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Quelle université pour quelle Algérie?

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  • Quelle université pour quelle Algérie?

    La réalité amère, connue de nous tous, a été confirmée hier par Djamel Guerid, sociologue et professeur à l’université d’Oran. Invité au forum des débats d’El Watan, première manifestation de cette saison, consacrée au thème « Quelle université pour quelle Algérie ? », M. Guerid se base dans l’établissement de ce constat sur des signes forts et concordants.

    De son avis, jamais depuis l’indépendance du pays, on a tant parlé de l’université, les interventions des étudiants et enseignants n’ont jamais été aussi nombreuses et critiques, les grèves n’ont jamais été aussi fréquentes, aussi longues, aussi dures. Le malaise, de l’avis du conférencier, est profond et les mots pour le dire se font de plus en plus virulents.

    Toutefois, pour le sociologue, idée d’ailleurs partagée par les nombreux participants à cette rencontre, ce n’est pas le système universitaire qui est en cause et en crise, mais c’est la société entière avec l’ensemble de ses institutions. Dans son exposé, M. Guerid est revenu sur l’histoire de l’université algérienne comme il a, dans le détail, expliqué le développement et l’histoire de l’université européenne. Une université en construction qui s’insère harmonieusement dans une évolution continue et où le système licence, doctorat, master (LMD) est né avec elle. Les pays asiatiques et maghrébins ont tenté des années après d’adopter le système LMD. « Le système LMD est né avec l’université européenne, et en 2004, l’Algérie a mis en application ce système à titre expérimental dans dix universités sur les 60 existantes.

    En 2008, nous avons vu les premiers masters. Est-il possible d’emprunter le système LMD », s’est interrogé M. Guerid. Cette interrogation, selon le conférencier, tient sa pertinence du fait que le système LMD se présente fondamentalement comme produit historique de la société européenne. « Le système LMD, qui porte la marque de la société qui l’a vu naître, ne peut être qu’un échec chez nous, car l’environnement diffère complètement et l’élément humain et matériel fait défaut », remarque l’orateur. En examinant l’université algérienne, M. Guerid relève que l’on ne peut pas ne pas noter ce double paradoxe. Le premier est qu’il y a d’un côté une puissance sur le plan de la masse qu’illustrent la multiplication du nombre des institutions universitaires, leur répartition sur tout le territoire national, l’accroissement des effectifs étudiants et enseignants, et de l’autre il y a le recul du point de vue scientifique, culturel idéologique, en fait de la diminution du poids de l’université dans la nation.

    Le deuxième paradoxe réside, d’un côté, dans la reconnaissance de l’université en tant qu’instance principale de reproduction de l’élite dans ses différentes composantes et, de l’autre, dans la disparition de tout débat de fond sur cette institution comme si la manière de reproduire cette élite avait perdu toute importance. Actuellement, indique l’orateur, l’université algérienne est à la recherche de la vérité, de son identité. « La vérité sur l’université algérienne s’est toujours retrouvée en dehors d’elle-même et avec le système LMD et la mondialisation, elle ne se trouve nulle part », explique-t-il. L’impression qui prévaut aujourd’hui en Algérie est que l’université algérienne est en phase de fin de période, mais une fin de période qui semble s’installer dans la durée.

    « S’il y a consensus pour dire qu’il faut passer à "autre chose" c’est le grand flou qui domine lorsqu’il s’agit de parler pertinemment de cette autre chose », observe le conférencier pour qui cette mutation indispensable s’appelle passage de l’impératif quantité à l’impératif qualité, c’est-à-dire l’accouchement de la nouvelle université algérienne. Il faut se rendre compte, cependant, note-t-il que le premier problème n’est pas l’université mais la société. Il n’est pas pensable d’arriver au consensus sur l’université en l’absence d’une sorte de compromis historique sur l’organisation de la société.

    Dans la foulée, M. Guerid s’est interrogé sur la possibilité de respecter les conditions posées par l’Europe pour aller vers l’autonomie de l’université par rapport à l’Etat ? L’université, selon les Européens, est une institution autonome qui de façon critique produit et transmet la culture à travers la recherche et l’enseignement. Peut-on imaginer l’instauration d’un pouvoir universitaire et l’instauration d’un tutorat ? M. Guerid a regretté lors de son intervention que pour la fête du centenaire de l’université algérienne aucun colloque, ni séminaire et encore moins une rencontre n’ont été organisés par les universités, il a également évoqué le système Bologne.

    Lors des débats, M. Hachmaoui s’est demandé si l’on pouvait réformer l’université sans passer par la réforme du régime politique et sans toucher au fondement de ce système ? Le conférencier a répondu par la négation : « En réalité, le problème n’est pas l’université, mais la société, il n’est pas possible d’arriver à une évolution si l’on ne trouve pas un compromis historique à la société », note M. Guerid qui rappelle que l’université algérienne est dans une position d’immobilité, il y a donc un obstacle qui l’empêche d’arriver à l’autre rive. « L’université algérienne est en phase avec notre culture, notre société et l’environnement international », dira-t-il. Pour sa part, Ali Rachedi, ex-ministre de l’Enseignement supérieur, estime que le régime algérien n’acceptera jamais de réformer l’université. L’intervenant s’est interrogé sur l’objectif visé à travers l’introduction des sciences islamiques et l’opportunité d’une université islamique.

    Un autre intervenant est revenu sur les causes endogènes et exogènes ayant mené à la dégradation de l’université. Il a soutenu qu’il est impossible de faire une réforme en Algérie, car le système est verrouillé. Chose à laquelle adhère le conférencier.


    Par Nabila Amir, El Watan
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