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Le calvaire des enfants de la lune en Algérie

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  • Le calvaire des enfants de la lune en Algérie

    «Installez ce film UVC 40 sur toutes les surfaces vitrées des fenêtres. Evitez à Melissa tout contact avec le soleil et surtout évitez l’usage des lampes économiques, celles-ci dégagent 10 fois plus de rayons ultraviolets que les lampes ordinaires.» Ce sont là les dernières recommandations de Noureddine, «Ami des enfants de la lune», qui ne laisse rien au hasard.

    Au passage, il interpelle la mère du petit Rabah, âgé de 3 ans, à faire consulter son fils par un médecin, le plus tôt possible, car il présente plusieurs signes de la géno-dermatose, appelée communément maladie des enfants de la lune et scientifiquement «Xeroderma Pigmentosum» ou tout simplement répondant à l’abréviation XP.

    Cette pathologie est, dans la majeure partie des cas, une conséquence directe des mariages consanguins. Jeudi, la famille des enfants de la lune a été endeuillée par le décès du petit Amine Belghali (13 ans), des suites de cette impétueuse maladie qui a déformé son visage. Il a subi plusieurs interventions chirurgicales qui lui ont coûté l’ablation de l’oeil et des transformations radicales des joues.

    Le petit Amine a été rongée par le cancer causé par les rayons ultraviolets (UV). Les amis des enfants de la lune n’arrivent pas à s’en remettre. Ils savent pertinemment que cette pathologie continuera à faire des victimes parmi les petits enfants faute de moyens de protection.

    «Nos moyens sont très limités», a affirmé Noureddine. Bilal a perdu la vue tandis que ses deux soeurs sont décédées, il n y a pas longtemps. Fatiha n’est plus de ce monde. Son frère souffre toujours. Son visage est complètement défiguré. Yacine et Aïssa sont frappés par la cécité partielle alors que la face de Chahinez est déformée.

    Ce ne sont là que de petits exemples d’une grande liste de malades qui souffrent en silence en Algérie.

    La maladie des enfants de la lune touche de 30 à 50 personnes en France et entre 3000 à 4000 dans le monde. En Algérie, selon des chiffres, difficiles à vérifier, quelque 2000 enfants souffrent de cette pathologie.

    La Xeroderma Pigmentosum est une pathologie génétique aussi rare que grave qui provoque une hypersensibilité de la peau au soleil, des troubles oculaires et des cancers apparents de la peau, des yeux, des oreilles, parfois de la langue.

    Cette pathologie se développe rapidement en Algérie obligeant les patients à vivre le jour à l’abri de la lumière naturelle et à ne sortir que la nuit habillés de vêtements spécifiques. Houaria, Mansour, Bilal, Hachemi, Aïssa, Melissa, Yacine, Abdelkader, cinq frères à Béchar, 3 autres frères à Alger, 2 enfants à Sig... sont interdits de soleil.

    Comme des chauves-souris, le petit Younès et sa soeur Rania de Tlemcen ne sortent qu’au coucher du soleil pour aller à l’école qui leur a été improvisée grâce au dévouement de leurs parents et quelques enseignants bénévoles.
    Ces petits sont privés des bienfaits du soleil. Aussi, dorment-ils le jour pour ne survivre que la nuit. A l’ouest du pays, ils sont une trentaine à être pris en charge par leurs amis qui continuent à leur apporter le peu d’assistance en matière de médicaments, à savoir des crèmes protectrices, des lunettes et des casquettes antirayons ultraviolets.

    Comme dans un labyrinthe, les médecins et ces malades d’un genre particulier, connaissent par coeur les chemins à suivre.

    Les médecins osent braver les fortes tumeurs en procédant aux interventions maxillo-faciales avant de passer à la chirurgie plastique et la chimiothérapie. Après des années de souffrance, ces patients abdiquent à leur triste sort: la mort. Cette maladie orpheline est incurable. À ce jour, il n’existe aucun traitement définitif, faute d’une bonne connaissance de ses causes hormis celles connues, c’est-à-dire les conséquences d’une toute petite exposition au soleil.

    Abdelkader est un jeune XP. La vingtaine passée, il est sorti major de promotion de l’Ecole des non-voyants de Bouisville (Aïn El Türck). Il a été honoré par Djamal Ould Abbès lors d’une cérémonie organisée à cet effet. Quelle ne fut sa déception de se rendre compte que le cadeau du ministre n’est autre qu’un walkman.

    «Ne parlons pas des longues attentes qu’on nous fait observer où, à des heures durant sont exposés nos enfants au soleil sous les sévères réquisitoires des infirmiers du pavillon 02 du CHU d’Oran» s’est indigné un parent d’un autre enfant en quête de la moindre information sur le miraculeux médicament.

    La prise en charge de ces petits est loin d’être une mission facile tandis que l’accueil est souvent décrié. A qui se plaindre? Personne ne répond, y compris le département de Saïd Barkat, ont dénoncé plusieurs parents. Leurs nuits sont devenues de véritables cauchemars en raison des exigences nocturnes de leurs enfants malades. Pendant que le reste de la famille dort paisiblement, ces enfants restent éveillés.

    «Ce n’est pas facile, nous sommes obligés de parcourir, en plein jour et aux dépens de la santé de nos enfants, plusieurs centaines de kilomètres en quête de soins», a affirmé Mme Belghali dont la petite Houaria est atteinte de cette pathologie incurable.

    Pourtant, la petite Houaria a décroché avec brio sa 6e AF mais a dû renoncer définitivement aux études en raison de la maladie qui la terrasse au fil des jours. «Le peu d’égard et le minimum de prise en charge qu’on puisse accorder aux familles des patients est de leur permettre de rembourser les frais des médicaments, une prise en charge sociale et une scolarité sans risques», espère Adnane Zerhouni, un autre membre de l’Association «Les Amis des enfants de la lune».

    Ces enfants fantasment, à l’instar de tous les enfants du monde, qu’ils sont en train de courir dans les cours des écoles et de jouer avec leurs camarades. Hélas! ces enfants n’ont jamais vu les ressacs de la mer ni les jardins publics.

    Pour Mme Mahmoudi Khadidja, chef de service ophtalmologie pédiatrique près de l’Etablissement universitaire de Canastel à Oran , les enfants de la lune méritent une attention particulière de la part de toute la population. «Vu que ces malades sont méconnus, ces derniers sont repoussés par la société» a-t-elle déploré expliquant que cet isolement est tout aussi grave que la pathologie. «Nous arrivons à répondre un tant soit peu aux besoins de ces enfants grâce aux aides des bénévoles», a indiqué Noureddine qui souligne que l’assistance de ces personnes exige l’implication directe de tous les acteurs activant dans le secteur de la santé. Les médecins ne doivent pas se rendre coupables d’une quelconque négligence en éloignant les rendez-vous des consultations et des interventions.

    «A chaque fois qu’on fait un appel, une famille se manifeste, la dernière est résidante à Dar El Beïda, dans la wilaya d’Alger», a affirmé Noureddine.
    Les malades et leurs familles ne savent plus à quel saint se vouer ni à quelle porte frapper. Le salut, ne serait-ce que pour le peu de temps qu’ils ont à vivre, n’est pas pour demain.

    La prise en charge en Tunisie et en Mauritanie, pour ne citer que ces deux pays voisins, a connu des progrès notables tandis qu’en Algérie, l’enfant de la lune est victime des incompréhensions.

    Par l'Expression
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