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Au pays des mille et un bakchichs

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  • Au pays des mille et un bakchichs

    Axe principal de la campagne présidentielle d’Abdelaziz Bouteflika en 2009, la lutte contre la corruption a pris une nouvelle dimension avec l’affaire Sonatrach. Voyage au cœur d’un système de rapine institutionnalisée.

    Abdelmadjid Attar, ancien PDG de Sonatrach, n’est pas un habitué des formules excessives. Et s’il a qualifié de séisme l’annonce, le 13 janvier, de la suspension et du placement sous contrôle judiciaire de Mohamed Meziane, son lointain successeur à la tête du groupe pétrolier public, c’est qu’il n’est pas loin de la réalité. Et un séisme est toujours suivi de multiples répliques. Avant d’aborder les retombées de l’affaire Sonatrach, retour sur les quinze jours d’enquête du Département du renseignement et de la sécurité (DRS, services secrets) qui ont conduit le pôle financier du Tribunal de Sidi M’hamed (Alger centre) à mettre sous contrôle judiciaire l’une des personnalités les plus influentes du pays.
    Début décembre 2009. Comme chaque année, l’ONG Transparency International (TI) vient de publier son indice de perception de la corruption. La lecture du document provoque la colère du président Abdelaziz Bouteflika. Implacable, l’ONG juge que la corruption en Algérie est en constante augmentation. Pis, la mise au jour de multiples scandales financiers (Khalifa Bank, Banque commerciale et industrielle d’Algérie, Banque nationale d’Algérie…) et les procès retentissants de fonctionnaires véreux et d’élus locaux indélicats sont agités comme la preuve de l’institutionnalisation de la corruption et non comme des gages de la volonté de lutter contre les malversations et autres détournements de deniers publics.

    Moralisation de la vie publique
    « La colère du président n’était pas feinte, assure Djamel Ould Abbas, ministre de la Solidarité et de l’Action sociale. Je me souviens de sa première déclaration à l’issue de sa longue traversée du désert [quelques mois après la disparition de Houari Boumédiène, en décembre 1978, Bouteflika avait été victime d’une cabale judiciaire et exclu du comité central du FLN, NDLR]. C’était lors d’une réunion des cadres historiques du parti unique, en 1989. Soit dix ans avant son élection à la magistrature suprême. Son intervention était axée sur le phénomène de la corruption. Son analyse était simple : aucune stratégie de développement ne saurait sortir l’Algérie du sous-développement en l’absence d’une lutte efficace contre le clientélisme, le népotisme et la corruption. » Émanant d’un membre du gouvernement, qui plus est issu de la même formation politique, le FLN, le témoignage d’Ould Abbas pourrait être sujet à caution. Ce qui n’est pas le cas des déclarations d’une personnalité que l’on pourrait difficilement soupçonner d’accointance avec le chef de l’État : Louisa Hanoune. Rivale de Bouteflika lors de la dernière élection présidentielle, en avril 2009, celle qui est devenue la première opposante a affirmé sans ambages que « l’aspect le plus intéressant des meetings électoraux de Bouteflika est son engagement à lutter contre ce phénomène ». Et puis il y a eu ce moment pathétique où le président-candidat a lancé un SOS : « Aidez-moi à lutter contre la corruption, je n’y arriverai pas tout seul ! » Si Bouteflika a consacré son premier mandat au retour de la paix civile et le deuxième à la relance de la machine économique, il a visiblement décidé de dédier son troisième mandat à la moralisation de la vie publique et à l’assainissement de la pratique économique.

    Signes extérieurs de richesse
    Revenons à décembre 2009. Le 13, une dizaine de jours après la publication du rapport de TI, Bouteflika adresse à son Premier ministre une directive le sommant d’identifier « les postes à responsabilités sensibles où les possibilités de corruption sont les plus élevées ». En d’autres termes, le président exige un contrôle rigoureux et une surveillance accrue des indicateurs de corruption, tels que les signes extérieurs de richesse dans l’entourage des dirigeants de groupes publics et des hauts fonctionnaires. Le recours quasi systématique aux bureaux d’études étrangers – grassement payés – est également dénoncé par Bouteflika, qui y voit la perversion de certains opérateurs nationaux tirant profit de prestations parfois fictives. Le poste à responsabilités le plus sensible en Algérie ? Nul besoin d’être grand clerc pour répondre : président-directeur général de Sonatrach.

    Pilier du système, bras financier du régime, le groupe pétrolier public est « la base matérielle de la nation », selon la formule de Louisa Hanoune. Employant plus de 120 000 salariés, dont 17 000 cadres, Sonatrach assure près de 98 % des exportations algériennes, et contribue pour 60 % aux recettes du Trésor public. En tête de la liste des responsables exposés à la corruption, Mohamed Meziane fut logiquement le premier auquel s’est intéressé le DRS, chargé par le président d’enquêter et de transmettre rapidement le fruit de ses investigations.

    Pondéré, compétent et discret, Mohamed Meziane répond, pour son malheur, aux critères énoncés dans la directive présidentielle : une progéniture qui ne se prive pas d’exposer au grand jour des signes extérieurs de richesse, multipliant les acquisitions immobilières douteuses, réglant en liquide de grosses factures et s’érigeant en tuteurs du groupe auprès d’interlocuteurs étrangers. Les investigations sont élargies à d’autres cadres de Sonatrach. Quatre vice-présidents, sur les cinq que compte le groupe, et deux directeurs centraux sont soupçonnés de malversations dans l’octroi de marchés passés avec des partenaires étrangers. L’ancien PDG du Crédit populaire d’Algérie (CPA, publique) ainsi que son fils font partie du lot.

    Durant les dix premiers jours de l’année, tout ce beau monde est entendu dans les locaux du DRS, à Ben Aknoun, sur les hauteurs d’Alger. L’ampleur de l’affaire, le statut particulier de Sonatrach, le souci de préserver ses cadres imposent la discrétion. Il est conseillé à Meziane de prendre un congé durant cette période pour ne pas éveiller les soupçons ni interférer sur le fonctionnement du groupe pétrolier. Le 12 janvier, les « suspects » sont présentés devant un magistrat instructeur, qui les place sous mandat de dépôt, hormis Mohamed Meziane et un des vice-présidents. Traitement de faveur ? « Détrompez-vous, assure un défenseur du PDG de Sonatrach, mon client ne bénéficie d’aucune faveur particulière. Pour preuve, le parquet a fait appel et exige son incarcération. »

    L’affaire Sonatrach n’est pas le premier fait d’armes de Bouteflika dans sa lutte contre la corruption. En témoigne la longue liste d’affaires jugées ou en cours d’instruction. En outre, ses ramifications ont conduit les limiers du DRS à d’autres structures de l’énergie, notamment les agences de régulation, qui sont en première ligne en matière d’attribution de concessions et de partenariats dans le domaine des hydrocarbures.

    Quelles conséquences politiques ?

    Dans l’air du temps depuis la réélection du président, un large remaniement du gouvernement d’Ahmed Ouyahia est annoncé comme imminent. Bien sûr, tout le monde s’interroge sur le sort du ministre de tutelle de Sonatrach, Chakib Khelil, d’autant que celui-ci a longtemps porté la double casquette de ministre de l’Énergie et de PDG de Sonatrach. Interrogé après l’annonce de la mise sous contrôle judiciaire de Meziane, l’intéressé assure avoir appris la nouvelle par voie de presse. « Je le crois volontiers tant le secret a entouré les investigations », affirme l’un de ses collègues. Toujours est-il que durant le Conseil de gouvernement du 19 janvier, il a réellement donné l’impression d’être K.-O. debout. « Il faut dire que nous l’étions tous un peu, poursuit le même collègue, car c’est la première fois qu’une accusation d’une telle gravité atteint un niveau de représentation aussi élevé. » Autre réaction, celle de Louisa Hanoune : « Je ne pleurerai pas sur son sort, c’est tout de même quelqu’un qui a failli réussir à privatiser Sonatrach en 2002. Cela dit, je le crois volontiers quand il affirme ne pas être au parfum. »

    Le mutisme de la classe politique, majorité et opposition confondues, s’explique sans doute par le fait qu’elle n’a pas vu le coup venir. Pourtant, dès le 28 octobre 2009, Bouteflika avait annoncé la couleur à l’occasion de l’inauguration de l’année judiciaire : renforcement de l’Inspection générale des finances (IGF), adaptation de la législation contre le blanchiment d’argent, traçabilité des transactions immobilières, formation spécialisée pour 470 magistrats dans les affaires financières et programmée pour l’exercice 2010, etc. D’habitude prompte à réagir, Louisa Hanoune se tait. Et explique son mutisme par la prudence. « Nous avons vécu une douloureuse expérience en 1996, quand une dizaine de cadres dirigeants de groupes industriels du secteur public avaient été injustement arrêtés, puis emprisonnés durant de longues années, avant d’être blanchis par la justice. Tout cela parce qu’ils s’opposaient à la mise en œuvre des injonctions du FMI. C’est pourquoi je refuse de hurler avec les loups. »
    Jusqu’où ira Bouteflika ? « Jusqu’au bout », répond du tac au tac un proche collaborateur du chef de l’État. À ce stade de sa carrière politique, le temps n’est plus, il est vrai, aux calculs politiques et aux effets d’annonce. « Quand il affirme que la corruption constitue une menace pour la sécurité nationale, ajoute notre source, il ne s’agit pas d’un exercice de style. C’est sa profonde conviction. » L’opération mani pulite devrait donc se poursuivre. De fait, la mise sous contrôle judiciaire du patron d’un groupe tel que Sonatrach est le signe tangible de la fin de l’impunité. Et du début des crises d’insomnie pour de nombreuses personnalités…

    Jeune Afrique
    « Great minds discuss ideas; average minds, events; small minds, people. » Eleanor ROOSEVELT

  • #2
    Pourquoi l'armée mène l'enquête

    De l’autoroute est-ouest à l’affaire des métaux ferreux et non ferreux en passant par Sonatrach, les plus gros scandales financiers et économiques de ces dernières années ont éclaté à la suite d’enquêtes conduites par des officiers du Département du renseignement et de la sécurité (DRS). Ce qui ne réduit en rien les prérogatives, récemment renforcées, d’une structure comme l’Inspection générale des finances (IGF), qui a enregistré, elle aussi, de nombreux succès en matière de lutte contre la délinquance financière. C’est juste une affaire de ressources humaines. Le DRS ou son ancêtre, la Sécurité militaire (SM), ont toujours été prioritaires en matière de recrutement des éléments affichant les meilleures aptitudes dans leur domaine.

    Les premières enquêtes économiques de la SM datent des années 1970, quand Houari Boumédiène demande, en 1976, à Kasdi Merbah, alors patron de la SM (décédé depuis), de créer une section spécialisée dans les investigations économiques pour mener des enquêtes de moralité et de probité sur le personnel politique et les dirigeants des grands groupes industriels publics. Cette structure a été mise en place par un espion célèbre, aujourd’hui disparu, le lieutenant-colonel Abdallah Benhamza, alias Djamel. Seulement voilà, les enquêtes de la SM n’ont jamais donné lieu à des procédures judiciaires. Parfois instrumentalisées à des fins de neutralisation, souvent étouffées, car impliquant des héros de la révolution ou des personnalités du régime, elles n’ont contribué qu’à grossir des dossiers qui ne seront jamais déclassifiés. Il ne s’agit donc pas d’un retour des services dans le champ économique. La seule différence est que, aujourd’hui, une fois bouclé, le dossier est remis à la justice, qui désigne un magistrat. Une différence de taille !

    jeune afrique
    « Great minds discuss ideas; average minds, events; small minds, people. » Eleanor ROOSEVELT

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    • #3
      Un élu sur dix concerné...


      En novembre 2009, quelques semaines avant la publication du rapport de l’ONG Transparency International, les services de Noureddine Yazid Zerhouni, ministre de l’Intérieur, rendent publiques des statistiques effarantes en matière de malversations et autres détournements de deniers publics dans la gestion des collectivités locales. Depuis 2002, près de 1 650 élus locaux (soit un élu sur dix) ont fait l’objet de poursuites judiciaires pour des affaires liées à la corruption. Les procès ont valu à près d’un millier d’entre eux une condamnation à de la prison ferme ou à des peines avec sursis. Les sommes détournées par ces élus sont estimées à 3,5 milliards de dinars (33,3 millions d’euros).
      Autre chiffre révélateur : moins de 30 % des 16 600 élus locaux, régionaux ou nationaux ont respecté la réglementation qui leur fait obligation de déclarer leur patrimoine avant leur installation dans leur fonction élective. Et les hauts fonctionnaires ne sont pas en reste. Des walis (préfets) ont également été cités dans des affaires de corruption, à l’exemple de Bachir Frik, ancien wali d’Oran, ou encore de Mohamed Bouricha, ex-wali de Blida démis de ses fonctions en mai 2005. Une affaire dont la presse avait fait ses choux gras. L’homme est en effet réputé proche de la famille du président. Poursuivi pour usage de fonds étatiques à des fins personnelles, trafic de terres agricoles et abus de pouvoir, ce commis de l’État « revendait » pour son compte des terres agricoles appartenant au domaine de l’État et traitait de manière frauduleuse avec quatre hommes d’affaires qui ont bénéficié de terrains et de marchés douteux en contrepartie de commissions en espèces et en nature. Cité dans la même affaire, son fils a été incarcéré avant d’être libéré.

      Autre wali, autres déboires. À El-Tarf (zone frontalière avec la Tunisie), Djilali Arar, qui a dirigé ce département entre 2001 et 2008, est soupçonné de détournement et de dilapidation de deniers publics, de corruption, d’enrichissement illicite, de subornation de fonctionnaires, de passation de marchés douteux, de faux et usage de faux. Placé sous contrôle judiciaire, son procès devrait s’ouvrir dans quelques semaines.
      « Great minds discuss ideas; average minds, events; small minds, people. » Eleanor ROOSEVELT

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      • #4
        Instructif!
        http://www.algerie-dz.com/forums/sho...d.php?t=158518
        Dernière modification par hben, 10 février 2010, 21h32.
        "La chose la plus importante qu'on doit emporter au combat, c'est la raison d'y aller."

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