    Tous les commentateurs étrangers de la scène politique irakienne, sans exception, jugent que la liste des interdits, si elle est maintenue, peut faire voler en éclat la paix très relative qui commençait à s'instaurer entre la minorité arabe sunnite qui a perdu le pouvoir et la majorité chiite. "Cela démontre que la guerre interconfessionnelle n'est pas terminée", estime Pierre-Jean Luizard, auteur de nombreux ouvrages politiques et historiques sur le pays. "Le plus grave, poursuit ce chercheur du CNRS, est que la possibilité d'un coup d'Etat militaire, mené par des troupes d'élite présentement entraînées à l'étranger par les Américains, se renforce."

    Les premières élections générales de l'après-invasion en 2005 avaient été boycottées par 90 % des Arabes sunnites. Attentats et guerre civile avaient suivi.

    Chacun espérait que le scrutin du 7 mars permettrait leur retour dans la vie politique et l'accélération de la reconstruction de l'Etat. La liste des bannis, dont le détail n'a pas été rendu public et qui concerne 8 % des 6 592 candidats déclarés, inclut notamment l'actuel ministre (sunnite) de la défense, Abdel Qader Jassem Al-Obeidi, et Salah Al-Motlaq, patron sexagénaire du Front de la concorde, l'un des deux principaux partis représentant les sunnites.

    Critique acerbe et décidé de M. Maliki au Parlement, M. Motlaq, qui contrôle 11 sièges de l'Assemblée et qui a obtenu autour de 20% des voix dans les zones mixtes d'Irak aux élections régionales de janvier 2009, venait juste de passer un accord de coalition pour le prochain scrutin avec le parti nationaliste de l'ancien premier ministre chiite laïc, M. Iyad Allaoui. Celui-ci n'a pas - encore - menacé de boycotter les élections si son partenaire n'était pas autorisé à concourir mais de nombreux sunnites évoquent publiquement cette éventualité.

    Dans le camp chiite, la tension monte également. Plusieurs milliers de manifestants ont défilé, jeudi 21 janvier, à Nadjaf, Kerbala et Bassora à l'appel de leurs formations aux cris de "Non au retour des assassins !".

    Pressé par Washington d'intervenir, le président (kurde) de l'Irak a saisi, jeudi, la Cour suprême du pays afin qu'elle vérifie si la Commission responsabilité et justice est ou non légale. Présidée par Ahmad Chalabi, politicien non élu, ancien favori de l'administration Bush avant que celle-ci se rende compte en 2007 que "son homme" travaillait aussi, sinon exclusivement, pour l'Iran, cette instance d'exclusion n'aurait jamais été entérinée par le Parlement.

    Le Parlement passera de 275 à 325 sièges


    Les secondes élections législatives de l'après-Saddam Hussein auront lieu le 7 mars dans l'ensemble du pays, le Kurdistan autonome inclus. Sur la base d'une estimation statistique, la population serait passée de 22 millions en 1987, l'année du dernier recensement, à 30 millions d'habitants aujourd'hui.

    A partir de cette estimation démographique, et après des mois de zizanies et de négociations entre les groupes ethniques et confessionnels, le nombre de sièges à l'Assemblée représentative, le Parlement, passera de 275 actuellement à 325. Les 18 provinces d'Irak ont toutes obtenu des sièges supplémentaires, celle de Bagdad passant de 59 à 68, Bassora de 18 à 24, Babylone de 11 à 16.

    Par Le Monde
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