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La progression de l'Iran dans le nucléaire militaire

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  • La progression de l'Iran dans le nucléaire militaire

    Mis sous pression par la rue, le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad brandit les réalisations iraniennes dans l'atome comme un moyen de retrouver une légitimité. Mais le pouvoir iranien poursuit aussi une autre stratégie. Il place les Occidentaux devant des faits accomplis successifs, qui rapprochent l'Iran de la capacité de produire une bombe atomique. Tout en prenant soin de rester en deçà du moment de rupture totale que représenterait le passage ouvert à la production de matière fissile ou un retrait fracassant du traité de non-prolifération (TNP).

    L'Iran évite ainsi d'emprunter la voie choisie en 2003 par la Corée du Nord, et semble procéder par un lent grignotage technologique, en misant sur l'absence de réaction radicale de la communauté internationale.

    Pourtant, le passage, mercredi 10 février, à une production d'uranium enrichi à 20 % sur le site iranien de Natanz représente un tournant sensible, qui fournit des arguments aux tenants de sanctions accrues, à l'ONU ou ailleurs.

    Même si les quantités produites sont faibles, ainsi que l'ont constaté les inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), il s'agit du franchissement d'un palier symbolique, vers un degré d'enrichissement à caractère militaire (90 %). Le nouveau directeur de l'AIEA, le Japonais Yukiya Amano, a exprimé sa "préoccupation".

    Les travaux iraniens se concentraient depuis 2003 sur l'accumulation d'uranium enrichi à 4,5 %, bien que le pays ne soit doté d'aucune centrale nucléaire susceptible d'utiliser ce combustible pour la production d'électricité (l'argument officiel invoqué). Pour justifier maintenant le passage au "20 %", l'Iran argue de l'absence d'accord avec les grandes puissances sur un projet de "circuit" d'uranium proposé en octobre 2009 par l'AIEA après avoir été conçu par l'administration Obama.

    L'Iran dit vouloir utiliser cet uranium à 20 % dans un réacteur de recherches à Téhéran, qui produit des isotopes médicaux pour le traitement du cancer. Or il ne maîtrise pas la technologie pour alimenter seul ce réacteur, qui avait été livré dans les années 1960 par les Etats-Unis et fourni en combustible jusqu'en 1993 par l'Argentine.

    Le véritable objectif serait donc ailleurs. Selon l'expert américain David Albright, de l'Institute for Science and International Security, une fois atteints les "20 %", le passage aux étapes suivantes, 60 % puis 90 % (le degré pour la matière fissile) peut se produire sans grande difficulté. Il suffirait pour cela de "surenrichir" l'uranium dans une petite installation comportant "entre 500 et 1 000 centrifugeuses", pendant une période d'environ six mois. Une telle installation serait "difficilement détectable par l'AIEA ou des services de renseignements", estime M. Albright.

    Ce qui renvoie à une question lancinante : existe-t-il encore en Iran des sites nucléaires clandestins, où de tels travaux pourraient être menés dans le secret ? La révélation, en septembre 2009, du site de Qom, passé sous silence par l'Iran pendant des années, a réveillé les soupçons de plus belle. D'autant que l'Iran a annoncé entre-temps son intention de mettre en chantier "dix nouveaux sites d'enrichissement", sans préciser où ni quand.

    Si l'Iran se dote, ou est déjà doté, d'autres sites d'enrichissement secrets - en remplacement de celui de Qom, divulgué -, les activités qui se déroulent à Natanz, sous l'oeil des inspecteurs internationaux, pourraient servir avant tout à accaparer l'attention des Occidentaux, tout en améliorant peu à peu la maîtrise technologique.

    Car celle-ci serait en réalité toute relative. "Nous ne pensons pas qu'ils aient la capacité d'enrichir au niveau prétendu", a commenté, jeudi, le porte-parole de la Maison Blanche, Robert Gibbs. Les déclarations de Mahmoud Ahmadinejad sur l'avènement d'une "puissance nucléaire" iranienne depuis le passage aux "20 %", sont "fondées sur la politique, pas la physique", a-t-il ajouté, "le programme nucléaire iranien a rencontré une succession de problèmes pendant toute l'année 2009".

    L'AIEA a en effet constaté, en novembre 2009, que seule la moitié des quelque 8 000 centrifugeuses de Natanz était en train de produire. La raison ? Dans une étude fouillée du programme iranien, publiée jeudi, David Albright avance des explications. Les Iraniens rencontreraient des problèmes liés à l'installation trop rapide d'un grand nombre de centrifugeuses. L'uranium qu'ils utilisent contiendrait des impuretés. Et un travail de sabotage mené par des services secrets occidentaux, notamment au niveau des circuits de fourniture d'équipements, ne serait pas étranger à ces déconvenues. C'est la raison pour laquelle Barack Obama, qui parle désormais ouvertement de la "militarisation" du programme iranien, semble confiant qu'il reste du temps pour la diplomatie et les sanctions.


    Par Natalie Nougayrède, Le Monde

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