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Mouloud Mammeri

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  • Mouloud Mammeri

    Mouloud Mammeri a œuvré toute sa vie à sortir de l’oubli sa langue et sa culture d’origine, il devient donc le trait d’union d’une époque, la sienne, et celle de ses ancêtres. Il mourut en février 1989.

    Son travail d’ethnologue, linguiste et de chercheur en sciences humaines l’avait éloigné de l’écriture romanesque, l’intégrant d’emblée dans une démarche de porte-parole de son peuple, politisant donc ce travail devenu la cheville ouvrière de son combat. Or, certains ne connaissent Mouloud Mammeri que par le combat de sa vie, mené pour sauvegarder la mémoire et la culture des siens, et ne connaissent pas l’autre facette du grand homme, celle de romancier.

    Son œuvre, qui quoique se résume à quatre romans (mais aussi des pièces de théâtre, nouvelles, poésies, études), reste impressionnante, car l’écriture de Mouloud Mammeri est à juste titre inimitable. De tous les écrivains algériens, c’est sans doute celui qui avait le mieux la maîtrise de la syntaxe. Il a fait un travail méticuleux sur la langue, le style complexe, certes, recherché et enrichissant.

    Son écriture classique est celle d’un agrégé en lettres. Sur le plan thématique, les romans de Mouloud Mammeri sont très représentatifs des périodes déterminantes de notre pays et de son époque aussi. Les bouleversements déclenchés par la Seconde Guerre mondiale dans la société algérienne se retrouvent dans la Colline oubliée et le Sommeil du juste, toujours sur fond de Seconde Guerre mondiale, avec toutefois un ancrage dans un village de Kabylie dans le contexte colonial, la guerre d’indépendance et l’indépendance avec l’Opium et le Bâton et enfin la Traversée avec l’indépendance du pays sur un fond de désenchantement et de bilans.

    Si l’ancrage des romans se fait incontestablement dans une société berbère, puisque le dernier roman la Traversée se déroule en grande partie chez les Touareg, l’autre thème récurrent est l’échec de l’amour, les couples chez Mouloud Mammeri quoique étrangement amoureux et passionnés voient leurs relations buter contre divers obstacles et finissent par se briser ; Mokrane et Aazi, Menach et Davda dans la Colline oubliée, Bachir et Itto dans l'Opium et le Bâton, Arezki et Elfriede dans le Sommeil du juste, Mourad et Amalia dans la Traversée.

    Mais revenons au deuxième roman de Mouloud Mammeri le Sommeil du juste qui semble être l’œuvre maîtresse de l’auteur.

    Publié en 1955 chez Plon en France, il met en scène un homme, Arezki, un personnage qui évolue dans le monde clos et fermé de son village d’origine. Un solitaire en conflit avec lui-même, désabusé par l’expérience d’une vie en Métropole, de retour au pays, avec un goût d’inachevé et amer. Il n’arrive plus à prendre son destin en main et évolue individuellement bien que le collectif prime dans cette histoire, ce qui le contraint à une position de rebelle, parfois d’incompris . Et comment ne pas l’être, ne pas être incompris, lui qui rejette l’autorité de l’imam et le diktat des «traditions », lui qui a été à l’école du colonisateur, façonné par la culture d’autrui, la tête polluée par une civilisation étrangère, comme le pensent les vieux du village.

    Le conflit qui le déchire est d’abord en lui, une emprise avec sa «nouvelle» identité d’aliéné, ce qu’il confesse dans une lettre à son professeur : «Je vous devrai, mon cher maître, d'être né à la vie (...) Avant vous, je n'existais pas (...) et puis vous êtes venu, mon cher maître, et je vous ai connu. Vous brisâtes les portes de ma prison et je naquis au monde.» Arezki au fait ne sait plus ce qu’il est, sa quête est terrible, car ce n’est ni les idées qu’il avait lues dans les livres, alors, Molière, Shakespeare, Homère, Montesquieu et les autres l’ont finalement «mené» à la dérive sans pour autant lui donner les moyens de s’accrocher réellement à ce monde civilisé qui est en rupture totale avec le sien. Les grands idéaux mis de côté, car la réalité est là, un pays natal soumis à une rude colonisation, à une injustice et une tyrannie sans pareille.

    Mais cette rupture avec son autre monde, son échec amoureux avec Elfriede le plonge toutefois dans un état second, le poussant à une solitude extrême. Mais tout va basculer d’un coup, un soir de fête au village, où des hommes, les frères du parti réunis dans les huttes vont êtres vendus et arrêtés, sauf Arezki, qui retardé par une vieille femme, n’avait pas eu le temps de les rejoindre. Il sera arrêté plus tard et condamné lourdement pour le meurtre de Toudert, celui qui a vendu les frères.

    Durant son procès, Arezki qui clama son innocence en vain, dira : «Vous pouvez dormir, monsieur le juge : il est bon après tout que le sommeil du juste suive le sommeil de la justice.»

    Biographie

    C’est à Taourirt Mimoun (Ath- Yenni), un petit village de la Grande-Kabylie, qu’est né Mouloud Mammeri le 28 décembre 1917. Son père était l’ amin du village, soit l’équivalent de maire. Il commence son éducation à l’école primaire du village natal avant de partir en 1928 chez son oncle installé au Maroc, à Rabat exactement. Quatre ans plus tard, il vient à Alger pour poursuivre ses études au lycée Bugeaud (actuel lycée Émir- Abdelkader). Il rejoint ensuite le lycée Louis-le- Grand à Paris avec l'intention de rentrer à l'École normale supérieure. Mobilisé en 1939 et libéré en octobre 1940, Mouloud Mammeri s’inscrit à la faculté des lettres d’Alger. Remobilisé en 1942 après le débarquement américain, il participe aux campagnes d’Italie, de France et d’Allemagne. Après un concours de professorat de lettres, il rentre en Algérie en septembre 1947. Il enseigne à Médéa, puis à Ben Aknoun et publie son premier roman, la Colline oubliée, en 1952. Sous la pression des événements, il doit quitter Alger en 1957 pour se réfugier au Maroc et rentrer au lendemain de l’Indépendance. Il fut tour à tour professeur d'enseignement secondaire et supérieur, directeur du Centre de recherches anthropologiques, préhistoriques et ethnologiques du Musée du Bardo à Alger, premier président de l'Union des écrivains algériens, qu’il abandonne pour discordance de vues sur le rôle de l’écrivain dans la société. Il trouva brutalement la mort le 25 février 1989 au volant de sa voiture alors qu'il rentrait d'une conférence donnée au Maroc.

    Par Nassira Belloula, Le Soir
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