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L'entropie de l'Univers – son désordre – revue à la hausse

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  • L'entropie de l'Univers – son désordre – revue à la hausse

    Par Laurent Sacco, Futura-Sciences

    Les trous noirs, en particulier supermassifs, sont de formidables réservoirs d’énergie et d’entropie. Deux chercheurs australiens pensent aujourd’hui que l'entropie, mesure du désordre, est trente fois supérieure à ce que l’on imaginait. Voilà de quoi rendre un peu plus proche la possible mort thermique de l’Univers observable.

    Au XIXe siècle, une découverte a glacé d’effroi plusieurs physiciens et philosophes : dans un système isolé, la croissance de l’entropie est inéluctable. L’entropie est une mesure du degré de désordre d’un système et de la disponibilité de l’énergie qu’il contient pour effectuer du travail, par exemple maintenir vivant un organisme. Son inexorable augmentation implique donc que l’Univers entier devait un jour finir dans la décrépitude. C’est le fameux spectre de la mort thermique.
    Cette conclusion conduisait celui qui est probablement le plus grand philosophe occidental du XXe siècle, Bertrand Russell, à un pessimisme radical quant au destin du cosmos, exprimé dans son texte La profession de foi d'un homme libre.
    La notion d’entropie a été introduite par Rudolf Clausius, en rapport avec le second principe de la thermodynamique. Son importance en physique ne saurait être sous-estimée. En témoigne son rôle dans la saga de la théorie du corps noir et ses multiples ramifications. Si, par définition, l’Univers est tout ce qui est, la croissance inéluctable de l’entropie d'un système isolé implique alors en effet qu’il adviendra un jour où toute l’énergie de l’Univers ne sera plus utilisable. Elle ne pourra alors plus servir à faire briller des étoiles ni fonctionner les cellules vivantes. Puisque l'Univers semble, d'après les observations actuelles, en expansion éternelle, se refroidissant sans cesse, il devrait terminer son histoire dans un état de vide presque parfait, froid et dépourvu de structures complexes.
    Cette conclusion n’est certainement pas réjouissante d’un point de vue philosophique et existentiel et nombreux sont ceux qui ont tenté d’éloigner le spectre de la mort thermique.
    Il existe plusieurs possibilités. Ainsi, du fait de la relativité générale et de l’expansion de l’Univers qui en découle, on peut se poser la question du sens de la notion de système isolé pour l’Univers. On peut aussi questionner l’application du second principe de la thermodynamique dans le cas d’un Univers qui finirait pas se recontracter.
    John Wheeler a été l’un des premiers à examiner de plus près la notion d’entropie en cosmologie, ce qui l’a conduit à transposer le problème dans le cadre de la physique des trous noirs. Stimulés par ses réflexions, Bekenstein et Stephen Hawking arriveront à la conclusion qu’un trou noir possède une entropie proportionnelle au carré de sa masse et qu’il doit finir par s’évaporer en émettant des particules. Ce processus d’évaporation respecte les lois de la thermodynamique et produit un accroissement de l’entropie de l’Univers.
    Avant cette découverte, on pensait que l’entropie actuelle de l’Univers se présentait essentiellement sous la forme du rayonnement fossile désordonné baignant le cosmos observable. Toutefois, la théorie des trous noirs prenant du poids et les observations accréditant l’existence de trous noirs de plusieurs millions à plusieurs milliards de masses solaires, en particulier au cœur des galaxies, il a fallu revoir la copie. On ne tarda pas à découvrir que l'entropie des trous noirs supermassifs de l’Univers observable devait être au moins un milliard de fois plus importante, et probablement plus.




    Les trous noirs supermassifs, premiers contributeurs du désordre universel


    On peut donner quelques chiffres, en rappelant que l’on peut exprimer l’entropie S sous la forme d’un multiple de la constante de Boltzmann que l’on va noter ici kb. On trouve alors dans l’Univers observable (dont le rayon est d’environ 50 milliards d’années-lumière) :
    • Smatière baryonique = environ 1080 kb avec les étoiles.
    • Smatière baryonique = environ 1081 kb avec le gaz du milieu interstellaire.
    • Sphoton = environ 1089 kb avec le rayonnement de fond diffus.
    On peut chercher à estimer le temps mis par l’Univers pour atteindre la mort thermique et donc l’état d’entropie maximale dans le cas d’une expansion infinie. Il s’agit de prendre en compte le temps mis par les étoiles pour s’éteindre, pendant combien de temps les naines blanches et les étoiles à neutrons continueront de se refroidir et aussi l’éventuelle instabilité du proton prédit par des théories de GUT. On trouve un temps bien plus long que l’âge actuel de l’Univers puisqu’il doit dépasser les 1032 ans. Mais comme l’a montré une première fois le grand physicien Freeman Dyson, la prise en compte de l’évaporation des trous noirs par effet Hawking conduit à un temps encore bien plus long, de l’ordre de 10^100 ans.
    Dans son article publié en 1979 (Time without end: Physics and biology in an open universe) et portant sur le destin de la matière et de la vie dans un Univers sans constante cosmologique et en expansion éternelle, les calculs fournissent une durée parfois baptisée temps de Dyson et qui vaut 10x10^76 ans, supérieure, donc, à l’estimation précédente.
    C’est en cherchant à préciser le contenu entropique de l’Univers observable actuel que Charley Lineweaver et Chas Egan de l’Australian National University se sont rendu compte que cette entropie avait été sous-estimée.

    Au début des années 1990, comme on l’a dit précédemment, on savait que l’entropie dans l’Univers observable était localisée majoritairement au niveau des trous noirs supermassifs. Dans son livre L’esprit, l’ordinateur et les lois de la physique, le grand mathématicien et physicien Roger Penrose donnait à l’époque une estimation de :

    Strou noir = 10^101 kb environ

    Dans l’article qu’ils ont publié sur arXiv, les deux chercheurs australiens arrivent aujourd’hui à une estimation de :

    Strou noir = 10^104 kb environ

    Ce chiffre est 30 fois supérieur aux estimations les plus récentes qui l’étaient déjà par rapport à celle donnée par Penrose. Dans leur article sont aussi prises en compte les contributions des neutrinos, de la matière noire et des trous noirs stellaires. Mais là encore, les trous noirs supermassifs sont largement devant.
    A strictement parler, l’entropie de l’Univers observable est même encore bien plus élevée si l’on tient compte de celle associée à un autre horizon des événements que celui des trous noirs, celui du modèle cosmologique dans lequel nous nous trouvons. On obtient alors un chiffre de :

    Shorizon cosmologique = 10^122 kb environ

    Si ces considérations sont intéressantes pour envisager l’avenir de la complexité dans l’Univers, elles sont bien loin de nous permettre de le connaître. On ne sait pas si l’Univers est fini (comme le pense Jean-Pierre Luminet) ou infini et à quoi il ressemble bien au-delà de l’horizon cosmologique actuel. Si l’on en croit la théorie de l’inflation éternelle de Linde, nous ne serions en fait qu’une minuscule région d'un multivers en renouvellement perpétuel grâce au mécanisme de l’inflation. Si un Univers poche peut finir par mourir de la mort thermique, ou en se recontractant, le multivers lui-même n’aurait jamais de fin…

    note : ^ = "puissance" dans le sens mathématique
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