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Les espèces naissent, prospèrent puis disparaissent

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  • Les espèces naissent, prospèrent puis disparaissent

    A l'occasion de l'année de la biodiversité, l'institut de recherche pour le développement (IRD) organise à Marseille un cycle de conférences mensuelles. Premier intervenant, Christian Lévêque, hydrobiologiste, évoque les menaces pesant sur la biodiversité, le rôle de l'Homme et les mesures à mettre en œuvre pour préserver les espèces menacées.

    Sciences-et-Avenir: Quelles sont les menaces qui pèsent sur la biodiversité ?

    Christian Lévêque : On classe généralement les menaces sur la biodiversité en quatre grandes catégories : la pollution, la destruction d'habitat, la surexploitation et les introductions d'espèces qui peuvent concurrencer les espèces autochtones. Cela est vrai, c'est l'aspect factuel, mais si on regarde un peu plus loin, les raisons de l'érosion de la biodiversité sont dans les comportements sociaux. Ce qui est en cause, c'est le profit à court terme : on exploite le plus vite possible pour faire le plus d'argent rapidement. C'est la corruption qui existe dans tous ces domaines de protection des ressources naturelles. Et c'est la pauvreté, dans les pays les plus démunis la biodiversité est une source de profit que ce soit par la surexploitation ou par le braconnage.


    L’Homme est donc seul responsable de l’érosion de la biodiversité ?

    L'être humain est un prédateur parmi d'autres et la nature se compose de rapports de prédation. Le problème est qu'en très peu de temps nous avons connu une véritable explosion démographique, compte tenu de nos besoins il est évident que nous avons une action sur l'environnement. Mais la question est plus complexe, nous sommes aussi des créateurs de biodiversité et si on analyse le passé la biodiversité est un champ de ruines. On estime que 99.9%, et probablement plus, des espèces qui ont vécu sur Terre ont disparu. Pourquoi ? Parce que le cours normal de la vie pour une espèce c'est de naître de prospérer et de disparaître. On ne sait pas si l'une ou l'autre de ces formes de vie a disparu à cause d'une autre. Il n'y a peut-être pas de rapport systématique entre la présence de l'Homme et l'extinction d'espèces. L'homme est par exemple apparu en Afrique et pourtant la mégafaune africaine existe toujours. Cela dit on ne peut nier notre impact sur la biodiversité.

    Vous dites que l'Homme est aussi un créateur de biodiversité ?

    Bien sûr, d'abord nous avons manipulé les plantes pour créer de nouvelles variétés, puis les animaux. Nous générons aussi des conditions propices à l'émergence de nouvelles espèces, les mécanismes de spéciation existent toujours. La différence réside dans l'échelle de temps : il est bien plus rapide de détruire une espèce que d'en créer une. La mondialisation, le transfert de spécimens d'un continent à l'autre sont autant de facteurs créateurs de biodiversité. On a longtemps cru que pour qu'une nouvelle espèce apparaisse il fallait qu'une population soit isolée. Il existe maintenant un autre modèle de spéciation, dit sympatrique [voir un exemple, ndlr] dans lequel il apparait que des espèces peuvent évoluer différemment au sein d'un même milieu.

    Nous avons quand même le devoir de préserver la biodiversité mais peut-on sauvegarder toutes les espèces ?


    Premièrement il faut bien dire que l'on ne souhaite pas protéger toute la biodiversité. On cherche par exemple à détruire ou à cantonner les microorganismes pathogènes qui représentent également de la biodiversité et pas qu'un peu compte tenu de leur nombre et de leur omniprésence sur la planète. Après il me semble impossible de pouvoir protéger toutes les formes de vie vivant actuellement. Nous allons nécessairement devoir faire des choix. Lesquels ? Je dirai qu'un côté affectif fait que nous nous intéressons plus aux vertébrés et aux mammifères. C'est aussi une question de point de vue, quand je pose cette question à mes collègues africains ils me répondent qu'ils veulent protéger ce qu'ils connaissent et qui leur est utile. Pour moi, par exemple, la disparition des orangs-outans de Bornéo parce qu'on détruit leur habitat pour planter des palmiers à huile pour faire des agrocarburants me pose problème.

    Nous sommes à Marseille un des grands ports méditerranéen, un mot sur la pêche au thon rouge, faut-il l'interdire ?

    Je pense que oui car il y a un vrai risque d'extinction. Les populations de poissons ne peuvent survivre en dessous d'un certain nombre d'individus même si on stoppe toute capture. On l'a vu avec la morue de Terre-neuve qui a été surexploitée pendant des années. Depuis 20 ans, la pêche est stoppée mais les stocks de poissons ne se renouvellent pas et il n'est pas certain qu'ils le soient un jour. Il faut donc prendre des mesures maintenant et proposer aux pêcheurs des moyens de se reconvertir.

    Quelles mesures prendre pour sauvegarder la biodiversité ?


    La création de zones sanctuarisées ou de réserves marines peut être une solution par rapport à certaines espèces très menacées. De même, un organisme comme la Commission baleinière internationale a, malgré tous ses défauts, certainement permis de sauver les baleines. Mais ce sont des solutions d'urgence, de court terme. Il faut voir plus grand, il faut prendre conscience que la biodiversité est un produit économique. Elle fournit des poissons, des molécules pharmaceutiques, du plaisir même avec l'horticulture ou l'aquariophilie. A ce titre, il faut donc la protéger et rémunérer d'une manière ou d'une autre les pays qui détiennent cette richesse pour qu'ils la protègent. Et surtout, selon moi, cela doit être un projet politique qui s'appuie sur la législation. Si on ne légifère pas avec des instances internationales de surveillance des lois, on n'y arrivera pas.

    Propos recueillis par Joël Ignasse ,Sciences-et-Avenir

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