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Les soldes sans véritable rabais en Algérie

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  • Les soldes sans véritable rabais en Algérie


    Ouverte depuis le 18 janvier, la période des soldes se poursuivra jusqu’au 18 février prochain en Algérie


    En ville, rien ne laisse apparaître que c’est la saison des soldes ! Les commerces des ruelles et des boulevards ne se sont pas parés pour l'événement. Des affichettes colorées, peu convaincantes, timides et bourrées de fautes d’orthographe sont accrochées aux vitrines, pour aviser des réductions accordées.

    A l’intérieur des magasins, ce n’est pas la bousculade. Officielles depuis quatre ans, les soldes se déroulent en Algérie sans trop de tapage publicitaire ou médiatique. Personne n’en parle et peu de citoyens en sont informés. «Chez nous, ce n’est jamais organisé !

    Généralement, les gens ne sont pas au courant, ils ignorent les dates des soldes, les échoppes concernées… Politiquement, rien n’est fait pour remédier à ces lacunes qui nous empêchent de travailler», confie Islam, gérant d’une boutique de prêt-à-porter pour hommes, située à la rue Hassiba-Ben-Bouali, à Alger.

    Au départ, peu enthousiaste à converser avec nous, il finira par céder, devant notre insistance. «En ce moment, les prix affichés sont une véritable arnaque. Les commerçants revendent leurs articles au prix d’achat et parlent de vente au rabais ! Ce n’est pas vrai ! Sur ce coup, ils s’en sortent gagnants !», s’exclame-t-il en souriant. Il dénonce cette stratégie pratiquée par la majorité des marchands lorsque l’activité commerciale est en baisse et qu’ils en pâtissent.

    «Lorsqu’il n’y a plus de boulot et que les ouvriers s’ennuient ou s’énervent, on fait des soldes, cela a toujours été ainsi !» Sa boutique est grande. Sur les étalages, des jeans, des pantalons en velours ou en toile, des vestes et autres manteaux.

    Tout est importé. Islam ne croit pas à la vente au rabais, il ne comprend pas, d’ailleurs, son utilité et son impact. Lui, il suggère autre chose à ses clients. «Mes tarifs sont fixes car étudiés, compétitifs et promotionnels durant toute l’année. Ça va, ça marche, je ne vois pas l’intérêt des soldes, je n’en fais jamais !», lâche-t-il. Un des jeunes vendeurs nous détaille les prix : les costumes sont à 4 800 DA alors qu’ils étaient à 6 500 DA, les vestes en cuir à 6 500 DA contre 8 200 DA avant et les pantalons en toile à 1 200 DA. Plus loin, quelques commerces, particulièrement ceux spécialisés dans le prêt-à-porter, exhibent des pancartes de soldes, certaines annonçant des remises dépassant les 50 %. Mais il faut pouvoir les apercevoir ! La boutique Griffa, spécialisée dans la vente de sous-vêtements féminins et habillement pour enfants, affiche ses soldes depuis trois jours seulement. «Soldes jusqu’à 70 %», lit-on sur la vitrine.

    A l’intérieur du magasin, l’on découvre que les réductions ne concernent que les articles pour enfants. Des pantalons coûtant 1 300 DA sont cédés à 910 DA, des jupettes de 1 100 DA à 770 DA. La différence n’est pas énorme. «Cette marchandise a été importée il y a plus de six mois, je crois. Oui, c’est ça. Peut-être même un peu plus. Nous soldons ce que les gens ne peuvent plus acheter. Nous fonctionnons suivant nos clients», explique le propriétaire de la boutique. Pour lui, les remises, c’est surtout le moment propice de se débarrasser de ce qui ne se vend plus, pour faire place à une nouvelle marchandise dès son arrivée.

    Au fond de la boutique, des sacs à main sont cédés à 200 DA. Une vendeuse affirme que ces articles coûtaient plus de 500 DA la semaine dernière. «Nous avons baissé les prix car des conteneurs de marchandises viennent d’arriver». Il n’est pas aisé de faire parler les marchands. Ils se méfient, doutent et refusent de se confier. Souvent, ils inventent des alibis : «Le gérant est absent, je ne fais pas de solde». «On ne sait jamais ce que vous allez écrire !», ose même dire un marchand. «Je viens de me réveiller, je dormais, je ne peux vous parler», prétexte un autre sur un ton hostile. Cela ne nous facilitait pas la tâche ! Il faut les trouver, ceux qui consentent à collaborer et à aborder le sujet en toute franchise. Une autre boutique de prêt-à-porter féminin annonce des soldes sur ses deux vitrines. A l’intérieur, les clientes tentent de dénicher la bonne affaire. Mais ce n’est pas évident, les prix restant excessifs. Une jeune fille, emmitouflée dans un voile multicolore, demande le prix d’un chemisier demi-saison, marron, avec de beaux motifs. «5 000 DA, Madame !», répond le jeune vendeur. Elle sort et s’enfuit presque du magasin, sans s’aventurer vers les autres articles. La somme l’assomme, elle qui croyait pouvoir profiter des remises !

    A nos interrogations, Mohammed explique que ces articles made in Paris ne sont pas tous soldés. «Le patron n’est pas ici, donc je ne peux vous dire comment nous avons procédé au choix des articles soldés», argumente le gérant. Des pulls qui coûtaient 1 900 DA sont proposés à 790 DA ou à 990 DA, d’autres en laine à 3 300 DA le sont à 1 290 DA, des gilets en laine à 2 900 DA sont cédés à 2 290 DA… La différence n’est pas grande et ne correspond pas vraiment à ce qui est annoncé.

    «Les gens n’achètent pas depuis que nous soldons, c'est-à-dire depuis le 18 janvier. Ce n’est pas le rush ! Cette année, c’est la mort ! Je ne sais pas pourquoi. L’année dernière, durant la même période, il n’y avait même plus d’espace pour circuler dans la boutique», se plaint le jeune gérant. Il ajoute qu’un mois de solde est une période insuffisante car tout le stock ne peut être écoulé et que bientôt, entrera la collection de printemps.

    «Nous avons le droit de solder deux fois par an. Deux mois. C’est la réglementation et nous sommes tenus de la respecter, sous peine d’être sanctionnés.» Les grands magasins représentant des marques étrangères connues, telles Celio, Actua, Kiabi, Nike ou Puma, proposent des baisses pouvant atteindre les 70 %. Cependant, ce ne sont pas les articles de choix qui sont ciblés. En plus, les prix restent inaccessibles.

    Les clients ne sont pas dupes quand il s’agit de toucher à leur poche. Abderezak, un jeune fonctionnaire dans une entreprise publique, confie que la saison des soldes est pour lui de la poudre aux yeux. «Il y a des magasins garnis d’affiches annonçant des réductions importantes. Mais une fois à l’intérieur, les prix que vous découvrez vous renversent ! Il n’y a quasiment aucune différence entre le prix réel et la remise», dit-il. «Ce matin, je suis rentrée dans une boutique proposant des articles de sport. L’on m’a suggéré des baskets soldées à 8 000 DA ! Ils appellent ça une réduction ? Je n’avais aucune envie d’en voir plus !», clamera-t-elle.

    Pour d’autres clients, acheter en période de soldes est pénible car certains marchands refusent de rembourser ou d’échanger les produits soldés. Un autre problème, donc. En 2006, un décret exécutif fixant les conditions et les modalités de réalisation des ventes en soldes avait été promulgué. Aujourd’hui, le commerçant est contraint de déposer, apurée par le directeur du commerce de la wilaya territorialement compétente, une déclaration comportant la copie du registre du commerce ou, le cas échéant, la copie de l'extrait du registre de l'artisanat et des métiers, la liste et les quantités des biens devant faire l'objet de ventes en solde, l'Etat reprenant les réductions de prix à appliquer ainsi que les prix pratiqués auparavant. Autrement, des procès-verbaux d'infraction à la loi lui seront dressés. La loi stipule également que les soldes doivent porter sur des articles proposés à la vente depuis au moins trois mois. Des mesures qui n’ont pas réussi à réguler l’opération, puisque l’anarchie sévit toujours. En effet, durant toute la période des soldes, de l’affichage à l’étiquetage des prix, toutes les étapes ne sont pas respectées !

    L’unique préoccupation des commerçants, c’est de vendre à tout prix, même s’ils affichent sur leurs vitrines cette citation venue d’outre-mer : Chez nous, le client est roi ! Les nombreux commerçants que nous avons interrogés semblent ignorer l’utilité de cette pratique économique et d’autres affirment être découragés par la paperasse qu’ils doivent fournir. Autre phénomène inexplicable : les soldes ne concernent que le prêt-à-porter et la chaussure. Les boutiques d’appareils électroménagers, d'électronique, de meubles, d'informatique, de bijoux ou de livres ne s’impliquent pas. Certes, l’opération n’est pas obligatoire, mais elle semble quand même limitée.


    Ce que dit la loi

    Article 3 :
    Les ventes en soldes sont autorisées deux fois par année civile. Chaque opération de vente en soldes, d'une durée continue de six semaines, doit intervenir durant les saisons hivernale et estivale. Les ventes en soldes sont réalisées durant les périodes comprises entre les mois de janvier et février pour la période hivernale, et entre les mois de juillet et août pour la période estivale.

    Article 4 : Les dates de déroulement des ventes en soldes sont fixées au début de chaque année, par arrêté du wali, sur proposition du directeur de wilaya du commerce territorialement compétent, après consultation des associations professionnelles concernées et des associations de protection des consommateurs.


    Article 5 :
    Tout agent économique concerné doit rendre publics, par voie d'affichage sur la devanture de son local commercial et par tout autre moyen approprié, les dates de début et de fin des ventes en soldes, les biens concernés, les prix pratiqués auparavant et les réductions de prix consenties, qui peuvent être fixes ou graduelles.

    Article 6 : L'agent économique désirant réaliser des ventes en soldes doit déposer auprès du directeur de wilaya du commerce territorialement compétent une déclaration.

    Article 23 : Les ventes en soldes réalisées sans avoir fait l'objet, au préalable, d'une déclaration et/ou d'un affichage et/ou portant sur des biens non déclarés et/ou en dehors de la période prévue entraînent leur arrêt immédiat jusqu'à régularisation par le contrevenant de sa situation.

    Par Le Soir
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