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La floriculture est la première source de devises du Kénya

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  • La floriculture est la première source de devises du Kénya

    Dimanche 14 février au soir, Isabelle Spindler saura si elle a "fait son année ou pas". Des brassées de roses vendues dans les rues de Paris, Londres, Berlin ou Madrid à la Saint-Valentin dépend le chiffre d'affaires de sa ferme, Redlands and Roses, l'une des quelque 150 fermes recensées au Kenya. Après une année 2009 médiocre, qui s'est soldée par une baisse de 23 % de ses revenus à l'exportation, 2010 s'annonce meilleure. Les commandes le montrent et les rosiers de Colombie, le principal concurrent, ont gelé.

    Porté par des conditions climatiques favorables, ce pays d'Afrique de l'Est a fait en moins de vingt ans du commerce des roses l'un de ses atouts économiques majeurs. Première source de devises du pays, il génère 80 000 emplois directs et 500 000 indirectement. Tout irait pour le mieux si le secteur n'était pas aussi prospère que controversé. On lui reproche de gaspiller l'eau, d'utiliser des pesticides, de sous-payer les salariés, et de les exposer à des produits chimiques dangereux. Le marché kényan des roses, une aberration sociale et environnementale ?

    MEILLEUR BILAN CARBONE


    Réputée plutôt bas de gamme, la rose kényane quitte la capitale Nairobi vendue à 0, 32 euro la tige franco de port. A l'arrivée en Europe, son principal débouché, le bouquet d'une vingtaine de fleurs, sera vendu autour de 8 euros... Malgré le transport, la production africaine serait toutefois plus verte que sa concurrente européenne. Une étude comparative, réalisée en 2007 par l'Institut de management des ressources naturelles de l'université de Cranfield (Grande-Bretagne), a montré que les exploitations néerlandaises sont responsables d'émissions de gaz à effet de serre près de six fois plus élevées que les fermes du Kenya. Le chauffage des serres est surtout en cause.

    Cette "empreinte carbone" favorable ne fait pas de la production de roses au Kenya une culture vertueuse pour autant. Point de fixation des défenseurs de l'environnement : la dégradation du lac Naivasha, situé à une centaine de kilomètres au nord de Nairobi. Deux tiers des fermes sont installées à ses abords. Là, où il y a moins de vingt ans, les antilopes occupaient le terrain, les serres dominent le paysage. Bien que protégé par la Convention sur les zones humides d'importance internationale (dite Convention de Ramsar) depuis 1995, le lac est en danger, assurent les écologistes. Liée à l'expansion de l'activité florale, la population a été multipliée par dix en trente ans. Pour l'association des riverains du lac Naivasha, les besoins en eau des quelque 4 500 hectares de culture sont incompatibles avec un développement durable. La pollution liée aux engrais, cumulée aux eaux usées de la ville, menace la biodiversité.

    L'Indien Sher Karuturi fait partie des mauvais élèves montrés du doigt par les écologistes. Installé sur une partie du rivage pourtant classée en zone protégée, il "a obtenu honnêtement des certificats illégaux de propriété", affirme Anderson Koyo, un des militants de l'association. Contrairement à 40 % des fermes, la sienne ne pratique pas totalement le hors-sol. "Les conditions de travail des ouvriers y sont dures", assure Julius, conducteur de tracteur logé, comme la plupart des ouvriers, par son employeur dans un des parallélépipèdes de béton qui longent la route. Un salarié avec moins de cinq ans d'expérience gagne 4 700 shillings (45 euros), à peine plus que le salaire mensuel minimum. Les contrats saisonniers sont légion.

    Regroupés au sein du Kenya Flower Council (KFC), certains producteurs tentent de mettre bon ordre à des pratiques environnementales et sociales qui leur causent un tort considérable. Mais excédés par les critiques, les exploitants installés autour du lac que nous avons contactés ont refusé d'ouvrir leurs portes. "Les médias ont réalisé des reportages très négatifs", se plaint Richard Fox, à la tête de Homegrown, l'une des plus gros ses fermes.

    Pour contraindre les brebis galeuses à rentrer dans le rang, le KFC a rédigé un code de bonne conduite. Seuls ceux qui le respectent peuvent être membres de l'association de producteurs, soit 52 % des fermes actuellement. Un nombre grandissant d'exploitations bénéficie des labels "commerce équitable", tels que ceux délivrés par les associations internationales Fairtrade ou GlobalGap. "Nous sommes les agriculteurs parmi les plus audités au monde", plaide encore M. Fox. Les producteurs kényans ont le sentiment de réaliser en quelques années ce que les Européens ont mis parfois un siècle à obtenir. A moins que la mauvaise presse du secteur ne tienne à un autre élément : 40 % des producteurs de roses sont étrangers.

    L'Europe est le principal débouché commercial

    L'Afrique est le premier fournisseur de roses de l'Europe.

    Les Pays-Bas, principal point d'entrée des fleurs en Europe, achètent 95 % des roses africaines, dont la moitié vient du Kenya.

    Si la France s'approvisionne encore pour l'essentiel aux Pays-Bas, le Kenya est devenu son deuxième fournisseur direct et a représenté un marché de 6 millions d'euros en 2008. Il a progressé de 170 % entre 2004 et 2008. L'importation de roses en provenance d'Equateur et de Colombie est également en hausse.


    Par Brigitte Perucca, Le Monde
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