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Clandestins des cités universitaires en Algérie

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  • Clandestins des cités universitaires en Algérie

    « J’ai terminé mes études il y a trois ans. Mais voilà sept ans que je vis ici… » Messaoud, originaire de Djelfa, licencié en droit, vit en « clandestin » à la cité universitaire de Ben Aknoun.

    Comme beaucoup d’autres ex-étudiants qui continuent, faute de moyens, d’occuper des chambres universitaires en Algérie
    Ce phénomène social s’ajoute aux conditions déplorables dans lesquelles se débat la communauté estudiantine qui, récemment, a observé un sit-in devant la cité de Ben Aknoun pour réclamer plus de chambres. Mais qui sont ces diplômés qui se mêlent aux nouveaux et comment arrivent-ils à échapper aux contrôles pourtant renforcés à l’entrée des cités U ?

    Redouane, étudiant en troisième année de journalisme, nous fait découvrir les allées de la cité U de Ben Aknoun, construite durant les années Boumediène. Ce site serait « un des plus sécurisés d’Algérie compte tenu de sa proximité avec les administrations abritant des services de sécurité », nous renseigne-t-il. Pour autant, on y croiserait régulièrement des résidents qui n’ont plus rien à faire là… Messaoud, 26 ans, gérant d’un cybercafé des environs, raconte : « Lorsque j’ai décroché ma licence, je suis rentré chez moi, mais je ne pouvais plus supporter l’ambiance qui régnait dans ma ville natale, Hassi Bahbah, et la situation précaire dans laquelle vivait ma famille. Je n’avais pas de travail alors j’ai décidé de regagner Alger. Je dois travailler et, avec ce que je gagne, il m’est impossible d’assurer un loyer car j’envoie la moitié à ma famille… » La misère, le chômage, les maigres salaires… Les histoires se ressemblent presque toutes. Tous pensaient qu’avec un diplôme, les choses changeraient.

    Aujourd’hui, ils squattent les résidences universitaires et trichent pour échapper aux contrôles. « J’ai fait scanner une carte de résident pour entrer et sortir comme je veux, raconte l’un d’eux. Avec la complicité de mes amis, originaires de la même région, j’occupe un lit. » D’après leurs témoignages, certains agents de l’administration fermeraient l’œil sur leur présence. « Ils nous comprennent, ils savent que c’est difficile, qu’on n’a pas où aller. » Hamid est un clandestin un peu spécial. Il n’a jamais fait d’études mais a rejoint son frère il y a quatre ans. « Une fois son cursus terminé, il est rentré chez nous, à Aïn Defla mais moi, je ne pouvais pas le suivre, alors j’ai décidé de rester à Alger où je travaille. Grâce à mes accoitances avec des agents de sécurité, j’ai pu rester dans la cité ». Mahmoud, jeune professeur d’université, refuse qu’on le traite de « clandestin ». Voilà quatre ans qu’il habite à Bouraoui (El Harrach). « Je suis universitaire et j’ai le droit d’occuper une chambre à défaut d’un logement de fonction. »

    Cité universitaire de Dély Ibrahim. Ici, le commerce de chambres est devenu un business. Des étudiants louent ainsi des chambres « à 1000 DA, parfois moins pour des personnes étrangères à la communauté estudiantine, histoire d’arrondir leurs fins de mois », explique l’un d’eux. « Je suis maçon dans un chantier limitrophe, témoigne Fouad. Je ne pouvais plus dormir dans les baraquements que nous avons construits, dépourvus d’eau, d’électricité… Alors je paye un agent de sécurité qui m’autorise à occuper une chambre avec des étudiants. » Plus étonnant, les chambres sont parfois « transformées en chambres d’hôtel pour accueillir les amis, la famille et mêmes des inconnus, confie un étudiant. Le lit est loué entre 100 et 500 DA la nuit, le coût variant selon les équipements : télé, ordinateur… »

    Dans les résidences des filles, les mêmes pratiques insolites ont cours. « Des locataires clandestines – et clandestins — occupent des chambres destinées aux seules étudiantes », nous assure-t-on. « Par solidarité féminine », clame Lamia haut et fort. Souad — « la rebelle » comme la surnomment ses copines — désapprouve totalement cette situation. « Alors que des copines parcourent des kilomètres et des kilomètres pour rallier les universités, des filles qui n’ont rien à voir avec les études ont une place, c’est inadmissible ! », s’énerve-t-elle sous le regard amusé de ses copines. « En plus, elles ouvrent des salons de coiffure dans les chambres et toutes les filles se précipitent chez elles le matin pour un brushing à 100DA ! » Naïma, résidente dans une cité à Bab Ezzouar, dénonce même « des étudiantes qui hébergent des prostituées. Elles vont bientôt faire la loi ici ! Mais personne ne dit rien à ces lalla (patronnes) qui ont l’air d’avoir débauché la moitié des filles ! », s’emporte-t-elle.

    Ricky et David, doyens des clandestins

    Tels sont les surnoms donnés aux deux doyens des clandestins des cités universitaires algériennes… connus par plusieurs générations d’étudiants qui se sont succédé dans les résidences. Leur histoire alimente toutes les discussions et ils sont devenus de véritables légendes vivantes. David, de son vrai nom Aït Mouloud Rachid, a donc passé dix-sept ans à Ben Aknoun. Après la fin de son cursus universitaire, médecin de formation, il galère pour trouver un logement et décide alors de s’installer « frauduleusement » dans une chambre de la cité U de Hydra, au rez-de-chaussée du bâtiment D, aux côtés d’étudiants africains. Il quitte ensuite l’Algérie pour la Suisse, quelques années, puis revient.

    Le chouchou de la communauté africaine occupe une deuxième fois une chambre avec ses amis du Burundi. Quant à Ricky, Zahir Amara, « analphabète », n’a jamais été étudiant. Mais il mérite, selon ses proches amis, un doctorat, car Ricky était à la fois l’ami des étudiants et un acteur social qui militait pour l’amélioration de leurs conditions de vie. Depuis les années Boumediène, de début septembre à la mi-juillet, Ricky, qui a cumulé vingt-cinq ans de « vie clandestine » aux côtés des étudiants, animait les cursus et les conseillait. Son aventure a pris fin en 1998, à l’époque de Zeroual.


    Hocine Bouhara. Directeur des œuvres universitaires d’Alger-Centre : On ne peut pas faire des cités U des zones hermétiques

    Comment expliquez-vous que des personnes étrangères à la communauté estudiantine occupent des chambres universitaires ?

    Effectivement, des diplômés de l’université se rabattent sur les chambres universitaires faute de logement. Mais le phénomène n’est pas si alarmant car leur nombre n’est pas important, comme avant. L’explication réside dans le fait que ces « intrus » qui ont déjà vécu en cité pendant leur cursus de quatre ou cinq années ont tissé des relations avec les agents de sécurité ou avec des agents de l’administration. Ils se faufilent entre les mailles du filet et l’accès leur est assuré la nuit — puisque la plupart travaille pendant la journée. De plus, je dirai qu’ils occupent des matelas et non des lits. Aucun lit n’a été détourné des réels bénéficiaires.

    - Quelques chambres feraient office de « chambres d’hôtel ». Les étudiants ont-ils le droit d’accueillir des personnes étrangères ?


    Le règlement intérieur des résidences universitaires permet les visites et non l’hébergement d’étrangers. D’abord, l’exiguïté des chambres ne le permet pas, mais en plus, elles sont destinées aux étudiants. Seulement voilà, nous gérons ces résidences dans un « esprit universitaire et familial ». Autrement dit, nous tolérons parfois qu’un étudiant accueille ou héberge, après autorisation, pendant 48 ou 72 heures, des amis ou de la famille. Ce qui est normal, on ne peut pas faire des cités universitaires des zones hermétiques. Prenons l’exemple de cette jeune fille de Djelfa qui a reçu pendant longtemps sa mère, venue se soigner à Alger. On ne peut pas lui interdire cela...

    - Des étudiantes se livreraient à des pratiques commerciales au sein des résidences, le saviez-vous ?

    Lors de mes tournées d’inspection, j’ai constaté certains agissements à l’insu de l’administration. J’ai vu des affichages sauvages, ou des étudiants proposent « Flexy dans la chambre n°X ». Toujours dans un esprit familial, je comprends tout à fait cela. Nous arrachons ces affiches et nous convoquons les personnes concernées, dans le calme. Nous ne pouvons pas aller jusqu’à les sanctionner ou les faire passer en conseil de discipline. Nous privilégions le dialogue et le conseil à la sanction.

    - Et concernant le cas des enseignants qui résident dans les cités universitaires…


    On ne peut pas les empêcher d’occuper des chambres avec des étudiants, mais nous ne leur donnons pas de place au détriment des étudiants car ils ne sont pas prioritaires. Ils se débrouillent comme ils le peuvent. Mais l’administration ne peut pas les exclure des chambres. Ces enseignants vacataires ou contractuels ne peuvent hélas pas louer un logement. Le problème auquel nous faisons face est celui de la catégorie des travailleurs de l’enseignement supérieur qui ont bénéficié, par le passé, de pavillons transformés en logements par la suite. La moyenne est de 30 à 40 familles dans chaque résidence universitaire. Cela a créé quelques rixes avec les étudiants par le passé ; certains nous ont souvent interpellés mais à notre niveau, nous n’avons pas de solution.



    Par Zouheir Aït Mouhoub, El Watan

  • #2
    hahahahaha!!!
    Que celui qui n'a jamais squatté la cité U leur lance la première pierre!!!
    "La chose la plus importante qu'on doit emporter au combat, c'est la raison d'y aller."

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